Sortie ciné : Projet Almanac, de Dean Israelite

Par Mrwak @payetonwak

Dans la mode des films en found footage, on pensait avoir tout vu et surtout, que Chronicle en 2012 avait posé un point final à la progression inquiétante de cette mode (plus une mode qu'un crédo artistique, il faut l'avouer). D'ailleurs, la majorité des films de genres et plus particulièrement ceux d'horreurs, sont pour a plupart depuis finalement retournés à une mise en scène plus conventionnelle pour tâcher de raconter de vraies histoires (enfin, pas tous). Et puis débarquent Michael Bay et sa boîte de production Platinum Dunes qui décident de réaliser un film de genre aux croisements bien spécifiques : une histoire de voyage dans le temps sponsorisée par MTV Films, lorgnant plus vers la débauche gratuite de Projet X que de la noirceur singulière de Chronicle, le tout, sous l'apparat du found footage. On s'inquiète.
C'est pourtant sous un jour moins frimeur que s'ouvre Projet Almanac, racontant comme un lycéen enthousiaste et ambitieux tente l'expérience de la dernière chance pour se faire remarquer par une prestigieuse université. Sa sœur le suit à la trace et le film dans tous ses mouvements, c'est de ce point de vue que provient notre regard de spectateur - et entre autres, la réalisation problématique et informe qui dessert en permanence le film. Car si celui-ci dispose d'un vivier de situations sur lesquelles se reposer (ou s'épuiser), il n'évite malheureusement pas le syndrome de la caméra à l'épaule, procédé particulièrement épuisant puisque nos ados ici présents sont du genre hyper-actifs : la caméra n'est posée que pour se faire attraper à la volée dans un balais de plans incompréhensibles, et vole dans tous les sens la plupart du temps. Le bonheur de voir un plan posé se fait immédiatement ressentir, un bonheur hélas très rare.

Mais le film se départit bien vite de son origine bâtarde et de sa technique pour se lancer corps et biens dans une histoire de seconde chance - au propre comme au figuré. Le fil rouge annonce toute la seconde partie du film dans une quête impossible (Daniel cherche à retrouver son père décédé il y a dix ans) tout autant qu'il essaie d'être la meilleure version de lui-même (très littéralement, les personnages revivront des situations n'ayant jusqu'alors jamais tournées en leur faveur, jusqu'à avoir le dernier mot). Le film est ainsi aussi superficiel que foutrement jouissif dans sa première partie, avant d'aborder les conséquences de leurs actions. Et alors que toutes les petites combines de Brit Marling et d'autres films aux potentiels ravageurs comme Safety not guaranteed s'arrêtaient net là où le concept attendait enfin d'être exploité (après une heure et demie de promesses), Projet Almanac se jette avec bonheur dans une seconde partie classique où les personnages se perdent dans le reflet des réalités alternatives que leurs actions ont causées. À ce petit jeu, le film est alors moins malin que ses aînés (Looper et Un jour sans fin sont cités) et on sent vite l'épuisement des scénaristes à essayer de boucler leur concept de façon satisfaisante.
Et pourtant le film est plaisant, et finalement burné, puisque ne reculant pas devant les quelques pistes de lectures qui jalonnent son avancée ; oui, le film est boursouflé de plot holes relatifs au voyage dans le temps (et dont le spectateur maîtrise les codes depuis Retour vers le futur) mais le film avance avec une fougue et un enthousiasme délirant, emportant sa bande d'ados aux traits peu épais (et nous avec) vers une résolution tragique.

Ils ont à peine 18 ans, sont lycéens et insatisfaits d'eux-mêmes : losers, secrètement entichés d'une jolie camarade, moqués par leurs congénères, mauvais écoliers… Projet Almanac s'entoure d'une bande de copains (et d'un relationnel frère-sœur malheureusement peu exploité) aux caractéristiques bien spécifiques, proches de personnages d'un teen movie, lequel n'a jamais autant de force qu'ici exploité sous le jour de la répétition. Comment se rattraper, réussir et prendre le contrôle? On les voit succomber aux tentations faciles et essayer de corriger leurs erreurs. Comme détenteurs d'un secret permettant d'avancer avec succès à travers l'adolescence, ces ados finissent par se prendre les pieds dans le tapis et tenter de corriger le tir. Le chemin parcouru jusque-là, en plus d'être certes fun et enlevé, est aussi parfois touchant.
Loin de se fourvoyer entièrement dans le côté mercantile de sa démarche (et parce qu'on va bien se rattraper à quelque chose), le film a le mérite de ne pas se terminer sur une note particulièrement positive, sitôt qu'on réalise que le voyage dans le temps est un éternel recommencement. Et le ton parfois frondeur du film est absolument réjouissant dans les scènes d'exploitation du concept, dès lors qu'on accepte l'improbabilité du projet. De façon générale, on peut gager que des réalisateurs comme Joe Dante adoreraient l'idée d'adolescents construisant une machine à remonter dans le temps depuis leur cave… de là, il faut prêter une certaine clémence à ce Projet Almanac, moins lâche qu'on aurait pu le croire.
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Looper est numéro 3 de notre top films 2012Dans le même top, Chronicle et Projet X sont à la quatorzième place. Pour revenir vite dessus, Brit Marling a du potentiel mais Sound of my voice est un joli foutage de gueule. Et la majorité des projets auxquels elle est affiliée sont du même acabit.