Urbanisme : une demande d'adaptation mineure peut être demandée pour la première fois devant le Juge administratif (Conseil d'Etat)

Publié le 10 mars 2015 par Arnaudgossement

Par arrêt n°367414 du 11 février 2015, le Conseil d'Etat vient, par un considérant de principe, de juger que le demandeur d'un permis de construire ou d'aménager peut présenter, pour la première fois devant le Juge administratif saisi d'un refus de permis de construire ou d'aménager, une demande d'adaptation mineure du plan local d'urbanisme.


Pour mémoire, aux termes de l’article L.123-9 du code de l’urbanisme, il est interdit de déroger aux règles et servitudes définies par un plan local d’urbanisme, « à l’exception des adaptations mineures ».
Cet article L.123-9 dispose en effet :

« Les règles et servitudes définies par un plan local d'urbanisme ne peuvent faire l'objet d'aucune dérogation, à l'exception des adaptations mineures rendues nécessaires par la nature du sol, la configuration des parcelles ou le caractère des constructions avoisinantes. »

Il convient, par ailleurs de souligner que le permis de construire ou d’aménager doit être conforme – notamment – au plan  local d’urbanisme.
En effet, aux termes de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme :

"Le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords et s'ils ne sont pas incompatibles avec une déclaration d'utilité publique. "

Par voie de conséquence, le permis de construire doit, par principe, être conformé aux prescriptions du plan local d’urbanisme. Il peut cependant, à titre de dérogation, comporter des « adaptations mineures » des règles et servitudes du plan local d’urbanisme.
Une jurisprudence très abondante offre de multiples illustrations de ce qu’est ou n’est pas une « adaptation mineure » aux règles et servitudes du plan local d’urbanisme et de ce que peut donc prévoir un permis de construire ou d’aménager.
Une réduction de 30 cm de la longueur d’une façade constitue ainsi une adaptation mineure licite (cf. CE, 18 mars 1988, Romain). De même pour la construction avec coefficient d’occupation des sols de 52.8% alors que le POS prévoit un COS de 50% (cf. CE, 30 juillet 1997, SPRI).
Jusqu’à présent, la jurisprudence administrative précisait que le bénéficiaire d’un permis de construire ne peut se prévaloir d’une adaptation mineure que si celle-ci est nécessaire et a été dûment autorisée et motivée par le maire.
La Cour administrative d'appel de Paris a ainsi jugé :

« que toutefois, en se bornant à soutenir que le terrain est irrégulier et étroit, la société requérante ne démontre pas que l'adaptation des règles d'emprise au sol des constructions ait été rendue nécessaire ; qu'en outre, le maire de la commune n'a pas été saisi d'une demande de dérogation aux règles de l'article UC 9 du règlement du POS et ne s'est donc pas prononcé sur celle-ci dans l'arrêté en litige ; que c'est par conséquent à bon droit que les premiers juges ont jugé que le permis de construire contesté avait été délivré en méconnaissance des dispositions de l'article UC 9 du règlement du POS de Fontainebleau-Avon ; » (cf. CAA Paris, 18 septembre 2014, N° 13PA00788).

Dès l’instant où il est nécessaire que le maire se soit prononcé sur la possibilité d’autoriser une adaptation mineure, il était concevable que la demande d’autorisation d’urbanisme comporte la demande d’adaptation mineure.
Toutefois, par arrêt n°350729 du 30 septembre 2013, le Conseil d’Etat a amorcé une evolutiond e cette jurisprudence en jugeant
« qu'en jugeant que la SCI Saint Joseph n'était pas recevable à soutenir directement devant le juge administratif que la surélévation projetée procédait d'une adaptation mineure prévue par l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme dès lors que le service instructeur n'avait pas été saisi d'une telle demande, la cour administrative d'appel de Marseille a commis une erreur de droit ; que, dès lors, son arrêt doit être annulé ; »
Il ne s’agissait pas d’un arrêt de principe de telle sorte que les juridictions administratives subordonnées ont pu continuer à refuser au pétitionnaire le droit de présenter, pour la première fois, sa demande d’adaptation mineure au Juge administratif
L’arrêt rendu le 11 février 2015 comporte à l’inverse un considérant de principe :

« 3. Considérant qu'il appartient à l'autorité administrative, saisie d'une demande de permis de construire, de déterminer si le projet qui lui est soumis ne méconnaît pas les dispositions du plan local d'urbanisme applicables, y compris telles qu'elles résultent le cas échéant d'adaptations mineures lorsque la nature particulière du sol, la configuration des parcelles d'assiette du projet ou le caractère des constructions avoisinantes l'exige ; que le pétitionnaire peut, à l'appui de sa contestation, devant le juge de l'excès de pouvoir, du refus opposé à sa demande se prévaloir de la conformité de son projet aux règles d'urbanisme applicables, le cas échéant assorties d'adaptations mineures dans les conditions précisées ci-dessus, alors même qu'il n'a pas fait état, dans sa demande à l'autorité administrative, de l'exigence de telles adaptations ; »

Le demandeur d’un permis de construire a certainement intérêt à demander, dans bien des cas, à bénéficier d’une adaptation mineure du PLU, dés sa demande de permis de construire ou d’aménager.
Toutefois, le Juge ne peut refuser d’étudier la possibilité d’une adaptation mineure au seul motif qu’elle n’aurait pas été demandée par le pétitionnaire dans sa demande de permis.
L’arrêt de la Cour administrative d’appel de Paris, qui statuait en sens contraire, est donc annulé. Il lui appartiendra de juger si l’adaptation mineure est justifiée. Dans l’affirmative, il lui sera possible de demander à l’administration de statuer de nouveau sur la demande, au regard de cette demande «nouvelle » d’adaptation mineure.
Arnaud Gossement
Selarl Gossement Avocats