#huîtres
Joël Labbé, sénateur écologiste du Morbihan et vice-président de la Commission des Affaires économiques du Sénat a annoncé mercredi 28 janvier vouloir un étiquetage obligatoire des huîtres françaises afin de suivre leur traçabilité et connaître leur mode de production.
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Quelle est la situation actuellement ?Produit d’origine naturelle par excellence, issu de captage traditionnel en mer, l’huître a pris le virage, en deux décennies, de la production intensive.Une grande partie de la production actuelle, quasiment une huitre sur deux, est issue de laboratoires (huîtres nées en écloseries). Les larves d’huîtres y sont rendues stériles dans le but d’accélérer leur croissance, et de commercialiser des huîtres en toute saison.Il s’agit essentiellement d’huîtres “triploïdes”, une variété développée et brevetée par l’IFREMER (Institut Français de Recherche pour l'Exploitation de la Mer). Joël Labbé, entouré d’ostréiculteurs a voulu mettre le point sur la généralisation de ces mollusques appauvris par les sélections et par la quantité limitée de géniteurs, ce qui pourrait jouer un rôle non négligeable dans l’affaiblissement du patrimoine génétique des huîtres et leur résistance aux bactéries et virus. Leur production rend en outre la profession fortement dépendante des écloseries, à l’image des agriculteurs par rapport aux semenciers.Depuis 2008, les surmortalités du naissain et des huîtres juvéniles, provoquant une baisse de plus de 40 % du tonnage français, frappent de plein cœur la profession, a tenu à préciser le sénateur.Les ostréiculteurs dénoncent une concurrence déloyaleLes professionnels ayant choisi de poursuivre la culture de l’huître née en mer s’estiment victimes d’une concurrence déloyale et craignent la contamination du milieu naturel en quelques générations. Ils dénoncent le manque de contrôle des laboratoires et des produits qui en sortent, aucune traçabilité étant en vigueur, ainsi que l’absence de protection des bassins naisseurs. Ils rappellent que mener une huître adulte prend 3 ans, contre 2 pour une huître triploïde. Il existe un risque de contamination de l’environnement, le patrimoine génétique de l’huître pouvant être affecté.Jean-Noël Yvon, ostréiculteur à Locoal-Mendon (Morbihan) tient à préciser qu’ « aujourd’hui, il n’existe dans le commerce aucun étiquetage sur cette distinction. Il y a un souci pour le produit et le consommateur. La survie des producteurs dépend de cet étiquetage. Il s’agit d’une « hypocrisie » car ce manque de transparence n’est pas bon pour le consommateur ».L’impact des écloseriesPour Angélika Hermann, ostréicultrice à La Teste (Bassin d’Arcachon, Gironde) les écloseries représentent des menaces. « On a besoin d’être préservé des agressions » car il n’existe aucun contrôle. « Elles peuvent stériliser progressivement notre environnement naturel. Il faut donner au consommateur le droit de choisir entre une huître née en mer et une huître développée dans des écloseries ».Christian de Longchamp vient, quant à lui, d’appendre qu’il y avait l’utilisation d’antibiotiques dans les écloseries. « Il faut expliquer aux gens qu’il y a des saisons, des catégories d’huîtres et les écloseries ont détruit cela. Il faut respecter le savoir-faire, sinon on appauvrit la biodiversité. A force d’industrialisation, on a affaibli les huîtres. Il n’y a pas assez de moyens de contrôle ».La création du Réseau CohérenceL’association Réseau Cohérence regroupe sur la Bretagne et au-delà, plus d’une centaine d’organisations (associations, syndicats, entreprises...) et des membres engagés pour un développement durable et solidaire.En 2010, le Réseau Cohérence a accompagné des ostréiculteurs de la Ria d’Etel et du Golfe du Morbihan sur l’élaboration d’un cahier des charges « ostréiculture durable et solidaire » en partenariat avec le Comité Régional Conchylicole de Bretagne Sud, le Syndicat Mixte de la Ria d’Etel et le Syndicat Ostréicole de la Ria d’Etel. L’objectif était de proposer aux ostréiculteurs volontaires d’intégrer une démarche de durabilité, avec un cahier des charges évolutif portant sur la qualité des produits, le respect de l’environnement et l’éthique.Aujourd’hui, le Réseau Cohérence lance, en partenariat avec l’association Ostréiculteur Traditionnel, une étude de faisabilité sur l’instruction d’une demande de reconnaissance sous signe officiel de qualité pour l’huitre née en mer.