Brèves de comptoir : la fausse bonne idée de l'adaptation du recueil de Gourio

Par Filou49 @blog_bazart
08 mars 2015

Genre littéraire qui s'ignore, la brève de comptoir tient à la fois de l'acte manqué, de l'aphorisme à usage unique et de la fusée baudelairienne ; il fallait un poète à l'oreille bien tendue pour en saisir toutes les nuances et ce fut Jean-Marie Gourio qui s'y colla pour devenir le vrai spécialiste de la Brève de Comptoir. 

Déconcertantes, drôles, poétiques, désarmantes, subtiles, facétieuses, les Brèves saisies au vol au cours de ces dernières années que l'on croit condamnés mais qui résistent aux assauts des modes..

 Après avoir été un grand succès de librairie, une pièce de théâtre que j'avais beaucoup aimé lorsque j'étais sur Paris, au milieu des années 90 lorsque j'ai vu se jouer près de chez moi une de ces adaptations par Gourio lui meme avec une troupe de comédiens (dont Laurent Gamelon ou Chantal Neuwirth, des acteurs particulièrement aux petits oignons, présents aussi dans le film)

 Après la pièce, ces "Brèves de Comptoir" recueillies par Jean-Marie Gourio est devenu un film dont le DVD vient de sortir le 4  mars dernier, ce qui m'a permis de le rattraper après l'avoir raté en salles en septembre dernier.  Le metteur en scène reste le même que sur la scène, c'est Jean-Michel Ribes, mais malheureusement avec moins de bonheur que sur les planches..

 

Comme l’explique Jean-Michel Ribes, le théâtre et le cinéma sont deux scènes foncièrement différentes. Au théâtre, c’est le jeu des acteurs qui importe le plus, d’autant que chaque acteur doit jouer différents rôles. Au cinéma, en revanche, la mise en scène prend une toute autre dimension, avec les mouvements de caméra : « c’est d’abord une écriture visuelle , et malheureusement on s'aperçoit vite que les brèves de comptoir passent mal le cap de cette écriture visuelle. Les scènes ne s'enchainent pas toujours avec fluidité, et Brèves de comptoir semble avoir  plus sa place au théâtre que sur grand écran où on s'ennuie irrémédiablement.

Il y a certes un bon casting, quelques acteurs qu'on est content de revoir au cinéma, mais les aphorismes filent tellement vite qu'on n'arrive jamais vraiment à les retenir et que la plupart des  acteurs ( Dussolier, Laspallès, Laurent Stocker notamment) semblent parfois mal à l'aise avec le peu qu'ils ont à jouer .

Jean-Michel Ribes et Jean-Marie Gourio nous  laissent un peu KO, en nous assènant plusieurs répliques à la minute,  à une telle fréquence qu’on ne parvient souvent qu’à en saisir une sur trois. Problème de rythme, cette succession d'aphorismes assenées sans transition laisse hélas assez dubitatif, et a tout de la fausse bonne idée.

 BREVES DE COMPTOIR Bande Annonce (2014)

On préferera à la version filmée les versions écrites, avec notamment   Haïkus de mes comptoirs,  1000e titre publié aux éditions Le Castor Astral et il va vous porter chance  qui rassemble les brèves de comptoir, version poésie japonaise  

Drôle, tendre, audacieux, ces Haikus du Comptoir sont un régal de lecture dont je vous laisse une ou deux petites fournées :

Baudelaire achète du pain
Paie en poème
Manque un vers

Tuer la connerie dans l’oeuf
que faire après
des coquilles ?