Je suis une incorrigible flipette. Dès qu’une porte claque, je file me planquer dans un coin en reversant tout sur mon passage et en poussant des cris d’orfraie. Et si je n’ai pas de chance et que je me sens particulièrement vulnérable, il arrive même que je perde le contrôle du père de tous les sphincters… Bref, rien ne me destinait à ce que je prenne un pied d’enfer sur Alien : Isolation, un survival horrifique dans l’univers du célèbre défonceur de cages thoraciques. Et pourtant.
Peurs primaires
À la base du projet, on trouve l’amour immodéré des développeurs de The Creative Assembly (surtout connus pour leur série de jeux de stratégie) pour le premier film de la saga Alien. On ne parle donc pas du “Aliens” de James Cameron et de son sympathique stand de tir pour Marines, mais bien du “Huitième passager” de 1979, réalisé par un certain Ridley Scott. L’intention de The Creative Assembly, c’était donc de renouer avec l’atmosphère claustrophobique du premier film et de confronter le joueur à un ennemi implacable et déterminé qu’il est tout simplement impossible de vaincre. Dans Isolation, vous avez le rôle d’une proie, condamnée à rester planquer sous un bureau pendant des plombes, à deux pas d’un cadavre éventré, l’oreille emplie des grincements d’une station spatiale, l’oeil rivé sur un détecteur de mouvements dont les bips sonores peuvent aussi bien attirer ce que justement, vous cherchez à éviter par dessus tout. Alien : Isolation, c’est redevenir un gosse qui a peur du noir, peur du monstre qui rôde dans l’obscurité…
Il passe par les conduits d’aération !
Et ce que j’ai adoré, ce qui a fait que j’ai insisté malgré mon envie de me chier dessus, c’est le soin maladif avec lequel The Creative Assembly s’est évertué à reproduire l’univers du film de Ridley Scott, cette SF aujourd’hui un peu datée, avec les néons qui claquent et grésillent sur votre passage dans un couloir, ses ordinateurs lourdauds en forme de minitel, ses loupiotes omniprésentes et mystérieuses, sa bande-son extraordinaire, son parti pris. Et surtout, surtout son alien qui ne vous lâche pas d’une semelle et qui malgré d’inévitables errements et d’occasionnelles bévues, incarne bel et bien la mort qui marche, le traqueur infatigable, le monstre tout droit surgi de l’enfance. J’ai adoré voir cet être virtuel devenir fou de rage face à mon lance-flammes, s’immobiliser quelques secondes pour tromper mon détecteur de mouvements, renifler le placard dans lequel je m’étais réfugié… Si j’ai tant aimé Isolation, c’est qu’il constitue un cri d’amour au cinéma, à la SF et qu’il n’oublie pourtant pas d’être un jeu vidéo. Au contraire.
J’ai xénomorphlé
Alors évidemment, tout n’est pas rose au royaume du sang acide. Au-delà de son extraordinaire réalisation, le jeu tourne hélas rapidement en rond, peine à se renouveler, si bien que peu à peu, la peur se dilue et la traque devient routine. Il y a bien quelques moments de flippe, mais au final, après une dizaine d’heures de jeu (j’en ai mis trente pour boucler l’aventure en difficile), l’alien cesse de surprendre. On se prend alors à tester la bestiole, à parier sur ses réactions, et si on est souvent déçu, on se tape également de purs moments de folie, des courses improbables et grisantes et des morts atroces. Tenez, le seul moment où j’ai vraiment pu renouer avec l’extase moite de mes premières heures de jeu, c’est au travers d’un contenu téléchargeable au sein duquel il s’agit d’évoluer à l’aveugle dans des conduits d’aération, en se fiant uniquement aux indications radios d’un autre personnage. “À droite, tourne à droite ! Mon dieu, il est tout près de toi ! OH MON DIEU !”. Félicité et culotte mouillée. Aussi, malgré une perte d’intensité, je puis dire sans rougir que j’ai adoré Isolation. Parce qu’il est différent, parce qu’il ose, parce qu’il traite avec respect, intelligence et maladresse sa source d’inspiration. Et pour toutes ces raisons, je tire mon chapeau à The Creative Assembly.
Oups, t’es mort.