Si les années qui succéderont seront décevantes, 1980 reste une grande année musicale. Pour moi, une des meilleures. Il suffit de compter les chefs d'oeuvre sortis cette année-là pour s'apercevoir qu'on vit en regard actuellement une période de vaches maigres. Voilà que je fais mon vieux con. Mais franchement, parmi cette liste, combien de disques qui auront marqué leur époque voire l'histoire du rock ? Le meilleur disque des Talking Heads, des Cure, un des deux meilleurs de Joy Division - oui, je sais, c'est pas dur, mais quand même -, le dernier grand disque de Bowie, et puis des trucs venus de nulle part et d'une inventivité folle comme le premier Feelies ou le seul Young Marble Giants.
10- Magazine - The correct use of soap
L'ami blogueur Benjamin Fogel, tenancier de l'excellent webzine Playlist Society s'est lancé définitivement dans l'écriture et pour premier livre, a choisi comme sujet, Howard Devoto. Bien lui en a pris, le personnage est l'un des plus passionnants de l'histoire du rock. Il a claqué la porte du punk au moment même où celui-ci prenait son envol pour former Magazine et inventer une autre new wave, supérieure. Devoto avait une longueur d'avance sur tout le monde. Malheureusement, après ce magnifique disque, il s'est fait trop discret.
9- The Jam - Sound Affects
Période faste pour la formation de Paul Weller. "Sound Affects" est le disque le plus pop de leur fabuleuse trilogie, qui compte aussi "All Mod Cons" et "Setting Sons". The Jam perd en puissance ce qu'il gagne en efficacité mélodique. C'est tout un pan de la pop anglaise des années 80 qui viendra s'abreuver mine de rien à cette source-là.
8- The Specials - More Specials
Comment un premier essai mondialement connu et reconnu a-t-il pu phagocyter autant la carrière d'un groupe ? Le deuxième album des Specials ne démérite pourtant pas, au contraire. Je le trouve même plus réussi, plus compact. C'est dans ce "More Specials" plus que dans aucun autre disque que Damon Albarn a puisé l'essentiel de sa carrière. De la pop avec un grand P qui ne s'interdit aucune influence. Et qui ne s'interdit surtout pas la joie de vivre. "Enjoy Yourself" : le message est clair.
7- Young Marble Giants - Colossal Youth
Les inventeurs d'un son qui aura fait de nombreux petits, jusqu'en France. Pas de "Fossette" sans ce disque-là. Pas de "Pop Satori" non plus. Ces anglais avaient trouvé une esthétique minimaliste mais avec des basses omniprésentes. Ils ne parviendront pas à donner de suite à ce disque séminal, préférant rester le groupe d'un seul coup. Mais quel coup !
6- David Bowie - Scary Monsters
Le chant du cygne de Bowie ? Je ne suis pas loin de le penser. Car, après ce magnifique disque hors du temps et des modes, sorte de passe-plat entre le rock new-yorkais des années 70 et la new-wave naissante, le Thin White Duke sombrera au beau milieu des années 80 dans un rock FM sans saveur. Bien sûr, il est revenu au milieu des années 90 à un niveau plus digne de son rang mais ce n'était plus pareil...
5- The Sound - Jeopardy
Je viens d'en parler mais j'en rajoute une couche car ce disque est une bombe, presque aussi essentielle que les deux Joy Division. Un son plus sec et rêche qui, bizarrement, a très bien vieilli contrairement à bon nombre de musiques de ces années-là. C'est d'ailleurs une constante de ce classement.
4- The Cure - Seventeen Seconds
Les Cure se débarrassent de leurs semblants d'oripeaux punk pour bifurquer rapidement vers un new-wave sombre et minimaliste. Cette mélancolie n'est pas encore démonstrative comme elle le deviendra plus tard. "Seventeen Seconds" garde le charme des disques modestes et sincères, de ceux qu'on ne lâche pas.
3- Joy Division - Closer
"Closer" est un miracle fait disque. Comment un album autant de fois copié a-t-il pu conserver toute son originalité ? La faute sans doute à la production martiale de Martin Hannett. Le son de ce disque reste inégalé et inégalable. On est encore et toujours subjugué par tant de noirceur et de raideur rentrées.
2- The Feelies - Crazy Rhythms
Les Feelies ont inventé le rock épileptique avec ce premier album au titre idoine. Rarement on a entendu de tels rythmes sortir d'une guitare. Le chant est d'ailleurs ici juste un faire-valoir. Il ne se fait entendre qu'avec parcimonie. La guitare est vainqueur par KO. Groggy par tant de génies précoces, les Feelies sont devenus un de mes groupes chéris et j'attends toujours qu'ils daignent traverser l'Atlantique venir jouer par chez nous.
1- Talking Heads - Remain In Light
David Byrne et Brian Eno sont alors au sommet de leur collaboration. Ils inventent une sorte de funk blanc indépassable et indépassé. Jamais ou presque un disque n'aura parlé aussi bien à la tête qu'aux jambes. Dancing heads plutôt, donc.