L'Agence Ivoirienne de Presse (AIP) nous a rapporté ce jour, un fait autant attristant que choquant. En effet, une fillette en classe de CE2 dont on nous livre les initiales et les photos, tient serré contre elle, un bébé fraîchement né... sa progéniture, un enfant mâle né d'une idylle avec un jeune homme en classe de Seconde, dont on n'a ni les initiales encore moins l'image.
Au regard de ce fait divers (?), il se pose un certain nombre d'interrogations, une analyse pointilleuse s'impose pour examiner le problème, sans faux-fuyant. Sortons en effet de ce carcan de pudeur qui nous fait virer au cramoisi ou charbon, nous emmenant à plisser les paupières et à passer notre chemin, en touchant fermement du bois, afin que cela ne nous arrive pas.
Première interrogation majeure : Qui doit porter la responsabilité de ce qui apparaît comme une injure à l'espèce humaine et à la femme ? Les autorités, les parents, le système éducatif ?Dans le présent cas de figure, on voit mal comment les autorités pourraient être rendues responsables de ce qui nous écœure tous au plus haut point. L'Etat ou ses représentants peuvent-ils être individuellement tenus pour coupables de l'échec de l'éducation de nos enfants ? Peut-être un certain relâchement des mœurs leur est-il imputable, quand des programmes de télé suggestifs, des images de certaines revues ou journaux agressent et heurtent, poussant de manière subtile nos enfants à franchir trop tôt le rubicond.
Du rôle ou de la responsabilité des parentsIl serait intéressant de connaître la nature de la famille dans laquelle vit la gamine : famille recomposée ? Enfant confiée à la charge de personnes autres que père et mère ? Démission des parents avec des problèmes, telles, l'ivrognerie ? Extrême pauvreté qui entraîne la famille à fermer les yeux, à laisser les enfants se trouver tous seuls leur pitance, à réguler eux-mêmes leurs fréquentations ?
Le système éducatifOn ne peut nier la responsabilité du système éducatif dans la survenue de tragédies dans ce genre, quand on voit le mode de recrutement ou la gestion de certains enseignants. On garde en mémoire cet enseignant pédophile, au " dossier pourri ", qui continuait tranquillement de s'adonner à son vice favori, la débauche de petites filles, quelque part dans une ville du sud de la Côte-d'Ivoire. Il se décline parfois une solidarité malsaine entre les acteurs d'un système, visant à recouvrir des coupables d'un voile inapproprié de solidarité, lors de la survenue de fautes lourdes.
Dans le cas présent, le problème diffère bien entendu, toutefois, il faudrait repenser la formation de nos enfants. Inclure dans le cycle du Primaire des modules savamment élaborés sur l'éducation sexuelle. En outre, des psychologues ou du personnel expérimenté devrait de temps à autre, échanger avec les petits apprenants. Revoir aussi les effectifs pléthoriques afin d'instaurer plus de vigilance de la part d'un personnel enseignant bien formé et en alerte.
Le volet psychologique s'avère extrêmement important pour les élèves du secondaire, quand on sait que des déviations sexuelles ou des attitudes schizophréniques pourraient être détectées et éventuellement corrigées.
Deuxième interrogation majeure : pourquoi la société use-t-elle toujours de partialité dans le traitement de tels cas de figure ? (le mythe de la femme, plaie du monde).Une gamine et son nouveau-né sont exposés comme des criminels ou des bêtes de foire. Le grand absent du tableau, c'est le fameux jeune homme, un bonhomme dont on ne livre même pas les initiales, à défaut d'en partager le portrait. Lui, c'est l'individu mystère dont on doit préserver l'image, en vue de lui épargner ce regard trop cinglant de la société. Il a en effet un cursus à compléter, toute une vie à bâtir.
Elle, c'est la femme, la fille, l'éternelle coupable, aguicheuse depuis le berceau. Sa mère doit lui avoir transmis des gènes de perversion. Les femmes sont ainsi, des allumeuses, des sorcières. Il n'y a point de petites filles en ce monde d'aujourd'hui. Elle pourrait t'enseigner des choses qui dépassent les adultes. Bref ! soyons responsables, usons de compassion envers des personnes vulnérables, des personnes coupables du relâchement d'un système à petite ou grande échelle.
De la nécessité de réajuster les pendules.A l'heure où le monde s'égare chaque jour un peu plus, il faudrait repenser certaines valeurs. Le fossé entre adultes et enfants s'amincit dangereusement. Tous sont exposés à la même pollution visuelle ou sonore avec des images agressives ou des mots qui choquent. Certains chanteurs, dont la musique n'est point censurée, s'expriment avec des mots vulgaires et orduriers qui feraient pâlir de honte un troupeau de cochons. Et nos enfants les écoutent et se trémoussent au son de leurs paroles, les fredonnent innocemment. Ne nous étonnons pas de les voir passer à l'acte.
Tous les soirs à partir de dix-neuf heures, ce sont des embrassades, des bécots à n'en point finir sur nos chaînes de télé. L'amour est chosifié, tout un amalgame, un imbroglio qui fait passer les tireurs de sonnette d'alarme pour des individus ringards, des ploucs débarqués du Moyen-âge.
Devant les kiosques à journaux, des images pornographiques, des titres ahurissants... or nos enfants aussi passent en revue les titres des journaux, des 'titrologues', comme on le dit chez nous.
Alors, oui, la société est également responsable du drame de cette gamine.La société doit se remettre en cause, se repenser. En attendant, ce n'est pas une bête curieuse ou une criminelle endurcie, mais une malheureuse enfant qui a besoin de notre soutien. Et, nous aimerions bien voir le portrait de ce galopin en classe de seconde qui n'a pas honte de fureter dans les couches culottes des petites filles au berceau.
Félicité Annick Foungbé Zimo