« Les ostréiculteurs traditionnels font de la résistance »CVF : En quoi l’étiquetage est-il nécessaire à la fois pour le producteur et pour le consommateur ?Joël Labbé : Aujourd’hui les consommateurs tiennent à savoir ce qu’ils ont dans leur assiette. Et c’est souvent le choix du consommateur qui guide la production ; et il se trouve qu’il y a une production faite par les ostréiculteurs traditionnels, une production traditionnelle, respectueuse des équilibres sur les bassins, du produit, de son patrimoine génétique. Les producteurs sont également demandeurs d’un étiquetage pour faire le lien entre consommateur-produit de qualité et production de qualité.Vous êtes sénateur du Morbihan, quel est l’impact de ce manque de traçabilité dans votre région ?Il y a maintenant pratiquement une huître sur deux qui provient des écloseries, et ce marché gagne de plus en plus. Si les ostréiculteurs voient à court terme une huître qui pousse en deux ans au lieu de trois, qui n’est pas laiteuse l’été, qu’ils s’y mettent tous et à ce moment-là on aura que des huîtres triploïdes. Donc ce n’est pas le souhait ! Les ostréiculteurs traditionnels, quelque part, font de la résistance, mais c’est difficile pour eux et la reconnaissance de leur produit fera en sorte qu’il sera mieux valorisé et mieux choisi par les consommateurs.A partir de quelle date pourrait être mis en place cet étiquetage ?Je suis un politique impatient. Cela fait trois ans que je suis sénateur et j’ai appris une certaine patience. Je ne peux pas donner de délai, par contre pour moi au 10 juin, il faut que l’on ait des objectifs, soit du côté réglementaire, soit du côté législatif, mais je poserai un acte et on le fera collectivement pour que ce soit suivi des faits.Et qu’en est-il du côté des principaux concernés ? Le point avec Angélika Hermann, ostréicultrice à La Teste (Bassin d’Arcachon, Gironde).CVF : Quelle est la situation globale actuelle des ostréiculteurs français ?Angélika Hermann : Je suis ostréicultrice sur le Bassin d’Arcachon, qui a la particularité d’être un bassin naisseur, c’est à dire que les huîtres se reproduisent naturellement. Un autre site majeur est Marennes d’Oléron. Nous sommes une nurserie naturelle, la première nurserie d’Europe. Après on a la chance de faire un produit 100% naturel qui est non transformé où à aucun moment on ajoute des substances artificielles, donc le consommateur sur le marché a encore la chance de trouver parmi les rares produits aujourd’hui un produit 100% naturel. Nous demandons à ce que l’on donne une chance au consommateur d’être responsable, de lui donner le droit d’avoir le choix entre une huître qui est née en mer, naturellement ou une huître qui est née en écloserie, artificiellement. Nous avons besoin de ce soutien des consommateurs pour qu’ils disent ce qu’ils veulent. Et c’est important pour nous, pour la survie de notre façon de travailler, de faire les huîtres par rapport à cette ostréiculture artificielle qui a perdu tout lien avec l’environnement.Vous comptez sur l’appui des politiques. Pensez-vous qu’ils puissent mettre en place cet étiquetage ?Bien sûr ! Parce que nous tous seuls, on ne peut rien faire donc on a besoin que les politiques se mettent derrière nous pour faire avancer la réglementation. Car actuellement, pour les écloseries il n’y a aucun encadrement, aucun contrôle sanitaire. Si quelqu’un veut s’installer en ostréiculture, il faut avoir le Baccalauréat et suivre une formation ; tandis qu’en écloserie, vous pouvez vous y installer avec un peu d’argent et personne ne vous demandera quoi que ce soit. Et c’est là le gros problème !Le sénateur Joël Labbé tente donc de mettre la lumière sur un problème qui n’est pourtant pas récent et tient à rappeler que « les consommateurs sont au cœur du débat ». L’huître triploïde échappant à la réglementation des OGM, et n’étant pas non plus considérée comme un « nouveau produit alimentaire » par l’Europe, aucun étiquetage spécifique n’est imposé.Le 10 juin 2015 se tiendra au Sénat un colloque sur l’avenir de l’ostréiculture à laquelle sont conviés de nombreux scientifiques et représentants de la profession. L’objectif sera notamment de faire avancer la réglementation ostréicole.Par Damien Hélène -http://www.cuisineetvinsdefrance.com/,le-senateur-joel-labbe-demande-l-etiquetage-des-huitres,108381.asp?fb_ref=Default