Je retranscris ci dessous le compte rendu établi par Rodolphe Guilhot , secrétaire du MRS, des Assises de Savoie qui se sont tenues le 27 février dernier à Annecy le Vieux.
Rappelons que ces assises s'inscrivent dans la tentative soutenue par les 2 présidents de Conseil Général de Savoie et de Haute-Savoie de promouvoir une identité savoyarde au sein de la nouvelle région Rhône-Alpes - Auvergne.
Pour être aussi impartial et complet que possible, on pourra aussi se référer à 2 autres compte-rendus de ces mêmes assises:
Celui fait par le service communication de l'université de Savoie : https://www.univ-smb.fr/actualite/les-assises-de-la-savoie/
Et un autre compte-rendu (nettement plus critique) ici : http://www.lavoixdesallobroges.org/tribune-libre/742-comm...
Bonne lecture.
Compte-rendu des Assises de la Savoie du 27 février 2015,
à l'IAE Savoie Mont-Blanc, Annecy-le-Vieux
Assises co-organisées par l'Union des Sociétés Savantes de Savoie, l'Université Savoie Mont-Blanc et les Barreaux des Pays de Savoie.
Introduction :
Denis Varaschin (Président de l'Université Savoie Mont-Blanc) présente les Assises comme une soirée de réflexion entre acteurs et professionnels du territoire savoyard. Ils montreront par leurs expériences les réussites et l'ouverture de ce territoire et de ses acteurs qu'il résume sous le terme d'éco-système des pays de Savoie.
Jean-Luc Favre (bâtonnier de Thonon) représente les bâtonniers des Pays de Savoie initiateurs de cette réunion, et révèle son espoir de voir d'autres réunions de ce genre se tenir. Il rappelle que les bâtonniers sont particulièrement concernés par les menaces sur la cour d'appel de Chambéry, une menace dont l'effet est fédérateur autour de l'avenir et de la défense du territoire savoyard et de son éco-système. Un aspect des choses sur lequel reviendra le bâtonnier Olivier Puig au cours de la table-ronde.
Claude Barbier (président de l'Union des Sociétés Savantes de Savoie) excuse Hervé Gaymard et Christian Monteil, président des conseils généraux de Savoie et Haute-Savoie, invités mais retenus par d'autres obligations. Il rappelle les origines de ces assises suite à une rencontre avec Jean-Luc Favre puis Denis Varaschin qui ont évoqué avec lui les menaces de fusion sur la cour d'appel et l'Université de Savoie, puis la réunion publique de Cruseilles (novembre 2014) avec Hervé Gaymard et Christian Monteil, réunion au cours de laquelle ce dernier demanda à la société civile de se saisir du projet de création de collectivité à statut particulier Savoie Mont-Blanc et de le faire sien. Les personnes présentes à ces assises illustrent la notion d'éco-système savoyard qui traduit l' imbrication des divers domaines d'activités de la société. Le besoin de ces assises s'explique par le contexte actuel : la France a sans doute besoin de réformes et de simplification, mais pourquoi réformer à la serpe, en cassant ce qui marche et a déjà fait ses preuves ? A titre d'exemple, il cite les sociétés savantes savoyardes qui se sont fédérés dès l'annexion de 1860, une réussite culturelle qui peut inspirer d'autres domaines, mais qui pose aussi la question de son avenir : qu'adviendrait-il si demain la subvention du conseil général disparaissait ? Claude Barbier rappelle également les promesses faites par la France lors de l'annexion de 1860 (non démembrement de la Savoie historique, deux départements, et une cour d'appel à Chambéry). Aujourd'hui on peut se poser une question légitime : le démembrement de la savoie est-il en cours ? Nous avons le devoir devant nos devanciers de défendre ce qui a été acquis, ce qui ne peut se faire sans les habitants de Savoie et leurs représentants.
