En consultant régulièrement la page des gagnants dédiée au bingo, j’ai récolté, depuis le 12 juin 2014, une liste de gagnants au bingo (N = 1263) ainsi qu’une autre liste aux jeux minis (N = 733). Pour ces listes, il importe peu que la personne ait gagné une ou plusieurs fois. L’appartenance à une liste ne témoigne que de l’intérêt de cette personne pour ce jeu. Ces listes capturent sans doute la plupart des joueurs réguliers puisqu’il suffit d’un gain de 5 dollars pour y figurer … ce qui est un événement probable pour quiconque y dépasse la curiosité passagère.
La cueillette des données (12 juin 2014 au 7 mars 2015) a surtout été faite en soirée, moins souvent en après-midi ou le matin. En ce sens, ces listes ne répertorient pas tous les gagnants car les petits gagnants disparaissent vite de la page des gagnants. Mais, dans la mesure où les joueurs maintiennent une régularité dans leurs heures de jeu, le biais de sélection est le même pour le bingo et les jeux de ligne. Et, dans la mesure où les joueurs dépensent surtout en soirée, le segment examiné est le plus important du marché.
Dans l’ensemble, 20,3% des gagnants au bingo ont aussi gagné au moins une fois à un jeu de ligne peu importe lequel. Ce bas pourcentage est étonnant compte tenu du grand attrait habituel des jeux de ligne et de l’abondance des temps morts au bingo.
Il est aussi notable que 65,1% des gagnants aux jeux de ligne n’ont jamais gagné au bingo, plausiblement parce qu’ils n’y jouent pas … à moins qu’ils aient toujours joué aux jeux de ligne peu avant la cueillette des données et qu’ils aient toujours joué au bingo en dehors des heures de portée de la cueillette des données.
Le tableau qui suit présente les statistiques par jeu de ligne. Ainsi, EspaceJeux a publié 234 gagnants pour le jeu Super 7. Seulement 7,9% des gagnants au bingo ont aussi gagné au jeu Super 7. Évidemment, plus le nombre de gagnants est faible, moins les pourcentages sont précis. Ce classement procure néanmoins une première idée de l’attrait relatif que ces jeux exercent sur la clientèle. La statistique Mixité bingo témoigne de la pénétration des jeux parmi la clientèle du bingo. Le nombre de gagnants témoigne de la participation générale peu importe d’où proviennent les joueurs. Évidemment, on présume ici que Loto-Québec ne privilégie pas la publication des gagnants à un jeu de ligne plutôt qu’à un autre.
En bref, la mixité des jeux minis et du bingo, dans une interface axée sur le bingo, ne semble pas avoir jusqu’ici favorisé une importante migration du bingo vers les jeux de ligne. Mais, ces données ne signifient surtout pas que la mixité des types de jeu est bénigne.
Comme pour d’autres projets récents gaffés par Loto-Québec ( (1) les Ludoplex, (2) le déménagement du casino de Montréal, (3) le poker en ligne, (4) l’alcool dans les aires de jeu, (5) le rapatriement d’un marché illégal prétendu milliardaire), la performance décevante de Loto-Québec en matière de bingo en ligne ne doit pas être unilatéralement interprétée dans la perspective des jérémiades habituelles des présidents de Loto-Québec pour qui les gens en santé publique prédiraient toujours une catastrophe sociosanitaire qui ne survient jamais. C’est certain que si les joueurs jouent peu, tant en fréquence qu’en dépense ou en mixité, il ne peut pas y avoir de problème sociosanitaire. L’anticipation des problèmes sociosanitaires découlant du jeu en ligne présumait que Loto-Québec allait réussir son projet. Cela n’a pas été le cas. À cet égard, les échecs de Loto-Québec ne sont surtout pas une preuve de la bénignité des caractéristiques de l’offre de jeu.
P.S.: EspaceJeux n'étant pas clair à cet égard, il est vraisemblable que les listes de gagnants incluent aussi les joueurs de PlayNow.
Image : U.S. Machineries LC