L'attribution de cette déclaration au Comité international de la Quatrième Internationale (CIQI) qui est bien connu du fait de sa publication du World Socialist Web Site (WSWS), est une provocation politique. Son but est de discréditer le trotskisme en associant le CIQI à la politique réactionnaire du NPA et aux attaques actuellement préparées contre la classe ouvrière par Syriza en Grèce.
Il faut répéter l'avertissement lancé par le WSWS l'année dernière, lorsque le SU avait publié une déclaration au nom du CIQI célébrant le putsch fasciste monté par la CIA en Ukraine: seules les déclarations publiées sur le WSWS parlent au nom du CIQI.
Dans sa déclaration intitulée « Solidarité avec le peuple grec, » le SU avance des positions opposées aux principes trotskistes et à la ligne politique du CIQI. Il salue l'élection de Syriza comme « une remise en cause frontale de la politique des classes dirigeantes et des institutions européennes. » Sans souffler mot des mesures d'austérité publiquement approuvées par Syriza dans le cadre de son accord avec l'Union européenne (UE), il propose « aux forces politiques et sociales grecques elles-mêmes, dans le cadre d’un débat public très large et démocratique de choisir les méthodes apparaissant les plus adéquates » pour traiter avec l'UE.
Ces positions n’ont rien à voir avec le CIQI, qui s'est opposé systématiquement à Syriza, et a souligné que c’est un parti bourgeois et que son arrivée au pouvoir n’était en aucun cas un pas en avant pour la classe ouvrière. Le CIQI et le WSWS ont insisté pour dire que la seule perspective viable pour les travailleurs en Europe était une lutte révolutionnaire internationale pour les États-Unis socialistes d'Europe, une position trotskiste que le NPA a explicitement rejetée lors de son congrès fondateur en 2009.
Les différends politiques entre le SU et le CIQI ont été soigneusement documentés. Le CIQI s'est formé en 1953, il y a 62 ans, lors d'un scission d’avec les forces loyales au Secrétariat international révisionniste dirigé par Michel Pablo et Ernest Mandel, qui se sont réorganisées en tant que Secrétariat unifié en 1963. Les prises de positions du SU aujourd'hui—en Ukraine, où il a soutenu le coup d'Etat promu par les Etats-Unis; en France, avec la formation du NPA; et en Grèce, avec son soutien de Syriza—marquent l’aboutissement des positions liquidatrices et anti-marxistes qu'il a adoptées en rompant avec le trotskisme il y a plus d'un demi-siècle.
L'arrivée au pouvoir de Syriza—la première fois qu'un parti de la pseudo-gauche a formé un gouvernement et gouverné en son propre nom—démasque à nouvelle fois le rôle réactionnaire des pablistes. Ayant travaillé pendant des décennies à construire des partis bourgeois tels que Syriza et le NPA lui-même, qu'ils ont appelé des « partis larges ouverts » ils approuvent tacitement les mesures d'austérité du gouvernement Syriza contre la classe ouvrière.
Il n'a fallu que quelques semaines pour que les factions staliniennes, maoïste, vertes et pseudo de gauche à l'intérieur de Syriza effectue une répudiation dégoûtante de leurs engagements électoraux de mettre fin à l'austérité.
Après avoir remporté l'élection nationale du 25 janvier, les dirigeants de Syriza ont commencé à faire la tournée des capitales européennes. Ils n’ont lancé aucun appel à l'opposition de masse à l'austérité dans la classe ouvrière européenne. Puis, le 20 février, ils ont signé un accord qui acceptait le programme d'austérité de l'UE, abandonnait tout projet de réduire la dette grecque, et acceptait de négocier avec la « troïka » (Commission européenne, Banque centrale européenne et Fonds monétaire international), cyniquement rebaptisée « les institutions. »
Le 24 février au matin, alors que le SU se réunissait à Amsterdam pour applaudir Syriza, les unes des journaux à travers l'Europe rapportaient les propositions de Syriza : nouvelles coupes budgétaires et privatisations, réductions des soins de santé, et augmentation de l'âge effectif de la retraite. Le SU a réagi en proclamant sa solidarité avec Syriza et en insistant sur le fait que Syriza et ses alliés devaient avoir les mains libres pour imposer le programme d'austérité de l'UE aux travailleurs grecs.
L'enthousiasme du SU pour les politiques anti-ouvrières de Syriza n’est pas une méprise ou une erreur tactique. Il découle organiquement du rejet de plus en plus explicite du trotskisme et de la révolution socialiste par le NPA, et de l'hostilité des petits-bourgeois du SU envers la classe ouvrière.
