Entre la nature sauvage des solitudes montagneuses ou des Causses désertiques, où le vent, la neige et le froid règnent sans partage,et les villes conçues de toutes pièces par l’homme, il y a la campagne, point d’équilibre entre le libre jeu des forces naturelles et l’action de l’homme.
Au fil des générations le paysan a appris à connaître les éléments géophysiques de son terroir, à utiliser toutes les possibilités qu’il offre et à se prémunir contre leurs caprices. Ce faisant, il a imprimé sa marque sur la nature sans pour autant l’abolir ; il trace son sillon en ligne droite, mais dans le sens de la moindre pente ; il aligne ses plants de vigne sur les versants ensoleillés et réserve les versants humides aux prairies et aux bois – car une longue expérience lui a appris que la nature finit toujours par se venger si on la violente.
L’homme de la terre sait qu’il ne peut ni voler le feu du ciel, ni souffler le chaud au lieu du froid, ni faire de la nuit le jour. Il s’applique seulement à être un rouage le plus intelligent d’une gigantesque horloge qui peut se passer des hommes, sans laquelle les hommes ne peuvent survivre.
Le fromage est né de cette connaissance et de ce respect de la nature. C’est pourquoi il est la nature.
La nature des choses, selon l’expression de Delteil.
C’est ce fromage-là que moi j’ai découvert et que je m’efforcait d’amener à votre table au meilleur de sa forme, au mieux de mes possibilités. C’est ce fromage-là que vous aimez.
Et pas seulement comme éperon à boire, et pas seulement sur le plateau banal du repas quotidien, mais comme un peu de l’art de croire qu’est la vraie gourmandise.
Et pas seulement comme le premier des desserts (comme disait, je crois bien, Grimod-de-La Reynière) mais comme élément de la cuisine, comme élément de nombreux plats et soutient des nombreuses recettes.
Bouclant ainsi le cercle que je voudrais enchanteur entre, Moi, le Fromage et Vous.
Article tiré du livre d’Hubert : Moi, le Fromage et Vous