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Femmes et pouvoir en Afrique

Publié le 31 octobre 2014 par Novelist225
Femmes et pouvoir en Afrique

Le langage des spatules burkinabè

Confinées la plupart du temps à un rôle de procréatrice et de ménagère, les femmes africaines n'en jouent pas moins un rôle incontournable dans certaines prises de décisions et les graves chamboulements sociaux.

En effet, malgré des clichés communs à la plupart des sociétés africaines, quant à ce rôle de second plan, toujours derrière l'homme, être vulnérable à protéger, à qui l'on dénie même le droit à l'éducation, il faut remonter le cours de l'histoire pour se rendre compte du poids et de la poigne de la femme dans la sphère politique et décisionnelle.

" Ce que femme veut, Dieu veut " a-t-on coutume de dire, et ce d'ailleurs à bon escient.

Au Dahomey, dans l'actuel Bénin, le roi Béhanzin a ingénieusement mis en relief ce que la femme africaine a toujours été, une guerrière intrépide à la volonté farouche et guidée par la seule rage de vaincre, ce que ses vaillantes amazones lui ont d'ailleurs si bien rendu. L'histoire relève en effet leurs hauts faits de bravoure, lorsqu'elles retournaient en un tour de main, moult batailles décisives, lorsqu'à l'avant-garde, les hommes peinaient à renverser la vapeur de leur côté.

En Afrique centrale, et plus particulièrement au Kenya, l'écrivain N'gugi Wa Thiongo relève comment des femmes parviennent à réveiller en l'homme une fibre de révolte et d'insoumission, face aux abus de l'exploitation coloniale. Elles leur proposent en effet de faire une inversion de rôle, elles, les femmes, revêtiront le pantalon des hommes pour rejoindre la lutte, tandis que ces chiffes molles troqueront leurs vêtements masculins contre pagnes et foulards pour garder les maisons... (1)

En Côte-d'Ivoire, et du côté du Sud-ouest, un documentaire de la première chaîne de télévision montrait, il y a de cela quelques années, un prototype intéressant de révolte féminine face à des abus masculins dans un couple. La chef de la gente féminine sonnait le tocsin et ralliait à sa suite progressivement toutes les femmes du village. Sitôt entendu, chacune abandonnait toute activité et courait se joindre à ses congénères. A l'issue de pourparlers avec les femmes, les hommes réussissaient à leur faire réintégrer familles et foyers, suite au paiement d'une amende, et non sans avoir infligé au mis en cause un châtiment exemplaire.

Toujours en Côte-d'Ivoire, le spectre de femmes marchant nues, exhibant cache-sexe et autres attributs relevant de l'intimité féminine est une pire forme de malédiction, que nul homme, dirigeant fût-il, ne saurait encourir. Quelques années plus-tôt, un certain projet de loi, s'était finalement confondu dans les rumeurs de Radio Treichville, face à la menace des femmes de défiler nues dans les rues de la capitale économique.

Ainsi donc, sous ses dehors fragile, la femme qui est le véritable garant de l'unité familiale, de l'éducation des enfants, le baromètre du ménage, se révèle un ouragan, lorsqu'il lui prend l'envie de mettre en avant son veto de mère, de sœur et d'épouse, face aux abus et égarements masculins. (2)

L'exemple récent des femmes burkinabè armées de spatules, pour crier leur ras-le-bol face à un projet de loi controversé, vient corroborer cette hypothèse. Mais que diable peuvent bien faire de frêles bouts de femme avec un instrument en bois qui ferait à peine sourciller des kilos de muscles impassibles et convaincus de leur supériorité physique ? Eh bien, il semble que ce de bout de bois utilisé pour la préparation du toh familial, soit une forme d'allégorie, quand on sait qu'il y a la clé une menace d'impuissance pour tout homme qui s'en verrait frappé.

Cette montée en première ligne des femmes armées de leurs spatules, ne sonna-t-elle pas comme un encouragement pour les hommes, une bénédiction des mères, des épouses et des sœurs les incitant à se lever et à prendre leurs responsabilités ? Quand les femmes se lèvent, alors l'impossible devient possible, l'inimaginable prend forme.

L'acte héroïque des femmes burkinabè, n'est pas sans rappeler celui de leurs sœurs ivoiriennes avec à leurs têtes, les Marie Koré et Anne-Marie Raggi qui ont courageusement marché sur la prison de Grand-Bassam en Côte-d'Ivoire, afin d'exiger de l'autorité coloniale, la libération de leurs maris injustement emprisonnés.

Car, la révolte des femmes gronde comme un rappel à l'ordre de Gaïa, la terre nourricière, et cet appel, l'homme le comprend mieux que n'importe laquelle des harangues politiques. La révolte d'une femme sonne toujours le réveil de l'orgueil masculin, la prise de conscience d'une situation et la lutte inconditionnelle pour en sortir.

Aux femmes d'en prendre conscience pour ne plus apparaître comme des laissés-pour-compte, et exiger la parité dans toutes les instances décisionnelles, quand on leur doit la vie et la stabilité des familles.

Félicité Annick Foungbé

(1) Cf. A grain of wheat, N'gugi Wa Thiongo

(2) Nous évoquerons encore une fois Germinal de Zola dans une velléité d'établir un parallèle avec l'Occident, et mettre en lumière le rôle des femmes dans la révolte de leurs époux et compagnons ouvriers. Des femmes qui prennent d'assaut le magasin fourni par les patrons, où les ménages d'ouvriers n'ont d'autre choix que de s'endetter sans fin, face à leurs revenus dérisoires et au nombre de bouches à nourrir. La mort de Maigrat le gérant, dont ces femmes exhibent fièrement les attributs masculins en signe de victoire, sonne le point de non retour dans la radicalisation de la lutte du côté des ouvriers prolétaires.

(Source Photo: Ivoirebusiness.net)


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