Avant que la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) ne lance le NPA, un membre dirigeant de la LCR, François Sabado, avait écrit en 2008 qu'en tant que parti « populaire, pluraliste, large, ouvert », le NPA serait « Un parti qui n’assume pas toute l’histoire du trotskisme et ... qui ne se rédui[t] pas à l’unité des révolutionnaires. » Le NPA, selon Sabado, « a une histoire, une continuité : celle des luttes de classes, le meilleur des traditions socialiste, communiste, libertaire, marxiste révolutionnaire. »
Tout en protestant qu'il défendait le pluralisme et l'inclusion, le LCR/NPA cherchait à tisser des liens plus étroits avec les libertaires anti-marxistes et les forces social-démocrates et staliniennes ayant imposé pendant des décennies des mesures d'austérité dans des gouvernements capitalistes. Le NPA a dénoncé toute critique de la construction de tels partis comme un refus sectaire de négocier avec des alliés utiles.
Le WSWS a souligné que l'orientation du LCR/NPA était liée à une réorganisation du milieu de la pseudo-gauche dans l’intérêts des banques. Nous avons écrit : « Pour faire partie du réarrangement de la gauche par la bourgeoisie, la LCR doit montrer clairement qu’elle rompt tous les liens, aussi ténus soient-ils, qu’elle a pu avoir avec une politique révolutionnaire. Dans la mesure où la LCR est associée au Trotskisme dans l’esprit du public, cela constitue un obstacle au fort virage à droite qu’elle prévoit d’effectuer ... L’objectif réel de la LCR en se liquidant, est en fait de liquider l’héritage politique de Trotsky, c’est-à-dire l’insistance sur l’indépendance politique complète de la classe ouvrière, l’internationalisme révolutionnaire, et une opposition indiscutable à la collaboration avec l’Etat bourgeois, les bureaucraties stalinienne et social-démocrate ainsi que toutes les variantes du nationalisme bourgeois et du radicalisme petit-bourgeois. »
Alors que le discrédit des partis sociaux-démocrates européens s’accélérait dans la crise sociale qui explosait en Europe suite à la crise financière de 2008, les pablistes ont développé de plus en plus ouvertement la conception que leur tâche était de remplacer les partis sociaux-démocrates réactionnaires. Cette perspective a été développée dans un livre en 2011 contenant un recueil d'essais par d'éminents membres du SU et intitulé: De nouveaux partis de la gauche.
La couverture du livre déclare, « Les partis sociaux-démocrates, y compris le Parti travailliste en Grande-Bretagne, se sont déplacés vers la droite à travers le continent et ont pleinement adopté le néo-libéralisme. Cela a ouvert un espace politique à la gauche de la social-démocratie que les radicaux de gauche et les marxistes révolutionnaires ont le devoir de remplir. Il nous faut des partis pluralistes larges de la gauche pour rétablir une représentation indépendante de la classe ouvrière. »
Les pablistes insistaient, cependant, pour dire que les partis sociaux-démocrates ne devaient pas être remplacés par des partis révolutionnaires. Plutôt, la rhétorique ouvertement néo-libérale des sociaux-démocrates avait permis à des partis « larges ouverts » de se présenter comme étant à gauche des social-démocrates, tout en employant une rhétorique social-démocrate pour encourager des illusions dans la possibilité d'obtenir des politiques de gauche d'un gouvernement capitaliste. L'objectif primordial de cette fraude réactionnaire, qui a maintenant trouvé sa plus haute expression dans l'élection de Syriza, était de bloquer une lutte révolutionnaire de la classe ouvrière.
Alain Krivine, leader du NPA prétendument en demi-retraite, a contribué un texte au livre De nouveaux partis de la gauche, dans lequel il déclarait que le NPA « ne résout pas certains problèmes, il les laisse ouverts pour de futures conférences, par exemple, tous les débats stratégiques sur la prise du pouvoir, les revendications transitoires, le double pouvoir, etc. Il ne prétend pas être trotskiste, en tant que tel, mais considère le trotskisme comme l'un des contributeurs, entre autres, au mouvement révolutionnaire. Ne voulant pas, ce que nous devions faire sous le stalinisme, arriver à notre politique par le rétroviseur, le NPA n'a pas de position sur ce qu’était l'Union soviétique, le stalinisme, etc. »
Un examen de ce commentaire jette une certaine lumière sur la façon dont des personnages tels que Krivine, étudiants radicaux pablistes dans les années 1960, se sont transformés en piliers consciemment contre-révolutionnaires de la politique capitaliste européenne d'aujourd'hui.
La LCR n'a jamais fonctionné « sous le stalinisme, » comme dit Krivine, car il n'y a jamais eu de gouvernement national dirigé par les staliniens au pouvoir en France. Les pablistes néanmoins ont constamment senti que quelqu'un regardait par-dessus leur épaule et qu'ils devaient donc « arriver à [leur] politique par le rétroviseur. » La révolution d'Octobre et l'URSS avaient un prestige énorme dans la classe ouvrière au 20e siècle en France, et les étudiants petits-bourgeois ont adopté quelques phrases trotskistes vidées de leur contenu pour se donner des allures de gauche et pour donner l'illusion qu'ils étaient en quelque sorte liés aux grandes luttes révolutionnaires.
