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Après avoir reçu les 50 premiers coups de fouet devant la mosquée de Djedda le 9 janvier, Raif Badawi a été examiné par un médecin qui a assuré aux autorités carcérales que ses blessures n’avaient pas suffisamment cicatrisé et qu’il n’était pas en état de subir une nouvelle série de coups. Le vendredi suivant, tandis qu’une commission médicale avait affirmé que Raif Badawi ne devait pas recevoir de coups de fouet en raison de son hypertension, un autre médecin de la prison a estimé qu’il n’y avait aucun problème et que son châtiment pouvait être appliqué. Ensuite, pendant cinq semaines consécutives, les séances de flagellation du vendredi n’ont pas eu lieu, pour des raisons qui demeurent inconnues. On ignore si la suite de sa sentence sera appliquée vendredi 6 mars.
Raif Badawi a fait la une des médias du monde entier. Cette affaire n’est pourtant que la partie émergée de l’iceberg quant au bilan déplorable de l’Arabie saoudite en termes de droits humains. S’appuyant sur ses recherches, Amnesty International livre 10 éléments qui donnent à réfléchir.
1. Traitements cruels, inhumains et dégradants
Les tribunaux saoudiens continuent de prononcer des peines de flagellation à titre de châtiment judiciaire pour de nombreuses infractions, bien souvent à l’issue de procès iniques. Outre Raif Badawi, au cours des deux dernières années, les défenseurs des droits humains Mikhlif bin Daham al Shammari et Omar al Said ont été condamnés à 200 et 300 coups de fouet respectivement, et l’employée de maison philippine Ruth Cosrojas à 300 coups de fouet. Les amputations et les amputations croisées servent aussi de châtiment pour certains crimes.
2. Montée en flèche des exécutions
L’Arabie saoudite compte parmi les pays qui exécutent le plus grand nombre de personnes : chaque année, des dizaines de condamnés sont exécutés, la plupart étant décapités en place publique. Depuis le début de l’année 2015, 40 personnes ont été mises à mort, presque quatre fois plus que pour la même période en 2014.
3. Répression contre les militants
Outre Raif Badawi, des dizaines de militants sont toujours derrière les barreaux, simplement pour avoir exercé leurs droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion. Les autorités prennent pour cible la communauté des défenseurs des droits humains, petite mais active, et utilisent les lois antiterroristes pour réprimer leurs activités pacifiques qui visent à dénoncer et à combattre les violations des droits humains.
4. Dissidence étouffée
Tous les rassemblements publics, y compris les manifestations, demeurent interdits au titre d’un arrêté pris en 2011 par le ministère de l’Intérieur. Ceux qui bravent cette interdiction risquent d’être arrêtés, poursuivis et emprisonnés, entre autres pour avoir "incité la population à s’opposer aux autorités".
5. Discrimination systématique à l’égard des femmes
Les femmes et les filles sont toujours confrontées à la discrimination dans la loi et en pratique. Les femmes sont subordonnées aux hommes aux termes de la loi, en particulier dans les affaires liées à la famille comme le mariage, le divorce, la garde des enfants et l’héritage. Les femmes qui soutiennent la campagne pour contester l’interdiction faite aux femmes de conduire risquent d’être harcelées, intimidées, voire arrêtées par les autorités.
6. La torture, pratique courante en détention
Selon notamment d’anciens détenus et des accusés, le recours à la torture et aux autres mauvais traitements demeure courant et très répandu, et ces sévices sont infligés en toute impunité par des membres des forces de sécurité.
7. Arrestations et détentions arbitraires
Un très grand nombre de personnes sont arrêtées et placées en détention provisoire pendant plus de six mois, ce qui constitue une violation du Code de procédure pénale saoudien. Les détenus sont souvent maintenus au secret pendant les interrogatoires et privés du droit de consulter un avocat. Des défenseurs des droits humains sont détenus sans inculpation ni jugement depuis plus de deux ans.
8. Discrimination religieuse profondément enracinée
Des membres de la minorité chiite, dont la plupart vivent dans la région pétrolifère de la province de l’Est, font toujours l’objet d’une discrimination profondément enracinée qui restreint leur accès aux services gouvernementaux et à l’emploi. Des militants chiites ont été condamnés à mort ou à de lourdes peines de prison pour leur participation présumée aux manifestations de 2011 et de 2012.
9. Expulsion massive de travailleurs migrants
Selon le ministère de l’Intérieur, la répression contre les travailleurs migrants en situation irrégulière en novembre 2013 s’est traduite par l’expulsion de plus de 370.000 travailleurs; 18.000 autres étaient toujours en détention au mois de mars 2014. Plusieurs milliers de travailleurs ont été sommairement renvoyés en Somalie, au Yémen et dans d’autres pays, où ils risquent d’être victimes d’atteintes à leurs droits fondamentaux.
10. Ce qui se passe dans le royaume reste dans le royaume
Les autorités refusent d’autoriser les organisations indépendantes de défense des droits humains, comme Amnesty International, à entrer dans le pays et prennent des mesures répressives, notamment par l’intermédiaire des tribunaux, contre les militants et les proches de victimes qui prennent contact avec Amnesty.