C’est à l’occasion du festival de cinéma afro-américain « Brown Sugar Days » que j’ai rencontré ce jeune homme de 31 ans, qui présentait en avant-première son film qui a fait polémique aux Etats-Unis en 2014 et a reçu le Prix Spécial du Jury au Festival du Film de Sundance : « Dear White People ».
Synopsis : la vie de quatre étudiants noirs dans l’une des plus prestigieuses facultés américaines, où une soirée à la fois populaire et scandaleuse organisée par des étudiants blanc va créer la polémique. « Dear White People » est une comédie satirique sur comment être noir dans un monde de blanc.
Justin Simien, réalisateur du film« Dear White People » se dévoile et nous parle du phénomène « Blackface », de son film et de la position des noirs de France.
Interview !
Quels sont les messages clés que vous souhaitez passer à travers ce film ?
Apres avoir vu mon film, je souhaite que les gens échangent pendant des heures interminables dessus. Ceux qui ont aimé, ceux que cela a dérangé, ceux qui ont détesté pour X raisons, peu importe. Je ne veux pas qu’ils restent indifférents. J’ai fait ce film pour faire entendre la voix des noirs.
Et quels sont les changements que vous souhaitez voir se réaliser grâce à ce film ?
Ce que je trouve puissant avec le cinéma, c’est qu’on peut divertir, faire passer des messages, provoquer des discutions à propos de choses qui peuvent vous mettre très mal à l’aise, des sujets qu’on a pas l’habitude d’aborder au grand jour. « Dear White people » est un film qui incite des réactions et j’espère que les gens en parlent 4 heures après l’avoir vu !
Le phénomène du « Blackface », est-ce une nouvelle forme de racisme ?
Au nom de la liberté d’expression, les gens se permettent beaucoup de choses. Je pense que les personnes qui ont recours au maquillage ou au fond de teint noir, masques, déguisement et qui veulent ressembler aux noirs ne se rendent pas compte du malaise qu’ils créent et de la peine qu’ils peuvent nous infliger. S’ils étaient conscients de cela, ils ne feraient pas certains choix, d’où la réalisation de « Dear White People » qui sonne plutôt comme une alerte.
Peut-on dire que ce film part d’un point de vu 100% NOIR ?
Oui il s’agit de mon point de vu personnel, je pense que le point de départ de chaque réalisateur débute sur le terrain du perso.
Êtes-vous noir ? Vous êtes plutôt clair – caramel limite métisse (rires) ! Beaucoup de personnes font la distinction, et vous ?
(Rires) Je me considère comme étant une personne noire, je pense qu’on a tous des mélanges, ma maman a des origines caraibéennes et françaises mais je suis bien NOIR.
Quels sont les réalisateurs qui vous inspirent ?
Stanley Kubrick est mon préféré, ses films sont particuliers et atypiques. J’apprécie le travail de Bergman (NDLR : Ingmar Bergman, réalisateur suédois), mais aussi de Spike Lee et Bob Fosse.
Votre film a remporté le prix du Jury au festival Sundance 2014, racontez-nous tout !
C’était très important pour moi que le film soit terminé avant ce festival car je voulais absolument le présenter à Sundance. Cela a été une course contre la montre, je vous épargne les détails mais « Dear White People » a été récompensé et ce fut une superbe surprise.
Combien a coûté ce très beau film, j’ai lu que vous aviez orchestré une levée de fonds ?
Je n’avais pas de budget au début, j’ai donc réalisé un petit trailer – concept que j’ai publié sur Youtube. Grâce a cela, nous avons obtenu 40 000$, ainsi le casting du film a pu démarrer. Un financier russe s’est ensuite présenté avec 1 million de dollars à temps pour Sundance, et j’ai pu faire le film !
Pour interpréter Sam White (militante provocante, métisse et tiraillée) votre choix s’est porté sur Tessa Thompson. Pourquoi ?
C’est une merveilleuse actrice, j’ai adoré tous ses films pour info, elle a cette capacité à s’imprégner de ses personnages comme personne. Tessa Thompson a apporté beaucoup de conviction, d’intelligence et de vulnérabilité au personnage de Sam White. C’était une évidence !
Êtes vous au courant de la problématique des noirs de France ?
Un petit peu, je sais qu’il y a des problèmes partout dans le monde et également en Europe. Il me semble que vous n’êtes pas nombreux en France, du moins vous êtes considérés comme étant une minorité, du coup ça ne doit pas être très simple de s’affirmer, je suis sur que c’est très différent des Etats-Unis.
DieseMag.com est un e-mag dédié à la culture afro-péenne, à sa promotion et souhaite contribuer à son développement. Que vous inspire l’afro-péanisme ?
J’adore ce terme, je suis fan, je ne l’avais jamais entendu de ma vie. Vous savez, nous les américains avons toujours été un peu jaloux des français, beaucoup d’artistes noirs se sont installés ici. Je pense notamment à Joséphine Baker ou James Baldwin car nous avons une vision romantique de la France et on vous envie.
©Khris Macil
« Dear White People »
Une comédie de Justin Simien
Avec : Tyler James Williams, Tessa Thompson, Kyle Gallner, Teyonah Parris, Brandon P Bell.
Date de sortie : 25 mars 2015
Happiness Distribution