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Tu seras

Publié le 15 mars 2015 par Nicolas Esse @nicolasesse

Tu seras bien sage, gentil et propre sur toi.

Tu seras une femme, un homme, une infirmière ou un fraiseur-tourneur. Toi, tu seras professeur, prof de lettres ou prof de droit, tu porteras un costume sombre et les cravates de papa.
Ne rêve pas, t’as pas une tête à faire du cinéma. Ne rêve pas, c’est ici que ça se passe, pas en Chine ou en Amérique, qu’est-ce que tu irais faire en Amérique ? L’Amérique, c’est trop grand pour toi. L’Amérique c’est trop loin, le monde est trop vaste, le ciel trop haut et personne n’arrive jamais à toucher du doigt les nuages. Personne. Surtout pas toi.

Alors, reste bien calé dans le sillon qui découpe ta vie en V, ta vie extrudée à la pelleteuse diagonale, débitée en tranches de cinq, dix ou vingt ans que tu multiplies par cinq ou même dix, pourquoi pas ? À la fin, tu ne retiens rien et tu obtiens un canapé où tu pourras t’allonger en attendant la fin.
Attendre que ça passe, en ne pensant à rien. Attendre que ça passe en restant à l’abri de l’orage, du printemps, des coups de soleil et de la musique des nuages.
Attendre en faisant le dos rond.
Attendre que tout s’arrête pour fermer les yeux et enfin voir tout le ciel du monde.

Tu seras pêcheur ou informaticien.
Laisse l’Amérique aux Américains.
Tu seras un homme.
Bien sûr, je serai un homme. Je serai une femme aussi. Ça dépendra des jours, de l’humeur et du temps qu’il fera. Je serai cuisinier, laboureur, écrivain. Muet. Musicienne, amoureuse ou fille de joie. Pourquoi pas.
Je m’accroche de toutes mes forces.
Je plante mes ongles dans la paroi friable. Je me hisse à la force des bras. J’ai gagné vingt centimètres. La roche rocailleuse se dérobe sous mes pas. Je remonte. Je redescends. Je remonte. Obstinément.

Tu seras un homme, Mon Fils.
Mon cul, Mon Père. Mon cul.



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