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Avec Quand les colombes disparurent, la finlandaise Sofia Oksanen, l'auteure remarquée de Purge et des Vaches de Staline (pas encore lu ... mea culpa !) poursuit son exploration, douloureuse mais salvatrice, de l'histoire estonienne, ce "passé qui ne passe pas".
Vaste fresque débutant avec l'occupation nazie dans les années 1940, Quand les colombes disparurent déploie un récit complexe, entremêlé entre plusieurs temps et plusieurs points de vue. Ceux de Roland et de son cousin Edgar, engagés dans la résistance à l'ennemi allemand et dans la lutte nationaliste des Estoniens. Leurs trajectoires divergent ensuite, Roland poursuivant son combat, Edgar s'adaptant à l'occupation soviétique et se glissant habilement dans les rouages du pouvoir, prêt à toutes les compromissions. Entre eux, une femme, Juudit, et son destin brisé qui épouse l'histoire contemporaine estonienne.
Très bon roman psychologique, ce roman d'Oksanen dessine aussi une fresque dense et passionnante, qui questionne aussi bien l'amitié, la loyauté que la mémoire ou le rapport à l'histoire, vécue, officielle ou réécrite. L'Estonie fournit pour cela un cadre exceptionnel, avec ce petit territoire perdu entre deux puissants voisins, longuement balayé par leur rivalité, soumis successivement à deux régimes policiers, autoritaires et violents - et, face à eux, la résignation des plus fragiles.