Il n’est jamais trop tard pour bien faire. L’été dernier, du fond de son transat, Mimine avait essayé de me fourguer son bouquin convaincre de découvrir le roman de Joël Dicker qu’elle était en train de dévorer. « De quoi ki cause ton polar ? » avais je hasardé. J’étais aux prises avec Le Chardonneret, dernier pavé (795 pages quand même) de Donna Tartt (qui avait commis l’excellent Maître des illusions en 1992) et suivais alors les tribulations du jeune Théo Decker (13 ans au début de l’ouvrage) qui tentait de protéger une toile de Carel Fabritius, miraculeusement sauvée d’un attentat au Metropolitan. Je me promenais donc entre New York et Amsterdam avec le jeune Théo, quand Mimine insistait : « Mais si, tu devrais le lire, c’est même la plus grosse vente de la FNAC cet été ». Je jetai alors un oeil en biais sur la quatrième de couverture et découvrai les critiques de Marc Fumaroli (membre de l’Académie Française et dont j’avais douloureusement subi scrupuleusement étudié L’Âge de l’éloquence : rhétorique et « res literaria » de la Renaissance au seuil de l’époque classique, paru en 1984 : autant dire que j’étais méfiante) et Bernard Pivot, dont les dictées m’avaient régalée pendant des années. Les références étaient alléchantes : promis, un jour j’y reviendrai à ton Québert. Mimine s’en était retournée à son transat et son parasol, désespérée par mon fichu caractère. Elle me connaît depuis plus de vingt ans, c’est dire qu’elle a l’habitude. Bref, Harry Québert était passé en pertes et profits.
Il y a quelques semaines, opération survie (traduction : mission remplissage de frigo) et visite à l’hypermarché au nom d’un illustre maréchal de France, libérateur de Strasbourg. Avant d’aller remplir le chariot de denrées alimentaire, je me penche vers les nourritures spirituelles. Soumission de Houellebecq me fait de l’oeil mais non, je ne suis toujours pas convaincue. C’est alors que je croise La vérité sur l’Affaire Harry Québert et repense à la scène du transat. Mon homme (qui sent que nous sommes partis pour la valse du « ah ben je le prends, mais non, enfin p’tet que si, quoique bof, tu crois que… ») saisit un exemplaire et le met dans le panier avec un sourire. Il me connaît bien le bougre. Bon, zou, je me lance.
Bernard Pivot m’avait prévenue, « Si vous mettez le nez dans ce gros roman, vous êtes fichu ». Pourtant j’avais voulu faire ma mauvaise tête. Fatale erreur… Dès les premières pages, je suis séduite par Marcus Goldman et ses angoisses de la page blanche. Le beau gosse, auréolé de succès, à qui tout réussit et qui doute n’en est que plus attendrissant (quelle guimauve je suis). Il part retrouver Harry Québert, son mentor à l’université (qui n’est pas sans me faire penser à un extraordinaire enseignant que j’ai eu à la fac, histoire sulfureuse en moins !) et se retrouve au coeur d’une sombre histoire d’adolescente retrouvée enterrée dans le jardin de son ami. Erreurs judiciaires, mensonges, faux semblants, histoires glauques de petite ville de l’Amérique profonde en pleine conquête par Obama, où tout le monde sait tout (et imagine le reste), tout y est. Après avoir mis de longs mois à m’y mettre, j’ai DE-VO-RE le roman en quelques jours, abandonnant (sans scrupule aucun) plusieurs tas de copies pour assouvir ma curiosité.
Traduit en plus de 38 langues, paru dans près de 50 pays et publié à plus de 400 000 exemplaires : à quand La vérité sur l’Affaire Harry Québert au cinéma ?