Autour de Saturne, la petite lune Encelade posséderait une activité hydrothermale au fond de son océan, comme le suggère une nouvelle étude publiée dans Nature. Chaleur, eau et minéraux : tous les ingrédients sont réunis à l’intérieur de ce petit monde glacé pour que la vie puisse exister.
Ce fut une immense surprise lorsqu’il y a 10 ans déjà, la sonde spatiale Cassini — arrivée quelques mois auparavant dans l’environnement de Saturne —, découvrit l’existence de geysers à la surface d’Encelade, un des 62 satellites naturels connus (auxquels on pourrait en ajouter plus de 150 autres, de tailles plus modestes) qui gravite autour de la deuxième plus grosse planète de notre Système solaire. Ces panaches d’eau glacée émanant de fractures situées dans la région du pôle Sud de cette lune de quelque 500 km de diamètre étaient insoupçonnés jusque-là. Ce monde minuscule, en apparence figé par des températures glaciales (en moyenne – 180 °C) retenait effectivement moins l’attention que Titan, un satellite voisin pour lequel on avait alors dépêché sur place (accroché à Cassini) la sonde Huygens, dédiée à l’étude de son atmosphère. Depuis, le mineur Encelade — qui était par ailleurs un Géant dans la mythologie grecque, fils de Gaïa et d’Ouranos, enterré sous le volcan Etna —, est devenu une cible d’exploration majeure qui focalise l’intérêt des planétologues et exobiologistes. Ces jets observés depuis 2005 par la mission Cassini (Nasa, Esa) ont révélé l’existence d’un océan d’une dizaine de km de profondeur, sous une écorce de glace de 30 à 40 km d’épaisseur. Un milieu qui, de surcroît, apparait potentiellement habitable, car en contact avec le noyau chaud de l’astre.
Dans une étude qui vient d’être publiée dans la revue Nature (édition du 12 mars 2015), un pas supplémentaire dans la caractérisation géologique de cette lune et de ses processus géochimiques vient d’être franchi. En effet, après quatre années de recherches associant des observations de la sonde spatiale à des simulations informatiques et des expériences en laboratoire, l’équipe de Sean Hsu, postdoc à l’université du Colorado, suggère qu’il existe une activité hydrothermale au fond de l’océan d’Encelade. C’est en étudiant les grains riches en silices, éparpillés autour de Saturne, découverts avec l’instrument Cosmic Dust Analyser (CDA) de Cassini, que les chercheurs sont arrivés à cette conclusion.
Selon eux, en procédant par élimination, seul ce processus peut avoir formé ces particules mesurant de 2 à 8 nm de rayon. « Nous avons méthodiquement cherché des explications alternatives à ces nano grains de silices, raconte Frank Postberg (université d’Heidelberg, Allemagne), coauteur de l’article scientifique et membre de l’équipe de CDA, mais tous les nouveaux résultats pointent vers une seule et même origine ».
Sur cette vue en coupe d’Encelade, on peut voir sous une banquise de 30 à 40 km d’épaisseur, l’océan d’environ 10 km de profondeur qui se situe au pôle Sud. Ce dernier est en contact avec les roches du noyau, lequel serait relativement poreux comme le suggèrent les mesures de la gravité de ce petit satellite naturel de quelque 504 km de diamètre. Une activité hydrothermale serait à l’origine des nano grains de silices éjectés plus tard dans l’espace par les geysers
Dans leur hypothèse solidement étayée, les eaux chaudes (au minimum 90 °C) des profondeurs d’Encelade — l’énergie dégagée par le noyau provient vraisemblablement des forces de marées, liées à son orbite autour de la géante Saturne, conjuguées à la radioactivité de certains de ses éléments — dissolvent les minéraux des roches. En remontant vers la surface, ceux-ci se condensent en de minuscules grains de silices au contact des eaux plus froides. Dans leur scénario, il peut s’écouler quelques mois à plusieurs années avant qu’ils ne soient incorporés à des grains plus gros de glace et emportés dans les conduits qui relient l’océan à la surface. Puis, expulsés par les geysers, ils se retrouvent ensuite autour de la planète géante, délivrés de leurs prisons de glace par l’érosion. « Il est vraiment passionnant que nous puissions utiliser ces minuscules grains de roches déversés dans l’espace par les geysers, pour nous révéler les conditions du plancher océanique d’une lune glacée » commente Sean Hsu.
Il faut ajouter à cela que les mesures par Cassini du champ gravitationnel du petit satellite naturel suggèrent que son noyau rocheux apparait assez poreux. En d’autres termes, il y aurait de nombreuses infiltrations d’eau liquide en son sein, ce qui décuple les occasions qu’ils interagissent… « En réalité, il est possible qu’une grande partie de cette intéressante chimie d’eau chaude se produise en profondeur, à l’intérieur du noyau, et non pas seulement sur le plancher océanique » note le chercheur.
Une multitude de mondes potentiellement habitables dans la galaxie
Dans un autre article publié dans la revue Geophysical Research Letters le 26 février dernier, l’équipe franco-américaine d’Alexis Bouquet qui a mené l’enquête sur l’abondance du méthane qui s’échappe des geysers d’Encelade estime que c’est une activité hydrothermale qui en serait à l’origine avec, peut-être, le concours de sources de clathrates (hydrates de méthane). Toutefois, la récente étude sur les grains de silices place leur préférence dans le camp de la première hypothèse.