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Manderley for ever, biographie par Tatiana de Rosnay

Par Mpbernet

Quand j’ai acheté « Le Général du Roi » en prévision des vacances de février, j’ignorais que venait de paraître la biographie de Daphné du Maurier, actuellement en tête des ventes … Je me souvenais seulement que ma mère affectionnait cet auteur et qu’on avait adapté plusieurs de ses histoires au cinéma, en particulier les films d’Alfred Hitchcock, Les Oiseaux et Rebecca.

manderley

Rebecca, un best-seller à l’échelle mondiale, paru en 1938, qui fit la gloire de Daphné Du Maurier et aussi fut une souffrance car le roman fut classé par les critiques dans la catégorie « gothique », « romantique », presque « roman pour femmes » en somme, alors que son auteur batailla en vain, sa vie durant, pour ne pas être étiquetée comme telle. Le vrai roman, c’est la vie de Daphné Du Maurier elle-même, méticuleusement, talentueusement et amoureusement décrite par Tatiana de Rosnay qui lui rend enfin un hommage pleinement justifié.

Née en 1907 dans une famille aisée et « branchée », Daphné est la deuxième fille et la préférée d’un acteur très connu, Gérald Du Maurier, la plus belle des trois sœurs mais sans doute la plus timide ; très jeune, elle ne se sent pas à l’aise dans la peau d’une petite fille et s’invente un personnage masculin, Eric Avon, qui parlera à la première personne dans plusieurs de ses œuvres.

Daphné prend très jeune l’habitude d’écrire. Sa première nouvelle est publiée dans The Bystander en 1929, elle a 22 ans … Son premier roman – L’Amour dans l’âme - est publié en 1931. Elle en écrira 26 autres. C’est l’époque des 18 ans de ma mère, et je comprends pourquoi elle l’appréciait tant.

Car les histoires qu’invente Daphné Du Maurier, si fière de ses ancêtres français dont elle écrira la trajectoire, sont particulièrement sombres. Sa vie n’est pas celle d’une jeune fille rangée même si le cadre fait penser à Patricia Wentworth ou Vita Sackville-West. Elle connaîtra des passions dévorantes pour des femmes, en particulier sa directrice de collège, la française Fernande Yvon, mais aussi l’actrice Gertrude Lawrence ou l’épouse de son éditeur américain, Ellen Doubleday. Son double masculin s’estompe toutefois quand elle tombe amoureuse de Frederick Browning, valeureux combattant des deux guerres et collaborateur proche de Philippe d’Edimbourg. Elle est une mère exemplaire de Tessa, Flavia et surtout en admiration devant son fils Kits, comme elle préfèrera ses petits-fils à ses petites-filles.

De ses voyages en Europe, et particulièrement en France et en Italie, elle va puiser la source de son  inspiration. Il lui faut un an pour écrire un roman, après qu’il ait « infusé » le temps nécessaire à la construction de ses personnages qu’elle nomme ses « patères ». Car Chez les Du Maurier, on use d’un langage codé dont ils sont les seuls initiés. Cirer (to wax) signifie faire l’amour, menace : être attiré, nanny : terrifiant, pouète (honky) : vulgaire, et le plus étrange : Le Caire : pénétration !

Ecrivain de talent, Tatiana de Rosnay s’est coulée dans la silhouette frêle et nerveuse de Dame Du Maurier, toujours en chandail, pantalon et bottes le long de la côte tourmentée de la région de Cornouailles adorée. Car encore plus qu’à sa famille, Daphné Du Maurier est viscéralement attachée à cette région sauvage, et surtout au manoir de Menabilly, le personnage central du Général du Roi, devenu Manderley pour Rebecca de Winter. Elle n’en fut jamais propriétaire et dût la quitter quelques années avant sa mort, voulue – elle cesse de s’alimenter – à 81 ans, en 1989. La complexité du processus de création, la nécessité de produire, les déceptions face aux critiques négatives et ce malgré un succès planétaire, le sentiment de trahison face à des adaptations cinématographiques qui échappent à l’écrivain … C’est un livre qu’on ne lâche pas. Et mieux : nous avons résolu de nous rendre bientôt en Cornouailles pour humer l’ambiance de Menabilly, dans les pas d’Honor Harris et de Richard Grenvile.

Manderley for ever, biographie de Daphné Du Maurier par Tatiana de Rosnay, Chez Albin Michel et Héloïse d’Ormesson, 458 p. 22€


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