Chronique « Rosa – Le Pari »
Dessin et scénario de : François Dermaut
Adaptation d’un texte de : Bernard Ollivier
Public conseillé : Adultes et adolescents
Style : Historique, Drame
Paru aux éditions Glénat, le 04 mars 2015, 56 pages couleurs
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L’Histoire
Normandie, début du XX ème siècle : Rosa, mariée par ses parents à Mathieu, veuf et alcoolique de 25 ans son ainé, bientôt atteint par la tuberculose, tient dans la ferme conjugale un bistrot fréquenté par les rustauds du village.
Sa vie, qui jusque-ici n’a été égayée que par les plaisirs de la lecture, va alors prendre un tournant insoupçonné : Rosa va être mêlée à un pari absurde dont les enjeux vont modifier à jamais sa place aux yeux des hommes. Un pari où cruauté et tendresse, dévouement et manigances politiques vont être intimement liés et n’épargneront personne !
Le Scénario
Genèse d’un projet ou fiction et réalité se rejoignent : Francois Dermault adapte ici le récit imaginé et rédigé par son ami l’écrivain Bernard Ollivier durant une marche de 12 000 km le long de la route de la Soie. L’auteur relève les similitudes entre le personnage de Mathieu et lui-même : tous deux mariés à une femme plus jeune de 25 ans, tous deux atteints par une maladie grave. On comprend que ce projet sous forme de dyptique tienne particulièrement à cœur à Francois Dermaut : pour ma part, j’ai lu rien de moins qu’un … chef d’œuvre !
L’univers de Maupassant : le récit fait immanquablement penser à une nouvelle du Guy de Maupassant. Le cadre est pratiquement le même : la Normandie fin XIXe pour Maupassant, début XXe pour Dermaut. Le scénario dépeint les relations dures et cruelles entre hommes et femmes avec le contexte social, moral et religieux très pesant de l’époque.
Francois Dermaut ajoute à son récit une tendresse et une retenue qui mettent en valeur la pureté de l’acte de dévouement que Rosa s’apprête à réaliser.
L’intrigue est bien ficelée, nous tient en haleine et nous permet d’aborder d’autres thèmes.
Une vision pessimiste de l’humanité : la tendresse et la générosité de Rosa qui sacrifie sa vertu et sa réputation pour soigner son mari sont en opposition avec la vanité, la bêtise et l’égoïsme de tous ces hommes qui se croient supérieurs à elle et qui n’ont qu’une obsession : prouver qu’ils sont le meilleur amant du canton !
Des jeux de pouvoirs : Rosa change son statut de femme. D’un être insignifiant aux yeux des hommes, elle devient le personnage central d’un pari. Elle est à la fois l’actrice principale qui édicte les règles du jeu et rendra le verdict final et une spectatrice : elle découvre la face cachée des hommes, leurs défauts et qualités, leurs aspirations et leurs ambitions.
Le Dessin
François Dermaut nous dépeint une galerie de portraits avec son talent habituel : dans cet album pas de grandes envolées avec des images qui débordent du cadre comme pour les « Chemins de Malefosse », mais des cases resserrées sur les visages et leurs expressions qui ajoutent un côté intimiste à l’action. Tout est dans l’humain, dans les silences comme dans les cris.
Avec en prime une belle galerie de trognes et une mention spéciale pour le gros et puissant Sena. A vous de choisir le vôtre !
Le dessin est en couleur directe avec des aquarelles dont les contours sont soulignés au feutre très fin : les couleurs présentent également des dominantes de brun et renforcent une impression de huis clos malgré quelques scènes respiratoires en extérieur.
Du grand art !
Pour résumer
J’ai adoré cet album de François Dermaut qui est digne d’une nouvelle de Maupassant. Il représente pour moi « un vrai chef d’œuvre » !
Et pourtant, inutile de chercher le fracas des armes ou les grandes aventures dans des territoires inexplorés : l’action est centrée sur Rosa et un pari fou et insensé qui nous permet de nous immerger au plus près d’une galerie de personnages à la fois vaniteux, cruels, ambitieux ou cupides. Tout est dans l’humain. Et croyez-moi, on ne s’ennuie pas un instant !
La générosité et la tendresse de Rosa seront t-elles récompensées dans ce monde de brutes épaisses ? Réussira-t-elle à sortir par le haut de cette épreuve qu’elle s’est elle-même imposée ? A suivre au prochain épisode !
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Cet article fait parti de « La BD de la semaine », cette semaine, chez Stéphie.