Le ciné-débat consacré à l'évasion fiscale, que j'ai animé à Sarreguemines jeudi 5 mars, fut un grand succès. C'est pourquoi, je remets le couvert avec un ciné-débat sur le même thème à Freyming-Merlebach, le lundi 16 mars à 20h, et à Sarrebourg, le mardi 31 mars à 20h.
Mais aujourd'hui, il m'a semblé utile de revenir sur le dernier numéro de l'émission Cash investigation, dont le titre était "quand les actionnaires s'en prennent à vos emplois".
Elise Lucet et son équipe ont cherché à comprendre pourquoi des entreprises qui licencient massivement, continuent à verser des dividendes élevés voire même à les augmenter. Le cas du laboratoire pharmaceutique Sanofi était de ce point de vue symptomatique.
Rappelons tout d'abord que les entreprises du CAC 40 ont versé, en 2014, 56 milliards d'euros en dividendes et rachats d'actions, c'est-à-dire un niveau très proche de celui avant la crise de 2007 :
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Or, si les dividendes constituent une contrepartie normale et légale au risque pris par les actionnaires, ils ne doivent pas devenir l'alpha et l'oméga de toute politique de gestion de l'entreprise, sous peine de pénaliser l'investissement de long terme et donc la croissance de l'entreprise. Ces dernières années, c'est même la pérennité de l'entreprise qui a dans certains cas - hélas de plus en plus nombreux ! - été menacée...
De même, les politiques de rachats d'actions sont le symbole même d'un capitalisme à bout de souffle mais plein de cash. Cela revient en effet à dire que l'entreprise rend des fonds aux actionnaires, laissant ainsi entendre qu'elle ne sait pas quoi faire de productif avec ces liquidités ! C'est ce qu'ont fait à grande échelle L'Oréal, Sanofi ou LVMH.
Et pendant ce temps les plans de licenciements, savamment rebaptisés plans de départs volontaires (sic), se multiplient dans ces grandes sociétés au nom de la recherche de gains d'efficacité. Le plus souvent, ce sont surtout les gains des grands fonds d'investissement que l'entreprise cherche à augmenter, de peur que ceux-ci ne revendent leurs titres ce qui ferait chuter lourdement la valeur de l'action en Bourse et ferait de la société une cible facile pour un rachat (OPA).
On constate donc que le vrai problème, que le gouvernement ne semble pas avoir compris (est-ce seulement possible après avoir fait l'ENA ?), n'est pas tant celui de la finance que de la financiarisation à outrance de l'économie ! La libre circulation des capitaux et le pouvoir que les gouvernements ont volontairement donné aux investisseurs financiers, ont conduit à la situation que nous vivons.
Répétons-le, cette situation est ubuesque parce qu'elle autorise les entreprises à se détruire de l'intérieur en se vidant de sa main-d'oeuvre productive ! Dès lors, on ne peut qu'être effaré d'entendre le ministre de l'économie, Emmanuel Macron, expliquer à Elise Lucet que l'État n'a pas à se mêler de la politique financière et salariale des entreprises.
Pire, Pierre Gattaz, interrogé dans l'émission en marge d'un colloque, témoigne de son incompréhension profonde des réalités économiques et ne se fait pas faute d'utiliser des formules choc qui laissent croire que des mensonges économiques répétés à tire-larigot obtiennent le statut de vérités établies.
C'est du reste tout l'objet de mon dernier livre, dans lequel j'ai consacré un chapitre notamment aux idées reçues suivantes : la finance est désormais régulée, les cotisations sociales pèsent sur les profits des entreprises, il ne faut pas augmenter le SMIC, etc. Bref, autant de mensonges et contrevérités en économie que je dénonce, car c'est le seul moyen pour que les citoyens puissent enfin construire un système économique au service de l'humain et pas l'inverse !