La Belle de nuit (Mirabilis jalapa L.) est une plante herbacée vivace, de la famille des Nyctaginacées, poussant aussi bien dans les jardins que dans les milieux incultes.
Je presse le pas dans les ruelles désertes à cette heure. Je suis en retard, comme toujours, un peu, pas trop. Comme si je retardais perpétuellement de quelques minutes l’instant peut-être décisif. Je l’aperçois de dos, je ne l’ai jamais vue, mais je sais que c’est elle, elle est là, comme convenu, sous les arches, je crois qu’elle fume, un peu.
J’ai l’impression de rejoindre une vieille copine. Le serveur du bar où nous entrons ne s’y trompe pas, et nous donne du « les filles », alors que bon, il doit avoisiner la moitié de notre âge. Ca nous fait rire, ce soir nos valises sont posées à la maison, ne restent que deux filles qui se retrouvent en ville pour papoter. On parle de nos vies, de nos jobs, de nos mecs, ceux d’avant et ceux de maintenant, de ce qu’on tait, de ce qui est dur, de ce qui est doux, de nos failles et de nos forces, de nos fuites, de notre humanité, en somme, derrière nos doubles virtuels.
Elle parle, et je la regarde, ma Belle de nuit. Elle est magnifique. Solaire. C’est le mot qui lui convient. Elle rayonne. Elle congédie un vendeur de fleurs avec un tel sourire qu’à sa place, je lui aurais offert toutes mes roses sur le champ. Elle se fige, sur la défensive, quand je sors mon appareil photo. Je ne lui en vole qu’une, pas très nette, mais sur laquelle elle se trouvera belle. J’ai gagné. Je l’ai montrée telle qu’elle est. Telle que je la vois, et non telle qu’elle se perçoit. Bienveillance, bienveillance, que ton chemin est long. La beauté n’est pas celle, figée, sans sentiment, des magazines en papier glacé, mais celle de la grâce d’un mouvement, d’une expression qui laisse soudain échapper la beauté intérieure. La beauté est indulgence envers soi-même, et dans les yeux de celui qui regarde. La beauté, c’est regarder avec émotion.
Il est plus de minuit quand nous nous quittons, à peine au début de l’inventaire de nos points communs, dont ceux d’être approximatives en pose de vernis et pointilleuses en desserts – que nous délaisserons ce soir-là, pour un autre verre, encore, dans un autre bar.
Armelle est l’auteure du blog Blonde Paresseuse, mais également du roman Un éléphant de porcelaine, dont j’ai déjà parlé ici.