Alain Veyret (journaliste, Directeur de publication à l'Eco des Pays de Savoie) a accepté d'animer cette soirée sur demande des organisateurs. Il prévient immédiatement que sur le sujet de la soirée il n'est pas neutre : il est acquis à la cause de la Savoie et de son territoire. Pour lui les réformes en route et les choix faits sont déjà tout tracés mais le grand public n'a pas conscience de ces choix et de l'affaissement programmé des départements. Un affaissement d'autant plus inquiétant dans un contexte de fusion des grandes régions : Rhône-Alpes-Auvergne va ainsi nous mener jusqu'aux confins de l'Aquitaine... Qu'y a-t-il de commun entre les pays de Savoie et l'Aquitaine ? Il rappelle que l'éco-système savoyard a fait ses preuves dès le développement industriel qui suit la fin de la Seconde Guerre Mondiale, et que cette économie encore florissante aujourd'hui a été forgée par les Savoyards qui ont su faire prospérer un territoire plutôt pauvre en la matière à l'origine.
1ère table-ronde « Economie, tourisme, agriculture »
Intervenants :
– Pierre JACQUIN, Président de la Chambre d'Agriculture Savoie Mont-Blanc
– Etienne PIOT, Président du Pôle compétitivité Mont-Blanc Industries
– Côme VERMERSCH, Directeur de Savoie Mont-Blanc tourisme
– Claude DEFFAUGT, Président du Club des Entreprises de l'Université Savoie Mont-Blanc
Pierre Jacquin rappelle que le rapprochement des deux chambres d'agriculture de Savoie et Haute-Savoie s'est faite sur la base des racines identiques aux deux départements. Il s'est vite apercu que les Savoie étaient considérées comme des départements riches de Rhône-Alpes, mais relativement à la marge de celle-ci, ce qui permettait aux deux chambres de s'organiser entre elles pour évoluer : l'idée était de fusionner pour être plus forts et parler d'une seule voix qui soit mieux entendue au conseil régional et par l'Etat. En matière agricole, il y a très peu de différences entre les deux départements : tout deux compte de nombreuses appellations d'origines protégés et labels (95% de la production agricole est en appellations ou labelisée) qui font sa particularité. Les fonds de la chambre d'agriculture ont été ponctionnés à hauteur de 10% pour alimenter la chambre régionale qui traduit une volonté de régionaliser l'agriculture. L'Etat désengage ses aides à l'installation de jeunes agriculteurs et laisse la chambre d'agriculture départementale s'en charger, ce qui nécessitait de mettre en commun les moyens des deux chambres en fusionnant. Cette fusion s'est faite sans grandes difficultés. L'agriculture des Savoie a une identité très forte et n'est pas partageable. Il insiste sur le lien étroit qui existe par ailleurs entre l'agriculture et le tourisme, entre un bassin de vie et le cadre touristique. C'est ici que Savoie Mont-Blanc tourisme entre en résonance avec le territoire historique savoyard. L'identité savoyarde doit être respectée par l'Etat. La Chambre d'agriculture Savoie Mont-Blanc c'est 14 millions d'euros de chiffre d'affaire. Il y aura aussi nécessité de s'organiser , d'échanger avec les Auvergnats qui n'ont pas envie de laisser s'évaporer leur identité. Les idées ne viendront pas du haut, mais d'en bas. Il faut conserver notre liberté d'agir et de s'organiser dans nos territoires.
