Superbe programmation de Beaubourg ce printemps !
Tout d'abord une superbe rétrospective de "Louise Bourgeois" (jusqu'au 2 juin), petite femme et grand talent trop longtemps boudé par la France (puisque une partie de cette expo a d'abord eu les honneurs de la New Tate il y a maintenant 7 ans) ! Obsessionnelle, encore dérangeante, souvent drôle, poignante. Elle commence par réaliser des totems sur le toit de sa maison américaine qui va devenir son premier espace de liberté/atelier. Elle a suivi son mari aux Etats Unis en 1938 , et se reconstitue son entourage qu'elle a quitté, ses amis, par une forêt de fétiches, avec les "Personnages" elle comble symboliquement leur abscence, par la création de ces formes assez primitives. 60 ans plus tard elle continue toujours de créer pour exorciser . Il y a eu ses "Femmes maisons", matrices mentales représentant à la fois l'enfermement domestique et aussi la liberté face aux conventions, notamment sexuelles. On peut entrer dans ces "corps-espaces ", y marcher , Evidement il y a les "Araignées Amies" (cf photo) , la figure protectrice et adoree de la mère est comme une maison dans laquelle on peut aussi se réfugier, et puis la série de sculptures plus petites de monstres hybrides, voulant ridiculiser la figure du père "The destruction of the father" (1974), qui a tant fait souffrir l'artiste enfant. Et puis enfin sont exposés les dessins de ces dernières années, car à 98 ans, elle continue d'exorciser, la filiation, la souffrance mais de manière plus légère, même si toujours aussi radicale . Elle qui dit la nécessite de rompre ou d'accepter le passé : " Il faut abandonner son passé tous les jours, ou bien l'accepter, et si on arrive pas on devient sculpteur".
"Traces du sacré" (jusqu'au 11 aôut), exposition touffue si il en est , puisque ce sont plus de 360 oeuvres qui sont exposées. A priori je suis réfractaire face à ce genre de profusion, ainsi qu'à l'expression de groupe d'un certain mysticisme. Pourtant force est de constater que cette exposition est à la fois enrichissante car surprenante. Ainsi si on savait qu'un Klee ou un Kandinski étaient à la recherche d'une forme de sacré, l'un avec la cosmologie l'autre avec la musique, c'est franchement déroutant de voir un triptyque de Mondrian figurant des femmes nues, sensées symboliser la mystique et la vie. Superbe salle sur la danse, avec des vidéos d'archives rares datant du tout début du siècle, de superbes dessins de Picasso , de Masson ou de Jamie Cameron, ou encore une photo où l'on voit le très sérieux historien d'art Aby Walbourg coiffé d'un masque rituel mexicain, que l'on nous raconte aimer danser et rentrer en transe. Suivent un quasi-invisible Buaglio en face d'un Beuys imprévisible, volutes et calumets de la paix pour finir le parcours avecYazid Oulab. Il faut bien constater que cette partie "sacrée" du travail des artistes , souvent cachée, car parfois maladroite ou tabou, apporte la puissance et la radicalité à la part mise en lumière. Force est également de reconnaître que tous ces plasticiens qui cherchent en dehors du rationnel et du visible, à réinvinter une transcendance alors que le siècle dernier a tué Dieu, que les guerres de celui ci ont tué l'homme et mis à mal la notion d'humanité, c'est très réconfortant !
Enfin , le cinéma de Beaubourg a invité Michel François, plasticien belge, à présenter ses vidéos et à expliquer comment elles s'insèrent dans son travail ... 2 heures de pur bonheur. Pour les chanceux qui pourront y aller, cet artiste sera Présent à Unlimited à la foire de Bâle la semaine prochaine.