Jeudi 5 mars, après la projection de « The Voices », nous avons eu l’occasion de rencontrer Marjane Satrapi, réalisatrice du long-métrage, et Stéphane Roche, monteur du long-métrage. D’ailleurs, nous les avons accueilli de manière peu orthodoxe, avec l’aide de masques à l’effigie de Mr. Moustache et Bosco, les animaux présents dans « The Voices ».
Marjane Satrapi commence la rencontre en nous racontant l’arrivée du projet entre ses mains. Après avoir été aux Oscars avec « Persepolis », elle engagea un agent américain, qui lui proposa plusieurs scénarios. Elle nous raconte qu’elle fût vite énervée par le fait d’être catégorisée. Tout d’abord comme spécialiste pour enfants car « Persepolis » était un long-métrage d’animation, puis spécialiste de l’islam, puis des femmes, … Elle nous confie également qu’elle s’est fait approchée pour réaliser « Maléfique » des studios Disney, mais que cela « n’était pas son truc ». Au final, lorsque le scénario de « The Voices » arrive dans ses mains, sa première réaction fût : « C’est quoi ce truc ? ». Elle eût très vite une sympathie pour le personnage principal, Jerry, et pour le chat, Mr. Moustache et elle aimait énormément l’originalité qui se dégageait de ce projet.
Marjane Satrapi continue sur les prémisses du projet et nous narre les différentes arrivées des acteurs sur « The Voices ». On apprit que c’est Ryan Reynolds qui est venu à eux. La réalisatrice, quant à elle, n’avait pas réellement d’acteur en tête et accepta de le rencontrer. Elle avoue ne pas aimer « Green Lantern », long-métrage super-héroïque reconnu par la majorité de la population terrestre comme une affreuse production où Ryan Reynolds y tient le rôle principal. Elle nous confie cependant qu’elle trouve admirable la façon dont l’acteur se débrouille à l’écran, afin de livrer une performance tout de même intéressante, malgré le néant qui l’entoure. Lorsqu’elle le rencontre, elle découvre qu’ils sont tous les deux sur la même longueur d’ondes par rapport au long-métrage et à leurs visions de la chose. Pour elle, si cet accord commun sur les grandes lignes directrices du projet avec un acteur n’est pas présent, cela ne fonctionnera pas. Or, Ryan Reynolds était en concordance avec les idées et axes de la réalisatrice. Dans ces conditions, elle pense qu’il y a la possibilité de faire quelque chose de très bien. De plus, elle trouve qu’il possède complètement le physique de l’emploi ! En ce qui concerne les femmes de « The Voices », ce qui plaît à Marjane Satrapi c’est d’avoir d’un côté Gemma Arterton, femme sensuelle au possible, presque dans l’excès et d’un autre côté Anna Kendrick, très belle également, mais plus dans la discrétion et l’aspect fragile. Elle conclut en nous disant être heureuse du casting car elle a pu engager les acteurs et actrices qu’elle souhaitait.
Ensuite, la réalisatrice aborde avec nous sa réalisation et qu’elle n’aime pas qu’on puisse catégoriser sa réalisation de telle ou telle manière. Au contraire, elle aime à croire que chaque long-métrage doit être particulier dans son approche et son esthétique. Elle nous confie également être très perfectionniste dans la manière de créer ses cadres. Tout doit y être parfait et symétrique. L’aide des différentes personnes sur le plateau de tournage se révèle cruciale dans ces moments et elle doit pouvoir compter à cent pour cent sur eux. De même, elle nous raconte qu’elle n’aime pas l’idée de toute-puissance d’un réalisateur. Elle nous raconte qu’au contraire si elle s’entoure de tant de personnes sur le plateau de tournage, c’est pour solliciter leurs techniques et leurs créativités. « Pourquoi travailler avec les autres si je peux tout faire moi-même ? » nous demande-t-elle.
