Tout dans ce roman est empreint de nostalgie, pour ce qui a été et n’est plus. Les traces que les hommes et les femmes laissent sur le grand livre du destin ne sont guère plus que des pattes de mouches qui sont peu à peu recouvertes par la poussière du temps. Mais Guy Roland, homme sans passé, parvient peu à peu à entrapercevoir une silhouette, le destin d’un homme en contre-jour, destin qui connut une brutale embardée durant les temps obscurs de l’Occupation.
Ce livre est une vraie exploration du temps mais aussi de l’espace : boulevards, quais, rues et ruelles de Paris, halls d’immeubles auxquels Modiano rend toute leur poésie, parc d’un château décati ou gare de province, on est introduit dans un univers palpable qui possède le grain des vieilles photographies.
J’ai beaucoup apprécié ma première incursion dans le monde de Modiano, qui me fait penser, un peu, à celui d’un auteur que j’affectionne particulièrement même si je n’en ai jamais parlé ici (il serait temps) : André Dhôtel. Dhôtel aussi aime faire disparaître ses personnages, lui aussi mêle réalisme et onirisme, mais il est plus souriant que Modiano, plus « rat des champs » et Modiano plus « rat des villes » (me semble-t-il).
Rendons à César ce qui est à Jules (comme dirait quelqu’un qui se reconnaîtra ;-) ) : je n’aurais pas lu Modiano sans la plus modianesque des blogueuses : Galéa.