Aujourd'hui je vais vous parler d'un livre autobiographique que j'ai lu il y a quelques semaines et qui m'a laissée sans voix. Il s'agit de 3096 Jours de Natascha Kampusch, une jeune femme Autrichienne qui nous fait part de l'atroce expérience (si l'on peut qualifier cela d'expérience) qu'elle a vécue alors tout juste âgée de 10 ans et qui a duré plus de 8 ans.
Résumé
Pour que vous sachiez de quoi je parle, voici un court résumé de son histoire : Le 2 mars 1998, la jeune Natascha Kampusch va pour la première fois à l'école à pied. Elle est enlevée sur la route par Wolfgang Priklopil, un ingénieur électricien d'une trentaine d'années. Elle réussira à s'échapper après 3096 jours. Voici le récit de cette captivité terrible : pendant dix ans, elle restera enfermée dans une pièce de 5 mètres carrées, la plupart du temps dans le noir et pendant les six années suivantes elle sera son esclave domestique. Sous le joug de la violence et surtout d'un terrible harcèlement psychique de son agresseur, elle réussira à résister à sa séquestration et à s'enfuir. (J'ai pris le résumé ici)
Ce qui ressort de ce livre, c'est la force mentale incroyable de cette jeune fille qui lui a permis de rester en vie et de s'en sortir. Elle a réussi à se construire une pièce mentale, loin du cachot dans lequel elle a été enfermée, où elle est parvenue à réunir tous ses souvenirs, tout ce qui l'identifie, pour ne pas justement perdre son identité ni ses repères que le ravisseur lui a retiré petit à petit.
Je sentais à l'époque que le ravisseur ne pouvait me briser par la violence physique. Lorsqu'il me traînait dans les escaliers pour rejoindre mon cachot, que ma tête cognait contre chacune des marches et que mes côtes en étaient couvertes de contusions, ce n'était pas moi qu'il jetait à terre dans le noir. Lorsqu'il me pressait contre le mur et m'étranglait jusqu'à ce que je voie noir, c'est n'était pas moi qui suffoquais. J'étais très loin, dans un endroit où ses terribles coups de pieds et de poings ne pouvaient m'atteindre.
Au départ, le ravisseur paraît presque gentil avec elle, lui apportant ce qu'elle désire, pour lui créer une petite pièce à vivre à peu près " confortable ", il lui laisse se créer son petit monde réconfortant et rassurant, il lui laisse même un calendrier pour qu'elle puisse avoir des repères temporels. Au début on se dirait presque " elle a de la chance dans son malheur car il ne lui fait pas de mal ". Il joue avec elle, mange avec elle... Pour qu'elle aie confiance en lui, pour qu'elle le considère comme son nouveau papa. Mais bien sûr tout ceci n'est que manipulations psychiques, dès qu'il lui laisse une liberté, en échange, elle doit obéir... Et au fur et à mesure l'état psychologique du ravisseur se détériore, et enlève à Natascha toutes les libertés qu'elle a pu avoir jusqu'alors, sa liberté de mouvements, jusqu'à sa liberté de pensée. Elle ne peut plus bouger sans qu'il sache ce qu'elle fait, c'est comme si elle lui appartenait corps et âme, comme si c'était sa création à lui, qu'il s'approprie de plus en plus. Si au début il la laisse manger quelques gâteaux, il sera ensuite capable de la laisser mourir de faim. Il sera capable de l'épuiser jusqu'à la limite de la mort. Et si elle pleure, si elle saigne quand il la frappe, si elle tente de se suicider, il la punira encore plus. Le moment où leur " relation " s'est vraiment dégradée c'est quand elle est devenue femme et qu'elle a eu ses premières règles. Là ce n'était plus une enfant et il est devenu complètement cinglé. Il voulait d'elle qu'elle soit sa femme de ménage, sa cuisinière, son agent de chantier... Bref son esclave. C'est là que sa force de caractère m'a frappé encore plus, car jamais elle ne l'a laissé s'emparer complètement d'elle, même si elle a dû se soumettre physiquement aux caprices du ravisseur, elle s'est souvent rebellée, et psychologiquement, jamais elle n'a été à lui.
Mais Natascha s'est fait la promesse de s'échapper à l'âge de 18 ans. Et elle a fait preuve d'un courage extrême...
J'avais allumé une bombe. La mèche brûlait, il n'était pas possible de l'éteindre. J'avais choisie la vie. Pour le ravisseur, il ne restait que la mort.
Le plus choquant je crois, c'est la réaction des gens quand elle s'est échappée. Elle criait à l'aide mais les gens l'ignoraient. Et si au début elle ne recevait que de la compassion, elle a aussi reçu des lettres de haine. Et ça, je ne peux le comprendre.
Ce qui est troublant, c'est à quel point Natascha comprend son ravisseur, dans le sens où elle ne le voit pas comme nous qui avons comme point de vue extérieur : c'est un monstre. Elle n'a que lui, c'est sa famille, son seul repère, sa réalité, et malgré les violences, elle voit l'homme qui est en lui. Car il ne faut pas oublier, et on a tendance à le faire, que c'est un être humain. Et qu'elle s'est en quelque sorte attachée à lui. Ce qui est compréhensible, je suppose, même si on a du mal à l'imaginer.
Rien n'est seulement noir ou blanc. Et personne n'est seulement bon ou mauvais. Cela vaut également pour le ravisseur. Ce sont des phrases que l'on n'aime pas entendre de la part des victimes d'enlèvement, car elles brouillent le schéma précis du bien et du mal que les gens préfèrent adopter pour ne pas se perdre dans un monde qui serait fait de nuances de gris.
On ne peut pas aimer ce livre. On ne peut que le haïr. J'ai mis trois mois à le lire. Au début, je voulais entrer progressivement dans son histoire, et puis au fur et à mesure qu'on entre dans le vif du sujet, ça devient vraiment insoutenable. Alors que nous lecteurs nous avons la chance de pouvoir dire " stop, j'en peux plus " et de fermer tout simplement le livre, elle petite fille, à qui on a tout pris, elle n'a pas pu dire " stop ", elle n'a pas pu sortir une seule seconde de ce cauchemar. Et c'est pour cela que j'ai continué à lire le livre, d'une seule traite. C'est aussi pour cette raison que je pense que l'on doit lire ce genre de témoignages pour nous montrer la dure réalité de la face sombre de l'être humain. Même si on a du mal à le croire, c'est une histoire vraie. Souvent pendant ma lecture je me disais " non ce n'est pas possible ". On essaie de se voiler la face, on se dit " elle doit exagérer ", mais non, elle n'amplifie aucun acte. Elle écrit même avec une certaine pudeur.
En 2013, elle a avoué s'être fait violer par son bourreau, chose qu'elle ne mentionne pas dans son livre. Et apparemment aujourd'hui encore il reste des parts de mystère à cette terrible affaire.