C’est la première fois qu’un musée met à nu le rituel de la propreté. Réunissant des oeuvres d’artistes majeurs du XVe siècle à nos jours, Marmottan-Monet présente jusqu’au 5 juillet la première exposition jamais dédiée à la toilette : un acte devenu aussi essentiel que banal. Alors que les femmes d’aujourd’hui ne ressentent plus aucune gêne à dévoiler leurs produits de beauté, il n’en était rien aux origines du rite hygiénique. D’abord inexistante, puis sèche, sociale ou même publique, la conquête du «propre» a franchi bien des étapes avant de se réfugier dans l’intimité d’une salle de bain moderne, isolée du reste du monde et des regards indiscrets. Pour devenir cet instant d’abandon où le temps n’existe plus.
François Boucher – La jupe relevée« Il est de la propreté de se nettoyer tous les matins le visage avec un linge blanc, pour le décrasser il est moins bien de se laver avec de l’eau, car cela rend le visage susceptible de froid en hiver et de hâle en été. » Jean-Baptiste de La Salle.
À travers les oeuvres de Pierre Bonnard, Edouard Manet, Eugène Lomont ou Edgar Degas, le musée Marmottan-Monet invite à une immersion passionnante et suggestive du fond des bidets jusqu’aux jupons des dames. Non sans humour, comme en témoigne une série plutôt osée signée François Boucher, où L’Oeil indiscret ou La femme qui pisse dévoile une bourgeoise cul nu, en train de se faire renifler le derrière par un chien. C’est du propre ! Si le corps féminin demeure le sujet central de l’exposition, Marmottan n’aurait pu conclure son propos sans un clin d’oeil au narcissisme de notre époque, via les oeuvres contemporaines d’Erwin Blumenfeld notamment. Seul regret : cette ouverture – quelque peu « torchée » – fait plutôt l’effet d’une douche froide que d’un clap de fin maîtrisé, ternissant la portée des autres oeuvres exposées. L’événement vaut néanmoins largement le détour, pensez simplement à bien choisir vos horaires pour éviter les bains de foule.