Au point de vue de l'industrie et des services Etienne Piot rappelle la typologie économique très différente des deux départements savoyards : le tissu économique de la Haute-Savoie est marqué par un foisonnement de PME, PMI (ex : Téfal, Somfy, NTN-SNR...). Ce qui laisse à penser que sur le strict plan économique, un rapprochement des deux départements semble moins évident. Etienne Piot rappelle la contribution des industries au PIB de la Haute-Savoie : 23%, soit plus du double de la contribution industrielle au PIB national. Une activité industrielle surtout tournée vers l'exportation, qui est le fait d'un tissu de PME (production : articles de sports d'hiver, impression 3D, etc...). Cette importance de l'activité industrielle a amené à la création du label Mont-Blanc Industries, sur le même modèle que les labels agricoles et touristiques. En la matière, on peut bien parler d'un « éco-système » performant, surtout grâce à la proximité de l'échelon local. Dans le département de Savoie, l'activité industrielle est surtout le fait de mastodontes tels qu'Areva ou Placoplâtre, même si les Jeux Olympiques d'Albertville en 1992 ont eu un effet boostant sur le tissu de PME.
Claude Deffaugt souligne que la défense du modèle socio-économique des Pays de Savoie, l'«éco-système » savoyard, n'est pas un combat conservateur d'arrière-garde mais bien un combat d'innovation qui vie à montrer la réussite de ce modèle transposable à d'autres régions de France. Il dénonce le fait qu'en mettant en marche la réforme territoriale le gouvernement ait confondu vitesse et précipitation. Pour lui, cette réforme territoriale est surtout l'opportunité de faire changer les états d'esprits et de (re)définir ensemble la modèle à venir pour la Savoie. Ce modèle socio-économique à venir ne pourra se définir et se mettre oeuvre que par le biais d'un transfert de connaissances auprès des nouvelles générations. Il faudra déjouer la déshumanisation du territoire induite par la réforme territoriale et mettre en oeuvre une identité commune à tous les acteurs locaux : l'identité savoyarde. Cette dynamique ne pourra se lancer qu'en évitant les divisions et en fédérant les différentes énergies.
Alain Veyret réagit aux propos de Claude Deffaugt en évoquant la comparaison d'un collègue suisse qui avait comparé la Savoie à « une petite Allemagne ». Il ajoute que si le modèle savoyard a fonctionné jusque là, c'est en partie grâce à l'implication des conseils généraux de Savoie et Haute-Savoie. Une implication qui a maintenu un lien de continuité entre le territoire, ses habitants et leurs institutions. Qu'en sera-t-il demain puisque celle-ci sont remises en cause ?
Pour Claude Deffaugt, ce lien évoqué par Alain Veyret est aussi un lien de l'indivuduel au collectif. Pour pérenniser le modèle savoyard il va inévitablement falloir « jouer plus collectif ».
Répondant à la réflexion d'un participant dans le public, Etienne Piot revient sur le problème de l'identité savoyarde. Le fait d'avoir une double (voire plus) identité est parfaitement envisageable : on peut être Savoyard et Français sans contradiction. Cette identité savoyarde peine pourtant à se faire une place, ce qui au plan socio-économique se traduit par un problème de valorisation et une image réductrice (la montagne et les produits du terroir). L'industrie, voire même l'agriculture sont perdantes en image ce qui occasionne un problème global de lisibilité et de communication : l'identité savoyarde offre d'elle une image incomplète. Un besoin de valorisation globale de la Savoie se fait sentir. Il faudra ne pas hésiter à prendre des risques pour incarner une Savoie dynamique, montrer qu'elle est un territoire vivant. De ce point de vue, il y a sans doute des exemples à prendre en Suisse voisine.
Marc Bron (Président de l'association des enseignants de savoyard) fait la remarque qu'un restaurateur l'a récemment contacté afin de pouvoir élaborer une carte en patois savoyard pour son restaurant. La langue savoyarde (francoprovençal/arpitan) offre sans doute un moyen de promotion économique intéressant, surtout en ce qui concerne le tourisme. C'est l'exemple d'une valeur ajoutée, pour des personnes venant de l'extérieur de la Savoie.
