État-nation. La menace nationaliste et antirépublicaine provoque la peur? Bien sûr, qui n’aurait pas peur dans le sourd creuset de son intelligence. Mais ce sentiment de repli, attisé le week-end dernier par un premier ministre au petit pied et ô combien machiavélique lorsqu’il prône sans le dire le «vote utile», ne conduit qu’à la défaite et aux reculades, alors qu’un combat ferme sur ses principes devrait guider toutes nos actions, toutes nos paroles. Or, comment s’y prendre avec efficacité pour que le combat en question, rendu inégal par la duplicité et la complicité des médias dominants, touche sa cible et «parle» au plus grand nombre? Ne prenons qu’un exemple, celui, central, de l’État-nation, asséné dans tous les meetings frontistes. À croire les spécialistes en «marinisme» appliqué, Fifille-la-voilà aurait opéré un virage à 180 degrés par rapport à son père lors du congrès de Tours, en janvier 2011. Fifille dit que l’État doit être investi d’une mission globale, à la fois «fort», «protecteur» et «stratège», quand Papa-le-voilà fustigeait ledit État «à la fois monstrueux, tyrannique et impuissant», réclamant un libéralisme économique à tous les échelons de la société visant à rendre «marginal l’État-providence» et «l’assistanat». Doit-on pour autant voir une volte-face radicale dans la doctrine familiale? Quand Fifille-la-voilà évoque une «planification» et pourquoi pas des «renationalisations», est-elle en désaccord avec papa quand il dénonçait le «fiscalisme» et l’ISF? Soyons sérieux. «Les termes du virage supposé étatique de Marine Le Pen ne contredisent pas le libéral-nationalisme de son père, ils le modernisent en étendant au domaine économique et social les prérogatives de l’État sécuritaire et discriminatoire du FN d’hier», expliquait récemment au Monde Cécile Alduy, professeure à l’université Stanford. Celle-ci ajoutait: «Le “protectionnisme social” qu’elle met en avant dans ses apparitions télévisées n’est que l’autre nom de la “préférence nationale” paternelle utilisée auprès des militants. C’est donc au sens propre qu’il faut prendre “État-nation”: un État “national” qui n’œuvre que pour les nationaux.» Rien qu’un piège parmi d’autres. Tant d’autres.
[BLOC-NOTES publié dans l’Humanité du 13 mars 2015.]