d'après UN DRAME VRAI de Maupassant
Dans une propriété de famille
Vivait une jeune fille
Courtisée par deux frères.
Elle préféra l’ainé, Albert.
Le cadet, Jean, sylviculteur,
Devint aussitôt sombre et rêveur.
Un soir d’orage,
Huit jours avant son mariage,
Alors qu’il rentrait chez lui,
Albert fut abattu d’un coup de fusil.
Le criminel n’a pas été retrouvé.
Le seul indice qui aurait pu faciliter
Le travail des enquêteurs
Était un bout de papier à moitié brûlé,
(Sans doute la bourre du fusil
Utilisée par le tueur.)
Sur lequel on devinait
Quelques mots d’un chant ou d’une poésie
Mais on ne put retrouver
Le livre dont cette page avait été arraché.
Or, vingt ans après, Andréa
La fille de Jean (le frère cadet),
Épousait le fils du magistrat
Qui avait instruit le dossier
De l’assassinat d’Albert.
À la noce, les deux pères,
Voisins de table, dinaient,
Buvaient, plaisantaient
Et chantèrent
En duo, au dessert
Puis Jean, le père de la mariée
Fredonna un vieux couplet.
Le magistrat lui demanda :
-« D’où vient cette chanson-là ?
Je crois me rappeler
Certaines paroles que j’ai lues
Lors d’un ancien procès.
Ha ! Je perds la mémoire de plus en plus. »
Cependant avec l’obsession de retrouver
Ce qui lui échappait, le magistrat chantonnait
Le refrain que son ami avait fredonné
Mais il ne retrouvait pas d’où il provenait.
Le mois suivant,
Le magistrat, invité chez Jean,
Feuilletait machinalement un ouvrage
Posé sur la table du salon.
Par hasard, il tomba sur une page
Partiellement déchirée.
Le texte correspondait
Aux premiers vers
De la chanson
Qui figurait sur le déchet de papier,
La bourre du fusil de l’assassin d’Albert !
C’est alors que dans le cœur de Jean,
Se produisit un drame terrifiant :
Sa fille Andréa
Avait épousé le fils du magistrat
Qui le soupçonnait. Si celui-ci arrivait à prouver
Que, lui, Jean était coupable, on apprendrait
Du même coup qu’il avait tué
Son frère Albert pour lui voler sa fiancée !