Noël Communod (conseiller régional, président du MRS) rappelle que le contexte politique n'est guère favorable aux projets savoyards : ils se heurtent systématiquement au Jacobinisme dont le dernier exemple en date n'est autre que la réforme territoriale et la loi NOTRe qui sont en fait une vraie recentralisation des pouvoirs et compétences sous couvert d'une pseudo-régionalisation de la France. On passe d'un jacobinisme national à un jacobinisme régional avec la métropole de Lyon qui est actuellement en train de prendre ses marques au sein de Rhône-Alpes-Auvergne. Il rappelle que le régionalisme politique, c'est partir de la base : l'échelon local doit disposer de toutes les compétences dont il a besoin pour assurer son développement. C'est pour cela qu'il est nécessaire de se mobiliser pour défendre et maintenir des centres décisionnels en Savoie.
2ème table-ronde « Université, monde judiciaire, services »
Intervenants :
– Denis VARASCHIN, Président de l'Université Savoie Mont-Blanc
– Stéphane SAUZZEDDE, Directeur de l'Ecole supérieure d'Art de l'agglomération d'Annecy
– Olivier PUIG, Bâtonnier du barreau de Chambéry
Stéphane Sauzzède, après avoir rapidemment présenté l'Ecole supérieure d'Art de l'agglomération d'Annecy, explique comment le local joue un rôle dans la vie de l'école. Après la réforme LMD qui a conduit au développement de filières art et design, la composante local a été intégrée aux réflexions de l'établissement et dans le travail des étudiants. En effet, le local sert d'appui pour s'ouvrir à de nouveaux horizons, par le biais de réseaux et de projets. Cette perspective a par exemple conduit à un travail commun transfrontalier avec le Musée d'art contemporain de Genève. Il appelle à multiplier ainsi ce type de projets et à une mise en commun de ces « petits succès quotidiens » qui font la réussite du modèle savoyard.
Olivier Puig démontre ensuite que la justice est un élément structurant du territoire savoyard, marqué par l'existence de 5 tribunaux de grande instance et d'une cour d'appel héritée du traité d'annexion de la Savoie à la France en 1860. Il souligne qu'en Savoie, le système judiciaire fonctionne jusque-là assez bien, voire bien mieux qu'ailleurs en France. Mais de réelles menaces planent sur les 5 tribunaux savoyards et sur la cour d'appel de Chambéry. La réforme engagée sous la présidence Sarkozy et les projets de réforme à venir ont en effet comme postulat de base l'équation suivante : une cour d'appel par région. Or, actuellement, il y a 4 cours d'appel en Rhône-Alpes-Auvergne. Ce serait donc trois de trop pour un gouvernement dont le leitmotiv tient en un mot : économies ! Les conséquences d'une disparition de la cour d'appel de Chambéry et de sa fusion avec les autres cours d'appel serait calamiteuses pour les usagers : actuellement le temps de traitement d'un dossier varie entre 10 et 12 mois à Chambéry, alors qu'à Lyon et Grenoble il oscille de 24 à 30 mois. On imagine aisément les délais de traitement qui résulteraient d'une telle fusion... Il importe donc de conserver le maillage territorial judiciaire existant en Savoie. Une nécessité renforcée par la nature géographique du territoire savoyard fait de montagnes et de vallées qui impliquent parfois de courtes distances mais un temps de trajet assez long. Si certains tribunaux devaient disparaître et les barreaux avec eux, il deviendrait plus difficile aux avocats restants de parcourir de longues distances pour assister les prévenus. Le risque étant à terme de voir les services judiciaires se désengager des territoires, et que les Savoyards renoncent a faire appel à la justice lorsque le besoin s'en fait sentir.