Cependant, plusieurs décennies après la dissolution de l'URSS par le stalinisme en 1991, la LCR ne ressentait plus le besoin de se présenter comme trotskiste. Non seulement cette posture gênait les tentatives de manœuvres avec d'autres factions de la politique bourgeoise française, mais elle ne cadrait pas non plus avec les préoccupations de la base sociale de la LCR: des universitaires bien rémunérés, des parlementaires et des fonctionnaires syndicaux. Ayant acquis de l'argent, des privilèges et du prestige au sein de la société capitaliste grâce à des attaques constantes sur le niveau de vie des travailleurs, ils étaient hostiles à la révolution socialiste.
Comme l'indique le commentaire de Krivine, ils ne voulaient pas de discussion dans la classe ouvrière sur les questions fondamentales de perspective historique et stratégie révolutionnaire.
Dans de nombreux pays, des partis liés au NPA ont rejoint des gouvernements capitalistes pour mener des attaques contre la classe ouvrière. En Italie, où la faction pabliste dirigée par Livio Maitan avait rejoint les anarchistes et des factions du Parti communiste italien stalinien pour former Rifondazione Comunista, leur parti a participé à la Coalition Olive, de 2006 à 2008, qui a attaqué les retraites et fait la guerre en Afghanistan. L'Alliance Rouge-Verte (RGA) danoise a soutenu la guerre de 2011 en Libye et les mesures d'austérité du gouvernement danois au Parlement.
La corruption presque inimaginable de ces partis constitue le contexte politique dans lequel le SU a pu applaudir la politique d'austérité de Syriza. Dans son essai figurant dans « De nouveaux partis de la gauche, » le dirigeant du RGA danois, Bertil Videt, s'est vanté de ce que les pablistes étaient prêts à abandonner et à trahir tout ce qu'ils pourraient présenter comme leurs principes s'ils pouvaient en échange détenir le pouvoir d'Etat.
Il a écrit: « Les partis politiques sont bien sûr des objets mobiles, difficiles à saisir et à classer ... Nous n'avons aucune garantie qu’un parti anti-capitaliste ne sera pas tenté par le goût du pouvoir et de renoncer à ses grands principes, comme l'a fait le Parti de la refondation communiste en Italie, qui a soutenu l'intervention militaire italienne en Afghanistan et des bases américaines en Italie. »
Ce culte de la malhonnêteté et de la prostitution politique forme le contenu interne essentiel de la politique du SU et du gouvernement Syriza. Lorsque Syriza a émergé comme un parti capable de briguer le pouvoir en 2012, en raison de la désaffection des masses vis-à-vis de la politique d'austérité de l'UE et du parti social-démocrate grec PASOK, le SU l'a rapidement applaudi.
Le SU a publié une déclaration en mai 2012 intitulée « L’avenir des travailleurs européens se joue en Grèce ». Il y appelait à former un gouvernement dirigé par Syriza: « Nous souhaitons que le peuple grec réussisse à imposer par ses votes et par ses mobilisations un gouvernement de toute la gauche sociale et politique qui refuse l’austérité ... Nous appelons au rassemblement de toutes les forces qui luttent contre l’austérité en Grèce—Syriza, Antarsya, KKE [le Parti communiste grec], les syndicats et les autres mouvements sociaux—autour d’un plan d’urgence. »
La déclaration fausse du SU, selon laquelle un gouvernement Syriza s'opposerait à l'austérité, a été faite de mauvaise foi et ignorait les déclarations du leader de Syriza, Alexis Tsipras, aux médias internationaux, disant que ses critiques de l'austérité en Grèce ne devaient pas être prises au sérieux.
Quelques jours avant que le SU ne publie sa déclaration, Tsipras a fait sa première tournée européenne, insistant pour dire qu'il voulait maintenir l'austérité et le plan de sauvetage de l'UE. Il a dit à Reuters : « ce qui est transmis en Europe à propos de nous n'est pas ce que nous représentons et voulons ... Nous voulons faire usage de la solidarité et du financement de l'Europe pour créer la base de nos réformes à long terme. » Le SU a maintenu un silence assourdissant sur les innombrables remarques semblables faites ultérieurement par les dirigeants de Syriza.
