On n’a pas encore inventé l’hôpital capable de soigner le mal du pays. Même si ce pays n’est pas le vôtre. Et on ne soulage pas du chagrin de l’exil. C’est ce qu’éprouve Angèle qui a eu le coup de foudre pour le pays Tamoul, sa langue, ses paysages, ses senteurs de jasmin, de pourriture organique et de gazole mêlés … Ce livre bref mais dense, écrit avec tendresse, nous transporte le long des trottoirs de Pondichéry, foulant les dessins magiques et hypnotisants tracés par des poudres échappées des mains de femmes expertes …
Angèle regrette d’avoir cédé à la pression de ses parents âgés et égoïstes, elle a dû quitter l’Inde et la petite orpheline qu’elle y avait adoptée pour s’occuper d’eux. Cette femme cultivée personnifie le dévouement, l'oubli de soi.
Revenue à Paris, elle retrouve des trésors d’enfance comme concierge d’une école communale, tout près de l’Eglise Saint Gervais. Mais de temps en temps, dans sa loge, quand l’école est vide, elle ressort un sari et se pare de bracelets de chevilles, lit de la poésie comme le faisait son grand frère trop tôt disparu.
A des milliers de kilomètres, Galta a grandi, s’est mariée avec un musicien célèbre, élève son fils Kanou. Un secret pourtant banal relie ces trois êtres, jamais révélé, qui les mine. Qui prendra l’initiative de renouer le fil de leurs vies ?
Poétique, envoûtant, riche de personnages profondément humains, plongeant avec douceur et réalisme dans la chaleur humide de cette petite ville aux relents de sous-préfecture d’outre-mer, sous la pluie chaude qui ruisselle, devant l’océan plombé au-dessus de la plage granuleuse … un dépaysement garanti.
J’ai visité Pondichéry il y a vingt ans, et m’y suis retrouvée immédiatement, toute entière. Ce roman est aussi une réflexion cruelle sur l’exil, l’impossibilité de s’intégrer totalement dans une civilisation qui n’est pas la vôtre, même si, comme Anjali, on en est « tombé en amour », sur la permanence du processus d’exclusion des plus cruels … si immuable dans la société indienne.
Les notes de la mousson, roman de Fanny Saintenoy (à paraître le 9 avril), édité chez Versilio, 118 p. 12,90€