American Crime, une série politique et polémique, par le scénariste de Twelve Years A Slave.
Synopsis : La série suit l'étude du meurtre potentiellement raciste de Matt Skokie, un vétéran, et de sa femme dans la ville de Modesto en Californie. La série se concentre sur le meurtre ainsi que les suites qui en découlent, principalement à travers le point de vue des victimes et des familles des suspects.
Le scénariste de Twelve Years A Slave aux commandes
American Crime est tout droit sorti de l’esprit de John Ridley, récompensé pour son scénario adapté aux Oscars 2014 pour le drame de Steve McQueen, une preuve de plus que le petit écran se fait progressivement envahir –avec succès- par le cinéma. On sent ici véritablement l’effort fait par ABC pour apporter une qualité nouvelle à ses séries, afin d’être à même de concurrencer les productions des chaînes dites premium (HBO, Showtime, A&E…) adoubées par la critique et adorées du public.
Bref, American Crime fait dans la subtilité et dans la nuance : pas de manichéisme ici, juste le constant amer d’une Amérique multiculturelle encore profondément divisée. Le pilote utilise la technique bien connue des recoupements d’histoires personnelles à première vue indépendantes mais qui vont finir par se rejoindre au cœur de l’intrigue et du meurtre : d’abord, il y la victime, un vétéran d’Irak irréprochable marié à une reine de beauté, un « couple parfait » comme le rappelle sa mère Barb (Felicity Huffman). Le meurtre contraint donc les deux parents divorcés à se réunir malgré eux, puisqu’il apparaît très vite que Barb a une sérieuse dent contre Russ (Timothy Hutton). Lors d’une engueulade mémorable entre les deux personnages, on apprend vite les raisons d’un tel ressentiment : Russ, anciennement addict au jeu, a liquidé les économies familiale, ce qui a forcé sa femme à partir et vivre dans un logement social avec ses deux jeunes fils.
C’est là que la thématique sociale recoupe la dimension « raciale », ou plutôt ethnique du show. En effet, un racisme sous-jacent perce dans les propos de Barb contre le meurtrier de son fils, soupçonné par les policiers d’être d’origine latino-américaine : « mon fils part dans un autre pays pour se battre, il revient chez lui aux Etats-Unis et se fait tuer par un étranger » dit-elle les larmes aux yeux. Le racisme est alors nuancé par le passé de cette mère-courage qui a élevé ses enfants seule, dans un logement social dominé par des minorités ethniques, ce qu’on apprend lorsqu’elle lance à son mari « une femme blanche avec ses deux enfants blancs, tu n’as pas idée de ce qu’ils nous ont fait subir jour après jour ».
Une série trop sérieuse ?
American Crime se lance donc dans une intrigue plus politique que proprement policière. Les suspects sont nombreux, et appartiennent chacun aux grandes communautés ethniques des Etats-Unis : le premier suspect est un afro-américain enlisé dans le cercle vicieux de la drogue, le second un jeune mexicain effrayé par la tournure que prennent pour lui les événements, le troisième un hispanique, membre d’un gang ultra-violent. Bref, John Ridley part sur une série ambitieuse et polémique : malgré une idée intéressante, un casting réussi (Felicity Huffman et Timothy Hutton sont très convaincants en couple divorcé) et un pilote bien construit, la série manque d’une touche de second degré qui aurait pu alléger le caractère dramatique de l’intrigue.
American Crime est donc une bonne surprise, à l’image d’How To Get Away With Murder dont la première saison vient de se terminer sur ABC. Il semblerait que la chaîne ait pris le parti d’innover en proposant des fictions plus corrosives et des personnages plus ambigus. Les minorités, qu’elles soient ethniques ou de genre, y sont également plus présentes. Seul bémol, l’absence quasi-totale d’humour, pour un drame qui risque, à terme, de s’alourdir et de lasser ses spectateurs. Affaire à suivre !
La première saison d’American Crime a débuté le 5 mars 2015 sur ABC et a rassemblé plus de 8 millions de spectateurs aux US.
American Crime : Bande-annonce