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Tout doit disparaître!

Publié le 07 mars 2015 par Aicasc @aica_sc

Pangaea II: New Art From Africa and Latin America.
11 March – 6 September 2015.
Saatchi Gallery, London.

Jean-François Boclé Tout doit disparaître!

Jean-François Boclé
Tout doit disparaître!

En référence au supercontinent du futur, la Pangea proxima, qui, dans deux cents millions d’années, réunira L’Europe et l’Amérique après la disparition de l’Océan Atlantique en raison du glissement des plaques tectoniques, gémeau du continent primitif d’il y a deux cents millions d’années, La Pangée, l’exposition de la Galerie Saatchi à Londres, Pangaea II: New Art From Africa and Latin America, présente la scène artistique émergente africaine et latino – américaine : Dawit Abebe, Aboudia, Eduardo Berliner, Jean-François Boclé, Armand Boua, Pia Camil, Alida Cervantes, Virginia Chihota, Alexandre da Cunha, Federico Herrero, Diego Mendoza Imbachi, Eddy Kamwanga, Hamid El Kanbouhi, Jorge Mayet, Ibrahim Mahama, Boris Nzebo, Alejandro Ospina, Ephrem Solomon and Mikhael Subotzky.
Cependant Jean – François Boclé, d’origine caribéenne, y participe avec l’installation Tout doit disparaître ! , créée en 2001, entrée dans la collection Saatchi depuis mars 2014.
Les amateurs d’art de Martinique ne connaissent pas cette pièce qui a cependant un joli parcours en Colombie, Suède, Grèce, France et Italie :
Saber Desconocer, Bienal 43 Salón (inter)Nacional de Artistas, Medellín, Colombie (2013) ;
I Did Not Discover America, BildMuseet, Umeå, Suède (2009) ;
Heterotopias, 1st Thessaloniki Biennial, State Museum of Contemporary art, Thessalonique, Grèce (2007) ;
Outre-mémoire, Centre d’art contemporain Le Parvis, Ibos, France (2005) ;
Outre-mémoire, Mapa Teatro/Laboratorio de Artistas, Bogotá, Colombie (2005) ;
Bâbords, Palazzo Lenzi-IFF, Florence, Italie (2005) ;
Outre-mémoire, Atelier 231- Centre national des arts de la rue, Sotteville-lès-Rouen, France (2004) ;
Outre-mémoire, Ekotechnické Museum, Prague, République Tchèque (2004) ;
Tout doit disparaître !, Espace Oscar Niemeyer, Paris (2001).
Mais ils ont déjà eu l’opportunité de découvrir la démarche de Jean – François Boclé dans l’exposition Acte en retour à la salle André Arsenec en 2006 puis deux ans plus tard, à la Fondation Clément dans la manifestation collective Atlantide Caraïbe.

Jean-françois Boclé  Consommons racial Atlantide Caraïbe Fondation Clément 2008

Jean-françois Boclé
Consommons racial
Atlantide Caraïbe
Fondation Clément 2008

Jean-françois Boclé  Consommons racial Atlantide Caraïbe Fondation Clément 2008 (détail)

Jean-françois Boclé
Consommons racial
Atlantide Caraïbe
Fondation Clément 2008 (détail)

Jean-françois Boclé  Consommons racial Atlantide Caraïbe Fondation Clément 2008 (détail)

Jean-françois Boclé
Consommons racial
Atlantide Caraïbe
Fondation Clément 2008 (détail)

Voici la parole de l’artiste sur cette œuvre Tout doit disparaître ! :
Détourner-retourner un usage sur lui-même : comme il est d’usage de le faire aux caisses des supermarchés, un geste qui consiste à gonfler d’air un sac plastique tenu par les bretelles afin d’y ranger les denrées achetées.
Quinze mille fois répété ! Trente cinq mille fois répété ! Quatre-vingt dix sept mille fois répété !
Déstockage massif ! Tout doit disparaître !
Un monument constitué de cet objet renvoyant autant à l’échange qu’à la perte.
Vertige du bleu qui absorbe.
Bleu de la mer à jamais traversée, Black Atlantic où respire et nous parle, une humanité délestée.
Maintenir une semaine, un mois, six mois dans l’espace d’exposition un impossible monument qui disparaît à chacun de nos regards.
Il n’en restera que la noyade.

Jean-François Boclé Blacks on Black Field Atlantide Caraïbe Fondation Clément 2008

Jean-François Boclé
Blacks on Black Field
Atlantide Caraïbe
Fondation Clément
2008

Comment cette installation si particulière s’inscrit – elle dans la démarche de l’artiste ?
Jean-François Boclé développe depuis la fin des années 1990 une démarche artistique se déplaçant sur un large spectre de médiums : installation, peinture, sculpture, intervention dans l’espace public, performance, écrit, vidéo, photographie.
L’installation Tout doit disparaître ! tient une place centrale dans cette démarche.
Boclé nous parle de toxicité. Toxicité des partages du monde, de Tenochtitlan, Valladolid, Utrecht, Berlin, Versailles, Yalta, Davos, toxicité d’une Histoire et d’une mémoire bien longtemps écrite par les seuls vainqueurs, toxicité d’une toujours Très Sainte Marchandise (1) reléguant dans un même mouvement Homme et Nature ou encore toxicité des transits, voyages et naufrages contemporains.
Sur l’autre rive d’un paradigme qui le questionne depuis ses débuts, il nous parle de l’émerveillement de l’invention d’un Nous, émerveillement de la Relation. Cette vibration bipolaire, entre le dé-colonial Frantz Fanon et le Glissant de la Poétique de la Relation, celle qui agite son Île démesure (1), est entendue comme lieu de l’atteinte. L’atteinte du côté des contacts toxiques et l’atteinte du côté de la perméabilité à l’autre. «La Martinique, la Caraïbe et l’Amérique, là où l’Atlantique s’est noyé, sont mon laboratoire. C’est de là que je pense. Nous n’avons pas l’Histoire si courte, elle touche à la démesure. Démesure de cinq siècles de tragédies coloniales et de trauma des anciennes frontières du monde. Quand je vais à Fort-de-France, Cali, Santo Domingo ou New York, je suis autant baigné dans la permanence de certains rapports de pouvoir issus de la dite Encuentra que dans ce Nous caribéen et américain. Ces siècles de brassages d’Histoires et d’histoires sont la gestation du Nous que l’on entrevoit dans nos actuelles tectoniques planétaires». (1)

Jean- François Boclé Aller simple Acte en retour  Martinique 2006

Jean- François Boclé
Aller simple
Acte en retour
Martinique
2006

Pour Jean-François Boclé «l’artiste raconte incessamment autre chose, il est là-ailleurs. Là-ailleurs, parce que cela déborde, parce que l’espace même échappe, parce que la transe restitue, sépare, rassemble et éloigne» (1). « Ponte » de Pino Pascali, ou les Parangolés du Brésilien Helio Oiticica ont eu très tôt ce pouvoir sur lui.
« Tout doit disparaître ! » qui questionne sur ce que pourrait-être un mémorial du Black Atlantique, empreinte à l’Arte Povera du Ponte de Pascali (son pont est constitué de milliers d’éponges métalliques pour la vaisselle) et son processus de multiplication vertigineuse d’un banal produit arraché à la consommation courante, comme également la mer de sacs plastiques nous parle de la place centrale qu’a eu l’œuvre d’Oiticica pour Jean-François Boclé, autour de la poétique de la Transe, Transe sociale, Transe politique…

Note
(1) Jean François Boclé


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