Les avertissements lancés par le WSWS à l'époque, basés sur une analyse de classe de la politique de Syriza, ont été confirmés. Le WSWS a mis en garde le 17 mai 2012 que Syriza était un « parti qui parle au nom d’une section de la bourgeoisie grecque qui veut des remboursements plus grands de la dette pour éviter un effondrement économique et des altérations cosmétiques dans les termes de la réduction du déficit afin de faire taire l'opposition populaire ... »
L'article du WSWS continuait: « Syriza défend catégoriquement l'Union européenne et l'euro, tout en se présentant comme un opposant à l'austérité, mais cette quadrature du cercle est impossible. L'austérité et les attaques toujours plus brutales contre la classe ouvrière sont une exigence faisant partie intégrante de l'UE des banquiers et de l'ordre capitaliste qu'elle défend. »
Les arguments du NPA afin de justifier le soutien qu'il apporte à Syriza et à sa politique gouvernementale sont très révélateurs. Ils montrent clairement que, si le NPA prenait le pouvoir à Paris, ses politiques iraient tout à fait dans le même sens que celles de Syriza.
Avant les élections du 25 janvier en Grèce, les dirigeants du NPA se sont opposés à toute critique de Syriza alors qu’ils admettaient que son programme électoral était criblé de contradictions, et ils ont insisté pour dire qu'on ne devait pas mettre en garde contre la politique que Syriza allait mettre en oeuvre.
Sabado a écrit: « Le 'bureau présidentiel' et Alexis Tsipras – la direction de Syriza – multiplie les déclarations contradictoires : rejeter les 'mémorandums' de la troïka, arrêter de payer les intérêts de la dette et supprimer une grande partie de cette dette, mais en même temps rechercher un accord avec les dirigeants de l’Union européenne … ce double discours va vite se heurter à la politique des classes dominantes, en Grèce et en Europe : soit on accepte les diktats de l’UE, et l’expérience sera défaite, soit on reste fidèle au cap de la lutte contre l’austérité, en appelant à la mobilisation. »
Même après avoir constaté le « double discours » de Syriza, Sabado a insisté qu'il était inadmissible d'avertir les travailleurs de la trahison que préparait Syriza. « Le rôle des révolutionnaires n’est pas de dénoncer par anticipation les trahisons de demain, il est de tout faire pour que l’expérience Syriza aille le plus loin possible, dans la satisfaction des revendications populaires. », a-t-il déclaré.
Ayant fait tout ce qu'il pouvait pour couvrir la politique réactionnaire de Syriza et semer la confusion sur le caractère de son programme, le NPA se fait maintenant l’écho des auto-justifications lâches de Syriza, qui prétend qu'il n'y a pas d'alternative à une capitulation totale.
Son site en anglais, International Viewpoint, a publié un commentaire de Stathis Kouvelakis, un membre dirigeant du Syriza, qui enseigne la philosophie au Kings College à Londres. Celui-ci écrit: « Il est certainement très difficile d'avoir une vision claire sur la situation actuelle des négociations, 'négociations' étant un oxymore, étant donné la criante asymétrie dans le rapport de force et le fait qu'une des parties a une arme (la Banque Centrale Européenne) pointée sur sa tête. »
Selon Kouvelakis, le seul espoir est que Syriza, comme les gouvernements de droite qui l'ont précédé, puisse obtenir quelques concessions minimes en négociant avec l'UE. « Mais c'est peut-être là, justement que réside l'espoir. On ne peut pas exclure que les demandes croissantes de l'UE et des prêteurs soient rejetées par un gouvernement qui a pris des engagements de base envers son peuple », écrit-il.
Les événements de Grèce offrent à la classe ouvrière les plus sévères leçons politiques. La perspective de mettre fin aux politiques d'austérité en élisant un gouvernement de «gauche» pour administrer l'Etat capitaliste, suivant l'orientation des groupes petits-bourgeois à travers l'Europe, est une impasse. La seule voie vers l’avant pour la classe ouvrière est une lutte socialiste révolutionnaire, indépendante de la bourgeoisie et de tous ses représentants politiques, dont les pablistes.
Cela souligne l'importance centrale de la lutte du CIQI pour exposer la pseudo-gauche petite-bourgeoise en s’appuyant sur une défense de l'héritage historique et politique du trotskisme. Cette lutte n'est pas une querelle sectaire sur des détails tactiques, mais la question politique fondamentale qui sépare la lutte pour mobiliser la classe ouvrière pour le socialisme des rationalisations pseudo de gauche qui justifient la capitulation devant les banques et le capitalisme. La classe ouvrière ne peut être victorieuse que dans une lutte politique sans merci contre tout le milieu de la pseudo-gauche.
La tâche essentielle des travailleurs et des jeunes est de tirer les leçons de la faillite de la pseudo-gauche et de rejoindre la lutte pour construire des sections du CIQI en tant qu'avant-garde de la classe ouvrière, en Grèce, en France, et au plan international.
Source : WSWS