Denis Varaschin présente ensuite le rôle joué par l'Université de Savoie, devenue récemment l'Université Savoie Mont-Blanc. L'université existe depuis les années 1970. Dès les origines la liaison entre l'université et le monde de l'entreprise s'est concrétisée par la création du club des entreprises. Ces dernières années, les efforts menés ont permis à l'université de se faire connaître en dehors de la Savoie et dans le monde : l'université est ainsi apparue comme la première université française dans un classement américain. L'Université Savoie Mont-Blanc se veut ouverte sur son territoire et au delà par les relations qu'elle entretient les universités de Lyon et Grenoble. Mais ces relations marquent aussi ses limites et sa faiblesse : suite à la loi de 2013, la fusion de l'Université de Savoie avec celle de Grenoble avait été clairement mise en chantier. Un chantier qui avait commencé par s'attaquer à l'IUFM de Chambéry, fusionné avec celui de Grenoble. Aujourd'hui transformé en ESPE, il a été presque vidé de son personnel.La question de l'avenir de l'Université Savoie Mont-Blanc est clairement posée. Si le risque d'une fusion totale avec celle de Grenoble semble pour le moment écartée, il reste la perspective de la création d'une communautés d'établissements (mais ne serait-ce pas une étape précédent la fusion complète?) et d'une association par convention sur des projets bien définis (un dispositif permettant un travail commun mais aussi plus souple). C'est cette dernière option qui a été choisie par la présidence de l'université, mais face aux diverses pressions combien de temps sera-t-elle tenable ? Pour assurer son avenir l'Université Savoie Mont-Blanc devra s'attacher a acquérir un rang et une visibilité internationale, sans pour autant tomber dans les travers d'une politique du chiffre.
Alain Veyret rappelle que bien d'autres secteurs tout aussi performants auraient pu être évoqué au cours de cette soirée. Mais il souligne aussi que les exemples évoqués et les performances des Pays de Savoie semblent gêner, du fait même de leur réussite. Il y aurait une volonté, entre autres du gouvernement, de tout niveler par le bas. Pourquoi vouloir casser et chambouler un modèle qui a fait ses preuves et ne demande qu'à se développer ? Car il est nécessaire de prendre en compte les spécificités de la Savoie : son histoire, sa géographie, son économie, sa situation frontalière et enfin l'augmentation continue et importante de sa population (de 12 à 13 000 habitants de plus par an environ). La pérennité de son modèle socio-économique et la prise en compte de ses spécificités nécessiterait une traduction sur le plan institutionnel. Mais le projet mené par Hervé Gaymard d'une collectivité à statut particulier Savoie Mont-Blanc s'est heurté au Jacobinisme d'une partie de la classe politique. Un échec qui s'explique aussi par un manque d'image globale de la Savoie et de formes d'expressions de son identité propre. Résulat, la Savoie est aujourd'hui menacée et acculé. Que faire pour assurer son avenir ?
Conclusion :
Denis Varaschin tire ensuite les conclusions des échanges de ces deux tables-rondes. Pour lui, le combat a mener est celui d'une identité revendiquée et non un combat identitaire. Les particularismes qui constituent l'identité savoyarde sont des particularismes positifs mais peuvent se retourner contre les Savoyards, car la différence est souvent source d'incompréhension et donc de possibles conflits. Il propose d'envisager quelques pistes d'actions, tout en veillant à la « respectabilité » des acteurs, récusant ainsi l'exemple des Bonnets rouges bretons qu'il juge plutôt négatif. Il énonce donc les pistes suivantes :
*renforcer l' « éco-système savoyard » et les liens entre les différents acteurs qui le composent (ce qui pose directement la question de la suite à donner à ces Assises).
*prendre acte du fait régional et défendre le maintien en Savoie de compétences économiques, l'université, etc...
*maintenir un lien entre le niveau régional et le national, s'appuyer sur le terrain pour passer de l'échelle locale à l'échelle globale grâce à des liens forts entre les acteurs de l' « éco-système savoyard » et les élus parlementaires entre autres.
Après cette conclusion, la parole est laissée au public afin que chacun puisse faire part de ses questions ou réflexions.