L’échange arrive à la notion de gore dans le long-métrage. Marjane Satrapi nous raconte qu’elle ne filmera jamais ce qu’elle ne peut pas supporter, elle-même, en tant que spectatrice. Ainsi, le gore de « The Voices » devient très vite « pudique », comme le décrit la réalisatrice. De plus, le scénario original possédait de longues lignes de descriptions des différents meurtres de Jerry, et de la manière dont il découpait celui de sa première victime. Marjane Satrapi n’aimait pas cela et c’est ici que lui vient l’idée des boîtes Tupperware et d’éviter par ce procédé l’aspect gore premier degré. Cependant, son perfectionnisme l’amena à remplir 150 boîtes avec 400 grammes de silicones, pour arriver à un total d’environ 60 kg et ainsi, d’être proche du poids réel de l’actrice se faisant dépecer, Gemma Arterton en l’occurrence. Pour justifier ce fait, elle nous confie avoir été estomaquée lors du visionnage de « King Kong » de Peter Jackson où le primate patine sur un lac gelé avec Naomi Watts en tenue très légère dans un froid hivernal. Elle ne comprenait pas comment la glace pouvait tenir sous le poids d’un tel être et comment l’actrice ne pouvait pas avoir si froid en étant si peu habillée. C’est à cause d’éléments comme celui-ci lors de visionnages, qu’elle est amenée dans les siens à vouloir être un maximum crédible tant qu’elle le peut.
Ensuite, Marjane Satrapi nous en dit un peu plus sur le chat, Mr. Moustache. Elle associait énormément l’image de cet animal à celle de Joe Pesci, dans le ton un peu sec. Les producteurs voulaient engager exprès des stars afin de doubler Mr. Moustache et Bosco. Cependant, quand Ryan Reynolds imagina les voix des deux animaux, cela fût une évidence, tant dans le propos du film que dans les voix inventées par l’acteur, qu’il fallait garder ces dernières. L’acteur avoua à la réalisatrice que son agent, aux cheveux roux comme les poils du chat, était son inspiration pour créer la voix de Mr. Moustache. Par contre, le chat en question faisait sa diva durant le tournage, forçant à tourner après la fin de journée pour pouvoir avoir les prises nécessaires avec l’animal.
On appris qu’il s’est écoulé un an entre le début de sa pré-production et la fin de sa post-production, avec trente-trois jours de tournage. « The Voices » a coûté neuf millions de dollars, ce qui est très peu. Il a donc fallu faire attention aux dépenses. À cause de cela, Marjane Satrapi n’a pas pu se payer une chanson de la famille Jackson pour son acte final, ce qui l’obligea à chercher autre chose, « Sing a happy song » des O’Jays en l’occurrence qui, avec le recul, correspond mieux au long-métrage nous confit la réalisatrice. Pour une question d’argent, mais aussi de rendu et de créativité, elle décida également d’utiliser des effets spéciaux non-numériques, mais plus « à l’ancienne ». Elle décrit le fond vert comme « emmerdant » et que l’on n’arrive pas à se rendre compte si cela fonctionne ou non. Pour ce qui est du montage, si elle n’a pas le dernier choix officiellement, elle réussie à l’obtenir officieusement en se justifiant et en débattant de ses choix. Elle continue en avouant aimer cela, car elle confronte sa vision des choses aux autres, et que des éléments positifs peuvent en ressortir, d’après elle.
Pour finir, elle nous donna des pistes de genres cinématographiques qu’elle aimerait traiter. Ainsi, on apprit qu’elle voudrait faire une comédie musicale, un vrai film d’action ou encore un film de super-héros alcoolique et désœuvré. Elle a fait d’ailleurs bien rire la salle sur son opinion des films de ce dernier genre tant à la mode. Quoi qu’il arrive, on a hâte de voir la prochaine réalisation de Marjane Satrapi, afin de pouvoir échanger encore une fois avec la réalisatrice qui s’exprime avec passion, humour et plaisir.
Rencontre avec Marjane Satrapi et Stéphane Roche, après la projection de « The Voices » au MK2 Grand Palais à Paris, le 5 mars 2015.