La luxation est une perte de contact totale entre les surfaces articulaires, aiguë ou permanente. La répétition d’épisodes de luxation partielle ou complète correspond à l’instabilité. Plusieurs types d’instabilité ont été décrits. Nous intéresserons aux deux types d’instabilité les plus fréquemment rencontrées, antérieure et postérieure.
Dans le cadre des luxations récidivante de l’épaule, les techniques chirurgicales différent selon qu’il s’agit d’une instabilité antérieure ou postérieure. En cas de luxation antérieure, deux grands types de techniques chirurgicales doivent être distingués : la chirurgie à ciel ouvert et la chirurgie arthroscopique.
La chirurgie à ciel ouvert se décline en deux concepts : la réparation et le renforcement des lésions ligamentaires ou l’apposition d’une butée associée à une composante musculaire dynamique recentrant la tête humérale.
La réparation capsuloligamentaire (intervention de Bankart) consiste en une réinsertion transosseuse sur le bord antérieur de la glène du décollement capsulopériosté antéro-inférieur. La réalisation de plicatures capsulaires (capsular shift) a été décrite par plusieurs auteurs selon les variétés lésionnelles observées, mais ces techniques de rétention capsulaires sont de plus en plus supplantées par la chirurgie arthroscopique.
La butée osseuse préglénoïdienne (intervention de Latarjet) comporte une longue histoire dans sa genèse et ses modifications et ne cesse d’évoluer puisque sa mise en place commence à se réaliser sous contrôle arthroscopique dans certains centres. Son principe n’a pas changé (Fig. 1).
Intervention de Latarjet : a : schémas de la butée coracoïdienne avec effet hamac du coracobrachial ; b : vue peropératoire d’une butée fixée par deux vis.
Elle consiste en la mise en place d’une butée osseuse, par ostéotomie de la partie verticale de la coracoïde, sur la partie antéro-inférieure de la glène sans déborder sur la surface articulaire. Le transfert de la coracoïde à travers le sous-scapulaire s’accompagne du transfert du tendon coracobrachial qui est laissé inséré sur le processus coracoïde.
Butée antérieure coracoïdienne avec deux vis bicorticales.
Ce tendon conjoint vient cravater la partie inférieure du tendon du sous-scapulaire réalisant un effet hamac. La butée osseuse est ainsi positionnée au niveau de la zone de décollement capsulopériosté et peut même combler un éventuel défect osseux glénoïdien. La fixation s’effectue le plus souvent avec deux vis (Fig. 2), une suture capsulaire avec le moignon du ligament coraco-acromial sur le bord latéral de la butée complète alors un triple verrouillage osseux, musculaire et capsulaire.
La chirurgie arthroscopique consiste en une rétention capsulaire et une intervention de Bankart réalisée par vidéochirurgie, permettant dans le même temps opératoire une exploration complète de l’articulation glénohumérale. Le geste chirurgical correspond à une libération du ligament glénohuméral inférieur, un avivement du bord antéro-inférieur de la glène et la réinsertion du complexe ligamentaire avec le plus souvent des ancres résorbables. Dans le même temps, des lésions de type SLAP ou de l’intervalle des rotateurs peuvent être dépistées et traitées.
Quel choix, quelles indications ?
En cas de luxation antérieure, la butée osseuse de Latarjet reste encore aujourd’hui le gold standard dans la stabilisation chirurgicale antérieure. Le taux de récidives reste en effet en deçà des 5 % dans l’ensemble des séries. Son caractère arthrogène lui a souvent été reproché, mais il semble que ce soit davantage l’existence de nombreux épisodes de luxation, d’une arthrose préexistante et de volumineuses lésions osseuses (encoche postérieure) qui prédisposent au développement d’une arthrose glénohumérale.
Par ailleurs, la chirurgie arthroscopique n’élimine pas formellement ce risque arthrogène. Enfin, la majorité des auteurs préfèrent la butée glénoïdienne dès lors qu’il existe une notion de sport de contact.
La stabilisation arthroscopique a bénéficié de l’engouement de nombreux chirurgiens du fait de son caractère moins invasif et plus précis sur les lésions ligamentaires. Cependant, le taux de récidive reste plus élevé qu’avec la butée coracoïdienne et trouve ses limites dans le choix de la population opérée.
En effet, il faut lui opposer une durée d’immobilisation plus longue de trois à six semaines, nécessaire à la cicatrisation des tissus ligamentaires et une reprise plus tardive des sports à risques. Il est impératif d’avoir une observance rigoureuse de ces recommandations, ce qui n’est pas facile, notamment chez un jeune patient souvent pressé de reprendre ses activités sportives. Par ailleurs, les lésions osseuses notamment glénoïdiennes représentent une véritable difficulté à une réinsertion efficace et expose à un risque plus ou moins élevé de récidive en fonction de l’existence de fractures ou de simples éculements de la glène. En réponse à ce dilemme, souvent affaire d’écoles et d’expérience du chirurgien, la combinaison butée et arthroscopie est actuellement une voie prometteuse même si elle ne démontre pas encore de réels bénéfices par rapport à l’une ou l’autre technique.
En cas de luxation postérieure, on pourra proposer par analogie avec le traitement des instabilités antérieures la mise en place d’une butée postérieure. Le principe chirurgical consiste en la mise place d’un greffon osseux à la face postérieure de la glène et diffère de la butée antérieure, dans le fait que cette butée postérieure doit augmenter la surface postérieure de la glène.
L’intervention suppose deux sites opératoires : un site sur la crête iliaque homolatérale où un greffon hémicortical de 2–3 cm sera prélevé, un site à la face postérieure de l’épaule où l’on abordera la glène postérieure après désinsertion partielle du deltoïde postérieur. Il faut noter l’exposition risquée du nerf axillaire et du nerf suprascapulaire pendant ce temps opératoire. La butée, fixée par deux vis, doit être à la fois débordante et extra-articulaire.
Une retension capsulaire sous arthroscopie (« Bankart postérieur ») peut également être réalisée et tend à se développer pour le traitement de ces instabilités postérieures. Le traitement arthroscopique combine retension capsulaire et réinsertion des lésions labrales. Peu de résultats de cette technique sont encore publiés et il convient d’être prudent mais si leur caractères positifs suggèrent qu’il s’agit d’une alternative chirurgicale intéressante moins invasive que la butée osseuse postérieure.
Enfin, si le gold standard de la chirurgie stabilisatrice reste la butée, la chirurgie arthroscopique par ses possibilités diagnostiques, thérapeutiques et son caractère moins invasif, prend de plus en plus de place dans le traitement de l’instabilité antérieure et postérieure.