Voici une entrevue réalisée par l’auteur et agent littéraire, Thierry Rollet avec l’éditeur Guy Boulianne, des Éditions Dédicaces. Cette entrevue est publiée dans le « Scribe Masqué No.8 », distribué aux abonnés de l’entreprise Scribo-Masque d’Or, en France. Guy Boulianne partage avec nous ses réflexions sur le livre numérique et le marché pour les tablettes et eReaders.
L’entretien est également publié sur l’Atelier des médias, de la Radio France Internationale (plus de 16,212 membres), sur le site du Bottin international des professionnels du livre, et sur le blogue du journal Voir (au Québec).
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Bonjour, Guy BOULIANNE. Pouvez-vous nous dire quel est à votre avis l’intérêt essentiel du livre électronique et des tablettes liseuses ?
L’avantage essentiel du livre numérique est son prix abordable. En général, le livre numérique est toujours moins cher que sa version papier. Par contre, il est vrai que certains éditeurs vendent leurs livres numériques au même prix que leurs livres papier, et parfois plus cher ! Aux Éditions Dédicaces, nous avons toujours considéré cela comme étant une absurdité compte tenu du coût très faible de production et de diffusion de ces publications dématérialisées. Pour notre part, nous vendons nos livres numériques à la moitié du prix de leurs versions papier, tout en remettant une part proportionnelle aux auteurs.
L’autre avantage du livre numérique est sa légèreté et sa mobilité. Moi-même, je considère le livre papier comme étant un objet lourd. Je préfère lire au lit avec une liseuse numérique qu’avec un livre encombrant de 450 pages ! La tablette (ou liseuse numérique) permet de transporter sa bibliothèque au grand complet, ce qui est très pratique lors des déplacements. Ceci constitue un avantage certain.
Voyez-vous néanmoins des inconvénients au livre électronique en tant que tel ? Par exemple, certaines personnes se plaignent que les logiciels de publication ne permettent pas d’inclure des illustrations ou n’assurent pas une bonne présentation du texte… Qu’en pensez-vous ?
La plupart des tablettes numériques permettent de lire les images en couleur, ou du moins en noir et blanc. Je ne vois donc aucun problème à ce niveau. En ce qui concerne la mise en forme du livre, il faut savoir choisir le bon logiciel afin d’accomplir cette tâche. Pour un éditeur ou un auteur, il est possible de créer des livres numériques fort acceptables en utilisant le logiciel gratuit Calibre. Il y a aussi des services d’édition offerts par des professionnels. Évidemment, tout cela dépend du budget qu’on veut allouer à ses publications.
Tout se déroule assez bien pour les Éditions Dédicaces puisque nos livres numériques sont acceptés par la plupart des grandes plate-formes comme Kindle (Amazon), iBookstore (Apple), Kobo (Rakuten) et Nook (Barnes & Noble).
Certaines personnes pensent que le livre électronique va « remplacer » le livre papier. Qu’en pensez-vous ?
Personnellement, je n’ai jamais cru que le livre numérique remplacerait un jour le livre papier. Plusieurs personnes on craint sa disparition avec l’arrivée du livre numérique mais, à ce que je sache, ce n’est toujours pas le cas ! Les gens sont bien trop attachés au livre-objet pour que celui-ci disparaisse du jour au lendemain. Moi-même je continue à acheter des livres au format papier. J’aime le livre papier, même si je préfère souvent lire avec mon appareil numérique pour sa légèreté. Le livre numérique est donc le complément du livre papier, Ni un ni l’autre ne disparaîtra.
En tant que directeur général des Éditions Dédicaces, vous avez créé une liseuse électronique sur laquelle vous avez publié plusieurs de vos auteurs. Dans quel but l’avez-vous fait ?
Nous cherchions depuis longtemps une nouvelle manière de promouvoir les livres de nos auteurs. Après avoir réfléchi à plusieurs projets, il nous est venu l’idée de mettre sur le marché notre propre liseuse numérique. Nous n’avons jamais eu la prétention de faire la compétition à des gros joueurs comme Apple, Samsung, Amazon, PocketBook, Bookeen ou toute autre compagnie. La seule chose que nous voulions était de sortir un produit original pour aider à promouvoir nos auteurs. De ce fait, nous avons été, et nous sommes toujours la seule maison d’édition à posséder sa propre liseuse de livres numériques.
Nous avons débuté par un modèle de liseuse à écran monochrome non-tactile. Par la suite, nous avons mis sur le marché notre tablette actuelle, avec un écran tactile en couleur. Les gens semblent l’apprécier car certains clients sont revenus à nous pour acheter un second ou un troisième appareil. À ce jour, nous avons vendu une centaine d’unités. Ce n’est pas beaucoup, mais au moins nous l’avons fait et nous en sommes très fiers. Plusieurs journaux, des chaînes de télévision et de radio ont parlé de notre liseuse numérique. Elle a même été présentée sur la chaîne TV5 Monde, ce qui nous a fait connaître au niveau international.
Vous habitez Montréal (Québec, Canada) et vous possédez une succursale aux États-Unis. Pensez-vous que le livre électronique se vende mieux en Amérique qu’en France ? Pourquoi ?
En effet, nous avons créé aux États-Unis – non pas une succursale – mais bien une entreprise indépendante portant le même nom : Editions Dedicaces LLC (www.dedicaces.us). Nous avons déjà publié plusieurs livres en anglais, écrits par des auteurs de différents pays comme les États-Unis, l’Angleterre, l’Irlande, la Serbie, la Suède et l’Australie. À ce jour nous ne voyons pas de différence en ce qui concerne la vente des livres numériques. Je crois que tout s’équivaut.
Ceci dit, le livre numérique est très important car il multiplie les sources de revenus. Souvent, il se vend plus de livres numériques que de livres papier. C’est donc une avenue à ne pas négliger !
Avez-vous d’autres remarques personnelles à apporter, en tant que lecteur, auteur et/ou éditeur sur les livres électroniques et les tablettes liseuses ?
LesNumeriques.com écrivait que les ventes de liseuses ont doublé en France avec désormais un parc installé estimé à 500 000 pièces (en 2013) ; c’est ce que révélait l’étude de GfK qui annonçait 2 millions de téléchargements, soit une progression du chiffre d’affaires de 80%, ce qui représente 0,6% du marché total du livre. Cette part du livre numérique pourrait atteindre 3% en 2015. Si l’offre est encore insuffisante, elle va croissant elle aussi : Le Monde rappelait que « Plus de 90% des 646 titres de la rentrée littéraire 2012 étaient disponibles en numérique, en même temps qu’en version papier, et ce de manière concomitante ». Le livre numérique est donc là pour rester… tout comme livre papier d’ailleurs !
Merci infiniment, Guy BOULIANNE, d’avoir participé à cette enquête.
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