Y’a des meufs qui se font tatouer sur le cœur le prénom de mauvais garçons, d’autres qui chialent en écoutant en boucle un album de Reggiani. Y’a des meufs qui enfilent leurs bas sans jamais les filer, enveloppent leur peau douce d’une robe en satin, accordent les couleurs sans l’aide d’un diapason, et d’autres qui se prennent pour de mauvais garçons.
La beauté est une garce quand elle se met à péter plus haut que son cul. Quand face au miroir qui lui dit qu’elle est la plus belle, mais dans lequel elle ne se reconnaît plus, elle me dit de prendre soin de moi dans une langue que je ne comprends pas. Je suis une faute de goût dans un monde où Photoshop est roi. Y’a des meufs qui savent si bien maquiller leurs yeux qu’on dirait que le monde y naît pour la première fois, quand d’autres laissent tomber leurs paupières sans prendre la peine de les retenir. Y’a des meufs qui marchent avec des talons plus hauts que leurs rêves sans jamais avoir l’air ridicules, et d’autres qui agitent leurs orteils dans des baskets sans jamais s’y sentir bien. Y’a tant de meufs que j’ai haïes d’être plus belles plus à l’aise que moi. Le long des tapis rouges ou des couloirs de course. Sur les pistes de danse ou les quais déserts à attendre le dernier métro. Y’a tant de meufs que j’ai haïes d’être là avant moi avec leur casque d’or, leurs yeux bleus et leurs doigts de fée sous ces draps que je n’ai jamais été la première à défaire. La fille parfaite est une connasse, et je ne suis pas la dernière.
J’ai arpenté les terrasses pour faire payer à ceux qui faisaient la manche le prix fort de cet amour que tu ne méritais pas. J’ai brisé le cœur des bons enfants pour tous ces petits jours où les mauvais garçons s’étaient tirés avant l’heure. Y’a tant de meufs que j’ai haïes de ne pouvoir être un mauvais garçon et leur faire mal comme elles sont belles. Y’a tant de mauvais garçons dont je me suis fait tatouer le prénom sur le cœur avant de chialer en écoutant en boucle les mots d’un Reggiani, d’un Brel ou d’un mec sur le trottoir dont j’ai oublié le nom et qui n’a jamais fait d’album. Y’a tant de mauvaises filles, qui montrent leur doigt, leur cul ou leur candeur, que j’ai trouvées vulgaires avant d’apprendre à les aimer. Comme elles m’ont appris à aimer la féminité — même si c’est tout un art, que l’art est un pays étranger et que j’ai peur en avion.
Y’a des meufs dont les mains me font oublier une heure ma colère, les mauvais garçons et le pot de Nutella qui n’est jamais assez bien caché. Quand elles sortent du four des goûters qui sentent la pomme, les accords de guitare et la lumière d’automne, quand elles traduisent avec leurs yeux et leurs éclats de voix mon dedans mieux que mes mots ne le feront jamais. Y’a des soirs où je me demande si je ne vais pas virer ma cuti, sortir de ce placard où je ne suis jamais entrée. Le temps d’aimer bien ces meufs que j’ai toujours haïes aussi fort que je chante faux. La beauté est une sirène quand elle oublie le mascara sur le lavabo et donne un second souffle à la mythologie. Qu’elle laisse Sisyphe se révolter et Prométhée picoler sur le canapé du salon. Y’a des meufs qui sentent si bon la farine de châtaigne et la purée d’amande qu’elles n’éprouvent pas le besoin de répandre ce patchouli qui empeste tous les ascenseurs du monde. Surtout celui qui mène à ton appartement. Y’a tant de meufs qui me prennent pour un mauvais garçon, qu’elles essuient leur pudeur et leur vanille sur ton paillasson. Pour que tes draps défaits ne sentent jamais rien d’autre que ta sueur et tes chansons.