Le mercredi, c’est la journée des enfants, des quatre-heures à moteur et des invitations à goûter quand il y a un anniversaire. C’est pour ça que les ministres se retrouvent pour manger un BN, papoter de leurs petits soucis et expliquer ce qu’ils vont faire pour occuper le terrain médiatique résoudre les problèmes des Français.
Et ce mercredi, Najat Vallaud-Belkacem, qui est l’actuelle excuse au poste de ministre de l’Éducation nationale, a pris la parole. De sa petite voix clairette et décidée, elle a présenté sa réforme du collège. Parce que le primaire, c’est bon, cela a déjà été consciencieusement bombardé réformé, alors on peut passer au secondaire. Ça tombe bien, c’est connu : le collège, en France, il faut le réformer. Et puis cela faisait longtemps qu’on n’avait pas fait une réforme au sein de l’Éducation nationale (en plus, comme les réformes, ça marche, autant s’y mettre).
Bref, Najat, pimpante et énergique, s’est donc attelée à présenter les grands axes de « sa » réforme qui mettront l’accent sur la nécessité de ne surtout pas en finir avec le collège unique (dont les résultats particulièrement flatteurs méritent qu’on prolonge l’expérience), et ce, même si elle pouvait laisser supposer le contraire il y a encore quelques semaines. On va plutôt utiliser un petit sabir communicationnel, chose en vogue au gouvernement actuellement. On dira qu’on ne veut plus des « collèges uniformes », et pouf, l’affaire sera pliée (au moins sur le plan Slogans & Mots Clefs). Autrement dit, ce sera toujours le collège unique, mais pas uniforme. Tout le monde sera logé à la même enseigne, mais il y aura des petits ballons colorés, des tenues à paillettes et des flonflons joyeux. C’est tout de suite plus festif.
Au-delà de ce gros nuage communicationnel volontairement opaque, cette réforme comportera trois points : des enseignements interdisciplinaires, un accompagnement plus personnalisé des élèves et, surtout, plus de petits groupes homogènes d’élèves « pour mieux les faire progresser ». Package qui s’établit à cinq heures par semaine dans l’emploi du temps des élèves, et qu’on trouvera facilement puisque, je vous le rappelle, suite à la précédente réforme des rythmes scolaires, pouf, de nombreuses plages sont apparues pour les activités rigolotes, innovantes, ludiques et décalées.
Et qu’est-ce que ça veut dire, concrètement ? Eh bien on va jouer sur la transversalité, le mélange des matières. Tout comme certains louangent lourdement la mixité sociale, la nécessaire abolition des barrières de genre et la fin des tropismes sexuels arriérés, Najat nous propose de transversaliser au moins partiellement les apprentissages par des interpénétrations réciproques de matières l’une dans l’autre, dans une sorte d’osmose entre les élèves et la matière, la matière et les enseignants, les tables, les chaises, les craies et les bics 4 couleurs. Pour choquer le bourgeois, on appellera ça des Enseignements Pratiques Interdisciplinaires (EPI), et, dès la cinquième, on fera travailler les élèves par petits groupes. C’est époustiflant.
Attention cependant, les thématiques de ces groupes de travail sont déjà bien définies : le développement durable bien sûr, un peu de sciences et société, une thématique sur le corps, la santé et la sécurité. On parlera aussi d’information, de communication, et – rassurez-vous – de citoyenneté, indispensable en ces jours de charlisme galopant. On pourra évoquer les langues et cultures de l’Antiquité (ce qui ne veut pas dire des cours de grec et de latin, il ne faut pas pousser tout de même), proposer des thématiques pour la culture et la création artistique (que nos enfants ne grandissent pas idiots, n’est-ce pas), et aborder les langues et cultures régionales et étrangères, toujours pratique lorsqu’il s’agit de fuir la France s’intégrer dans certains quartiers s’ouvrir au monde. Ah, et puis il y aura une thématique sur le monde économique et professionnel, ne l’oublions pas.
Au passage et pour illustrer à la fois ces thématiques frétillantes et la nécessaire transversalité des matières, la ministre cite notamment l’exemple d’un projet de maquettes d’éoliennes qui mobilise des connaissances en physique, en Sciences de la vie et de la Terre (SVT), en technologie et pas du tout en économie ni en bon sens qui montrent pourtant que ces engins sont néfastes pour l’environnement, ont un rendement catastrophique et coûtent un blé dingue au contribuable. On s’en fiche, après tout : on forme des citoyens.
Mieux : en procédant ainsi dans une farandole de matières et d’interactions en petits groupes ludiques, on le fait sans qu’ils s’ennuient ! En effet, pour la ministre,
« le vrai problème qu’on a aujourd’hui au collège c’est que les élèves s’ennuient. Il faut réveiller leur appétence et qu’ils sortent du collège en maîtrisant le français, les maths, l’histoire-géo. »
Bingo ! Il suffisait d’y penser !
Pour leur faire maîtriser le français, les maths et l’histoire-géo à la sortie du collège, on va leur faire construire une éolienne, et on va ajouter des heures sur la citoyenneté, les langues et cultures régionales et du développement durable, pardi ! Rappelons qu’apprendre à lire, écrire et compter est déjà entièrement couvert au niveau du premier cycle, avec le brio que l’on sait.
Avouez que sur le papier, ça envoie du steak, cette réforme.
Bien sûr, tout ceci ne peut pas se passer de nécessaires gros moyens (humains, financiers), sans lesquels toute réforme ressemble simplement à du bricolage de gestionnaire sans envergure étatique. Il faudra donc un plan d’embauche. Heureusement, 4.000 emplois sont prévus (mais étaient déjà budgétisés depuis longtemps, rassurez-vous, avec ou sans réforme, le contribuable aurait payé).
Enfin, cerise sur un gâteau déjà fort copieux, la ministre a choisi d’insister dans sa réforme sur la nécessité d’impliquer davantage les parents (notez le mot « impliquer » – comme on implique un complice – et pas « responsabiliser ») afin de garantir la réussite des élèves, notamment grâce au livret scolaire unique numérique, qui promet déjà toute une croustillance de couacs et de petites misères que seule une administration bureaucratique mammouthesque peut se permettre lorsqu’elle danse la polka sur les jeunes générations.
Finalement, c’est intéressant, cette idée de faire une réforme. Parce que cela veut dire que les problèmes, trouvés lors des précédentes réformes, n’ont pas été résolus, ou que de nouveaux sont apparus depuis. En creux, cela veut probablement dire que les réformes ont échoué (parce qu’elles ont introduit de nouveaux problèmes ou n’ont pas su résoudre les anciens). Comme cela fait 40 ans qu’on empile réformes sur réformes, on devrait immédiatement se poser la question : qu’est-ce qui nous assure que cette réforme supplémentaire ne va pas à son tour oublier de résoudre les problèmes dont elle entendait s’occuper, et qu’elle ne va pas en ajouter de nouveaux ? Qu’est-ce qui nous dit que ça va bien se passer ?
Eh bien rassurez-vous : rien du tout ! Et vu l’historique des précédents ministres en général, ceux de l’Education en particulier, et plus spécifiquement de l’actuelle, on a même plutôt une bonne assurance d’échec.
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