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Son dans le vide

Publié le 13 mars 2015 par Lifeproof @CcilLifeproof

L'art est une expérience sensible. Tout comme la découverte du monde qui nous entoure depuis notre naissance, l'exploration du monde de l'art contemporain passe par nos cinq sens. Le plus souvent, nous utilisons la vue, pour admirer les couleurs d'une toile de Barnett Newman, ou pour appréhender les volumes d'une œuvre d'Anish Kapoor. Parfois, nous avons recours à l'odorat, notamment pour s'imprégner du parfum de laurier qui émane de l'installation Respirare l'ombra de Giuseppe Penone. Nous aimerions avoir recours au toucher pour caresser une sculpture de Giacometti. Tandis que le goût est rarement mis à contribution. Et puis, il y a l'ouïe, sollicité dans diverses installations, comme celles de Céleste Boursier Mougenot. Enfin, il y a notre sixième sens qui nous parle, celui qui sort de nulle part, ou de partout, qui nous happe, qui nous fait vibrer.

 

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Vue de l'exposition : Photo O.C

Pour l'exposition Stones, Air, Axioms / Delme, il n'y a, à priori, rien à voir. Sinon l'architecture surprenante d'une synagogue déguisée en White Cube. On m'explique à l'entrée que « le lieu n'est pas vide, il est plein de sons ». Or j'ai un penchant pour l'oxymore. Ce lieu est bel est bien vide. Car le vide peut être plein, d'espace, de son, de lumière, de ressenti. On en revient alors au sous-titre de l'exposition : « Fèn te ko ro, nka kow bè ro kolo ntè » qui veut dire « Il n'y a rien dans les choses, mais toutes les choses ne sont pas sans contenu. ». Difficile, à ce stade, de ne pas évoquer l'exposition, d'Yves Klein, qui s'est tenue à la galerie Iris Clert en 1958 La spécialisation de la sensibilité à l'état de matière première en sensibilité picturale stabilisée, où le spectateur évoluait dans un espace entièrement dépouillé, où seule subsistait la sensibilité artistique. L'art ne devait pas être « vu » mais tout simplement « ressenti ». A Delme aussi, l'art est invisible, et pourtant, il résonne, à la fois dans l'espace et en nous.

Ainsi, les sons résonnent, ceux de l'installation sonore, mais aussi ceux de nos propres bruits. L'un des artistes qui s'est longtemps préoccupé du cela, est bien sur John Cage. Pour qui des raclements de gorges, des toussotements, des pas, faisaient partie intégrante de ses pièces sonores. Sans oublier le silence, qui s'écoute lui aussi, et dont il a d'ailleurs fait une pièce de 4'33''. Bien qu'il ne s'agisse pas véritablement du propos de l'exposition qui nous concerne, il y est quand même  question de ces deux notions fondamentales, que sont le vide (en tant qu'architecture, espace tout court et espace sensible) et le son.

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Vue de l'exposition : Photo O.C

Pour provoquer la rencontre de ces deux éléments, les artistes doivent avoir recours aux mathématiques et à la physique. Car le son est en vérité une onde, qui se propage dans l'espace à la manière des vaguelettes autour d'une pierre jetée dans l'eau. Ainsi, pour l'exposition universelle de 1958, Le Corbusier (à l'origine de l'architecture « fonctionnaliste ») et Iannis Xenakis créent Le Pavillon Philipps. Aujourd'hui détruit, il s'agit d'un bâtiment qui a été spécialement conçu pour que l'acoustique des volumes architecturaux s'adaptent parfaitement aux compositions d'Edgar Varèse.

 Jean-Luc Guionnet et Thomas Tilly, tous deux artistes pratiquant la musique expérimentale, se sont réunis eux aussi autour de leur intérêt pour le rapprochement entre musique et architecture, et en particulier l'architecture religieuse. Leur exposition à la Synagogue de Delme constitue le troisième volet de ce projet au long cours. Cette installation sonore a été crée in situ, grâce aux mesures architecturales qui ont été traduites en sons et en ondes. Fréquences aiguës, voix, silences, habitent littéralement chaque courbes et chaque angle, des volumes extravagants et atypiques du lieu. Le visiteur, livré à lui-même, se retrouve plongé dans ce vide colossale, presque écrasant, et a le choix, entre se laisser engloutir par chaque nouvelle vague sonore, ou se laisser porter par les ondes, d'une bout à l'autre du lieu. Une sacré expérience.

 Ophélie

Infos pratiques :

Stones, Air, Axioms / Delme
Fèn te ko ro, nka kow bè ro kolo ntè

Du 14 février au 24 m ai 2015
Du mercredi au samedi de 14h à 18h
Dimanche de  11h à 18h
Entrée Libre

 Centre d'art contemporain La synagogue de Delme
33 rue Poincaré, 57590 Delme
www.cac-synagoguedelme.org


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