« Les gardiens de l’air »
YASSIN HASSAN Rosa
(Actes Sud)
Un beau roman. Si tant est que le qualificatif ait un sens. Un appel d’air. La Syrie d’avant le printemps qui se transforma si vite un très long hiver. Le règne du jeune et fringant dictateur qui fut convié sous le règne du Roi Nicolas à assister aux « festivités » d’un certain 14 juillet. Trois hommes croupissent dans les geôles. Ils ont subi les plus infâmes tortures. Des hommes qui militaient dans des formations de gauche, qui rêvaient de liberté et de démocratie. Leurs épouses attendent, se désespèrent, s’essaient à vivre. En particulier Anat Ismaïl, traductrice à l’ambassade du Canada au service de celles et ceux qui sont en quête d’une terre d’exil. Anat attend un enfant. Elle attend. D’autres n’ont eu ni la force ni le courage ni la patience d’attendre. Lorsque surviennent les libérations des prisonniers, les retrouvailles s’avèrent difficiles. Un trop lourd passif. Des blessures qui ne se referment pas. L’incompréhension. L’impossibilité de rétablir le fil du dialogue, de renouer les liens de ce qui fut l’amour.
Le Lecteur fut bouleversé par ce roman. Un roman de paroles de femmes qui expriment leur désarroi, affrontent leur solitude, empruntent parfois des chemins interdits, essaient de rendre un peu de sens à leur vie, osent contre tous les interdits retrouver un peu de leur féminité et donc de leur sexualité. Avec les contraintes qu’imposent le temps qui passe et le vieillissement. Ce roman-là agit comme un révélateur de la réalité des violences exercées par une dictature tout autant que de la résistance de celles que les traditions confinaient d’ordinaire dans des rôles subalternes. Un roman de combat, donc un roman d’espoir.