Meilleur Sommelier de Lombardie en 1996, Champion d’Italie en 1997, Vice-Champion d’Europe en 1998, Champion d’Europe en 2002, Champion du Monde en 2004, Enrico Bernardo est sans aucun doute un être à part dans ce monde fermé de la sommellerie. Rencontre avec un jeune trentenaire fascinant.
Petit houppette à la Tintin, élégant comme un italien, jeune et beau, Enrico Bernardo, Champion du Monde de la Sommellerie 2004, sourire aux lèvres, entre en scène dans son nouveau restaurant récemment étoilé : Il Vino.
Né à Milan en 1976, Enrico a très vite compris qu’il serait cuisinier. A 6 ans, il prépare son premier plat de pâtes avec sa chère et tendre mère qui l’aide en le faisant grimper sur une chaise pour être à la hauteur des fourneaux. Pâtes et sauce tomate, premier essai, premier titre, champion de pâtes catégorie poussins. Dehors, ses copains tapent dans la balle, font du vélo, jouent à cache-cache. De son côté, Enrico s’amuse avec son cadeau de Noël, une batterie de cuisine en plastique, « chaud devant ça tache », « on enlève », « j’annonce, une glace au cassis pour la 9, un œuf mayonnaise pour la 6 ». Quelques années plus tard, il fait les saisons dans l’hôtel de ses sœurs sur la côte Italienne, il a 13 ans et n’attend qu’une chose, intégrer l’école hôtelière de Milan.
Le Bac en poche, direction la France
En 1997, Enrico passe la frontière et file à Roanne chez les Troisgros. A cette époque, son objectif est de rester en France deux ans, pour parfaire son français, les techniques culinaires et devenir un bon cuisiner, il sera finalement un excellent sommelier. Commis de cuisine, il passe son temps libre à travailler les associations mets et vins, pour le plaisir, pour assouvir sa soif de connaissances. Rien ne le prédestine à occuper un jour une place de sommelier mais il possède ce petit quelque chose que d’autres n’ont pas. Il enregistre tout, prend des notes, emmagasine des odeurs, des saveurs, des parfums. Il est doué, surdoué peut être mais il ne le sait pas encore quoique quelques années auparavant dans le cadre d’un voyage en Alsace avec son école, il avait été le seul à découvrir à l’aveugle le contenu de son verre, un gewurztraminer vendanges tardives millésime 1985. Un signe ? Un an plus tard, il rejoint La Poularde à Montrond les Bains à quelques kilomètres de Roanne et rencontre le chef sommelier, un certain Eric Beaumard, aujourd’hui directeur de la restauration du George V. Une pointure de la sommellerie qui lui offre une place de commis sommelier et le guide dans les méandres des cépages, des vignobles, des cuvées et le prépare au concours du Meilleur Sommelier d’Europe. Il arrivera en Fiat Uno d’occasion en rêvant déjà au Championnat du Monde auquel il avait assisté en spectateur à Tokyo en 1995 et finira deuxième alors qu’il n’était que commis ! Le futur Zidane du vin ? La suite le prouvera. En 1999, il prend la place de Chef Sommelier au Clos de la Violette à Aix-en-Provence. Pour la première fois, il se sent sommelier, apprécie les échanges avec la clientèle, les rencontres avec les vignerons, le partage d’une même passion.
Toujours le plus jeune
En 2000 à 23 ans, le voici de nouveau aux côtés d’Eric Beaumard mais à Paris cette fois au George V. En 2002, il obtient le titre de Champion d’Europe, il est le plus jeune de l’histoire à le décrocher comme il l’a été pour chacun de ses titres…toujours le plus jeune. Au milieu de ses 50 000 flacons, la main à portée de sa plus vieille bouteille, un Mader Oliveiras de 1834, il pense à Athènes 2004, les Jeux Olympiques un peu, le Championnat du Monde de la Sommellerie surtout. En trois semaines, il sillonne 8 pays, goûte 1000 vins par semaine, passe des heures sur Internet, dans les ambassades, s’imprègne de la culture de chaque pays, hume des cigares, savoure des eaux-de-vie et perd 7 kilos. 43 au départ, 4 en finale qui auront su éviter les pièges des 87 questions, déguster à l’aveugle un certain nombre de millésimes, trouver les accords parfaits entre mets et vins et passer avec brio l’exercice du service. Il est dans les 4. Devant 2000 personnes, il entame de nouvelles épreuves, dégustation à l’aveugle, correction d’une carte de vins erronée, service, accord mets grecs et vins, question surprise sur les cigares…and the winner is : Enrico Bernardo. Il est au sommet et il est une nouvelle fois, le plus jeune champion du monde de l’histoire de la sommellerie…il n’avait pas 30 ans. Après quelques mois de sollicitations, de félicitations, il est redescendu sur terre mais reste perturbé, déstabilisé. La raison, il n’a plus d’objectifs…il a tout gagné. On ne remet jamais son titre de Champion du Monde en jeu, on l’est…à vie.
Restaurant Il Vino. 13, boulevard Latour - Maubourg. 7e. Tél : 01 44 11 72 00. Menus: 50 et 75 € (au dej), 100 et 180 (au dîner) €.