Débat avec le public :
Un petit groupe d'indépendantistes savoisiens interroge les débatteurs sur la question du traité d'annexion de 1860, traité dont plusieurs dispositions n'auraient jamais été respectées et donc l'enregistrement à l'ONU en 1947 serait caduc, ce qui placerait la France en infraction avec le droit international et dans l'illégalité en Savoie. Alain Veyret leur apporte une réponse disant qu'il respecte leur combat, mais que celui-ci reste quasi-inaudible, car en 2015 de nombreux Savoyards ne sont pas au courant ou ne s'intéressent pas à cette question de l'annexion de 1860 qui reste perçue comme un sujet historique intéressant, mais décalé dans une perspective d'avenir pour la Savoie. Le débat menaçant de s'envenimer, Jean-Luc Favre réaffirme que la Savoie ne doit pas être juste une mémoire mais un avenir, et que s'enfermer dans un discours dénonçant le traité de 1860 est contre-productif et discrédite l'identité savoyarde.
Un autre participant pointe le paradoxe savoyard : dans une Europe et une France marquées par le rôle prédominant des centres urbains, la Savoie apparaît comme un territoire anormalement dynamique, car pris entre les métropoles de Lyon, Genève et Grenoble, il ne dispose d'aucun centre urbain pouvant rivaliser avec ces métropoles. Une réflexion qui trouve un écho dans une intervention de Martial Saddier (député UMP de Haute-Savoie) qui rappelle que le fait urbain est majoritaire statistiquement et qu'il l'est donc aussi démocratiquement : la majorité des électeurs sont des urbains ou des périurbains. Un fait urbain qui selon lui restera prédominant au moins pour les 30 ans à venir. Dans cette perspective, la Savoie aurait tout intérêt à renforcer ses liens transfrontaliers avec Genève dont la proximité est un atout dans une France régie désormais par le fait urbain. Le canton de Genève fait d'ailleurs figure de premier employeur savoyard. Claude Barbier précise à l'appui des propos de Martial Saddier que lors de la réunion publique réunissant Hervé Gaymard et Christian Monteil autour du projet de collectivité Savoie Mont-Blanc à Cruseilles en novembre dernier, était présent dans le public François Longchamp, Président du conseil d'Etat de Genève qui avait fait part de son intérêt pour le problème de l'avenir de la Savoie et des fonds frontaliers reversés par le Canton de Genève à la Haute-Savoie. Laurent Blondaz (membre du MRS) poursuit sur le sujet des liens entre la Savoie et Genève en rappelant que le canton de Genève est un Etat à part entière, la République de Genève, autonome comme les autres cantons au sein d'une Suisse fédérale. Une telle proximité pose la question d'une émancipation nécessaire de la Savoie face à la norme nationale qui prévaut en France. Un développement du territoire savoyard ne pourra se faire sans un appel à l'opinion publique.
Martial Saddier a le sentiment que la République française a peur de ses territoires parce qu'elle est affaiblie (crise financière et budgétaire, crise des valeurs républicaines, etc). D'où cette volonté de recentraliser d'une manière imposée. La réussite du modèle savoyard en ferait une cible à attaquer (ainsi la vallée de l'Arve serait exagèrement présentée comme l'une des vallées les plus polluées d'Europe par les médias).
Alain Veyret s'interroge sur la « fenêtre de tir » possible pour inventer une forme institutionnelle nouvelle pour la Savoie. Celle-ci dépendra beaucoup du temps que le département mettra à « s'affaisser » avant de disparaître. Pour Noël Communod, il faut montrer au gouvernement que les Savoyards sont présents et soutiennent leur parlementaires contre cette recentralisation : il faut faire connaître le problème de la Savoie et les solutions qui existent pour préserver son « éco-système ».
La suite ?
Enfin, Denis Varaschin clôt la soirée en concluant que l'exemple savoyard montre que le territoire est bien un « espace vécu », un construit social. Il propose d'aller de l'avant en annonçant la publication prochaine d'un communiqué de presse, et la mise en place d'un comité de réflexion et d'action afin d'influer autant que possible sur les débats concernant l'avenir des départements.
Rodolphe GUILHOT