L'expérience peut être profitable, il s'agit pour ces élèves de réapprendre à jouer aux jeux de société, à refaire du sport. Même si je ne suis pas persuadé qu'ils
avaient oublié les jeux de plateau et le sport, il est évident que les jeunes générations évoluent dans un environnement particulier. Ils sont nés avec le numérique (un élève de CM2 aujourd'hui est né en même temps que les premières offre ADSL de France Télécom), et sont la proie de flux d'images incessants, probablement plus que la génération de leurs grands frères et sœurs. Une étude de l'UNAF souligne qu'un enfant de 10 ans passe, en moyenne annuelle, 1500 heures devant quatre écrans (TV, net, console, téléphone), 800 heures à l'école et... seulement 50 heures de discussion avec ses parents.
Sans jouer les jeunes réac, tous les profs savent que l'hyper-sollicitation des élèves est la source de bien des difficultés dans les situations d'apprentissage. Le problème n'est pas tant dans la consommation d'image. Après tout les générations nées avec la télévision ne sont pas plus bêtes que celles qui les avaient précédées (elles sont plutôt plus intelligente d'ailleurs). C'est plutôt la mauvaise consommation, la consommation "de travers". Tout comme la mauvaise utilisation d'Internet. Il ne suffira pas d'interdire d'image toute la jeunesse de ce pays pour résorber tous ses maux. Mais il est urgent d'éduquer à l'image et à l'usage d'internet. Pour que l'usage ne se transforme pas inexorablement en "mésusage". Je note d'ailleurs que l'expérience de Strasbourg a été précédée, tout au long de l'année, d'une solide formation à l'image pour les élèves. Le seul sevrage n'aurait eu que peu d'intérêt.
Je reprends ici un extrait d'un texte de Philippe Meirieu que je trouve, comme souvent, très intéressant :
La publicité court-circuite toute réflexion et exalte le passage à l’acte immédiat. La télévision zappe plus vite que les téléspectateurs pour les scotcher à l’écran et les empêcher de passer sur une autre chaîne. Le téléphone portable réduit les relations humaines à la gestion de l’injonction immédiate. Ce n’est pas un complot – celui de soixante-huitards qui auraient décidé de saboter l’instruction du peuple - , c’est une conspiration : tout « respire ensemble » et susurre à l’oreille des enfants et adolescents : « maintenant, tout de suite, à n’importe quel prix… »
Il ne faut pas s’étonner, dans ces conditions, qu’il soit devenu plus difficile d’éduquer aujourd’hui : les parents savent l’énergie qu’il faut dépenser pour contrecarrer l’emprise des modes, des marques, des stéréotypes imposés par les « radios jeunes » et répercutés par les médias. Les professeurs constatent, au quotidien, la difficulté de construire des espaces de travail effectif, de permettre la concentration, de former à la maîtrise de soi et à l’investissement dans une tâche. Ils voient leurs élèves arriver en classe avec une télécommande greffée au cerveau, un phallus high-tech qui dynamite tous les rituels scolaires qu’ils peinent à mettre en place. La préoccupation principale des enseignants – ce qui les épuise aujourd’hui - est de faire baisser la tension pour favoriser l’attention. Et le malaise est là : moins dans le niveau qui baisse que dans la tension qui monte.
Pour retrouver le texte intégral du texte de P. Meirieu, c'est par ici.
A lire également, une interview de Joël de Rosnay "De nouvelles formes d'intelligence et de nouvelles dépendances"
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