The Slap est une nouvelle série limitée de 8 épisodes diffusée sur les ondes de NBC aux États-Unis depuis la mi-février. L’action commence à Brooklyn alors que la famille Apostolou et des amis se sont rassemblés pour célébrer le 40e anniversaire d’Hector (Peter Sarsgaard). Pendant que les adultes passent (en apparence) un bel après-midi, leurs enfants jouent dans la cour, mais l’un d’eux, Hugo (Dylan Schombing) est particulièrement dissipé. Lors d’une partie de baseball qui tourne mal, il se met à menacer ses coéquipiers avec son bâton, jusqu’à ce que Harry (Zachary Quinto), le cousin d’Hector décide d’intervenir et gifle le garçon après que celui-là même l’ait asséné d’un coup de pied, ce qui provoque des réactions mitigés selon les témoins. Cet incident en apparence anodin prendra au cours des épisodes des proportions dramatiques que nuls n’avaient envisagés. Remake de la série éponyme australienne diffusée en 2011 et elle-même, adaptée d’un roman de Christos Tsiolkas, The Slap est, à quelques défauts près, une agréable découverte pour tous ceux qui n’ont pas vu l’originale et c’est cette réflexion sur la parentalité qui nous accroche. Malheureusement, le public américain semble peu ouvert à ces séries « événements » que tente d’implanter NBC et c’est à se demander pendant combien de temps les chaînes vont continuer à prendre des risques.
La faute à qui?
La prémisse de The Slap est concise et ne se résume qu’à une seule scène, mais l’intrigue ne fait que commencer puisque ce qui nous intéresse, ce sont les répercussions d’un tel geste. Ainsi, chaque épisode est consacré à un seul des protagonistes (acteur ou témoin de la scène) et sa perception. Dans le premier épisode, nous avons droit au point de vue de l’hôte, Hector. Celui-ci est dépressif comme en témoigne la médication qu’il mélange allègement avec de la boisson et du tabac. La flamme entre lui et sa femme Aisha (Thandie Newton) s’étiole d’autant plus qu’il a récemment pris pour maîtresse Connie (Makenzie Leigh), âgée d’à peine 17 ans. C’est lui qui se propose d’être le médiateur entre Gary (Thomas Sadoski), Rosie (les parents d’Hugo) et Harry. Le deuxième épisode est d’ailleurs centré sur ce dernier qui échoue à calmer le jeu, alors qu’au cours du troisième, nous avons le point de vue d’Anouk (Uma Thurman), une amie de tout ce beau monde, sans enfants et surtout impartiale.
Le principal reproche que l’on pourrait retenir contre The Slap est de nous dépeindre des personnages principaux un peu trop caricaturaux. Ça nous est tous arrivé, qu’on ait des enfants ou pas, de regarder les autres parents et de juger leurs manières d’élever les leurs. Et combien d’entre nous n’avons jamais pensé infliger une fessée à l’un d’eux? Dans la série, Hugo est un véritable enfant roi (définition médicale ici pour ceux que ça pourrait concerner) : il lance par terre une tablette électronique, arrache les fleurs du jardin et menace les autres… tout cela devant des parents qui ne sortent de leur inertie que lorsqu’il a été giflé. À l’opposé nous avons Harry qui a toujours eu du mal à contenir sa rage, même envers sa femme Sandi (Marin Ireland) et on le sent prêt à exploser à tout moment.
On pourrait bien trouver une excuse à Harry pour son geste, mais comme c’est un homme violent de nature, on n’a qu’une envie : l’enfermer. Même chose pour Rosie. Elle a beau aimer son fils, on enrage lorsqu’on la voit le surprotéger inutilement et le fait qu’on nous la montre en train de l’allaiter (Hugo a quatre ans) prouve bien qu’elle n’est pas vraiment plus saine d’esprit que l’agresseur de son fils. Comme l’écrit Willa Paskin dans sa critique : « Harry and Rosie quickly emerge as the most overtly inflexible adults assembled. They are matched caricatures, philosophically opposed and yet fundamentally similar. » Néanmoins, The Slap reste tout de même fascinante parce qu’il nous reste au moins une dizaine de personnages (interprétés par une impressionnante brochette d’acteurs) se situant entre ces deux extrêmes. On leur accorde chacun un épisode et le concept de parentalité, qu’il soit lié ou non à la gifle est toujours dans l’air. Et hormis l’inutile voix hors champ d’un narrateur qui nous explique les passés des protagonistes, les épisodes filent devant nos yeux à la vitesse de l’éclair.
Quand un network sort des sentiers battus
Les networks (ABC, Fox, CBS et NBC) malgré les nouvelles technologies restent toujours très fédérateurs auprès des américains dont une bonne proportion regarde toujours ses séries préférées en direct. Et pour être sûr que cette clientèle n’aille pas voir ailleurs, ils ont la double tâche de plaire à tout le monde, donc, de déranger le moins possible, tout en embrassant les idées nouvelles pour être un tant soit peu de leur temps. La prise de risque est donc minimale et les genres policier, hospitalier et juridique sont légions soir après soir. Comment se démarquer dans cette consanguinité sérielle? Une des réponses à cette question renvoie aux remakes. Ces studios ne vivent pas dans une tour d’ivoire et sont bien au fait des succès étrangers. Pourtant, lorsqu’ils se lancent, rares sont les occasions où ils remportent le succès espéré.
Venue tout droit d’Israël, CBS nous présentait à l’automne 2013 le remake de Hostages alors que cet hiver, c’est NBC qui est arrivée avec Allegiance : deux échecs qui ne connaitront pas de suite. De France, Les Revenants a fortement influencé (quoi qu’ils en disent) Resurrection sur ABC qui n’a pas connu un meilleur destin. Chez Fox, ce fut la débandade plus tôt cette année avec Red Band Society (Polseres Vermelles, Espagne) et même chose l’an dernier avec Rake (idem, Australie). Enfin, NBC nous arrivait sans plus de succès au printemps 2014 avec un autre « événement télévisuel » : Rosemary’s Baby adaptée du film de Polanski (1968). Toutes ces séries ont en commun d’avoir connu un échec d’audience, ce qui ne veut pas dire qu’elles étaient toutes mauvaises, loin de là. Parmi toutes les causes possibles, notons en deux facteurs qui jouent en défaveur des networks. Le premier est que dans leur nature même, elles se doivent de rassembler un gros bassin d’auditoire si bien qu’en reprenant certains de ces succès étrangers, elles diluent la sauce pour les rendre grand public, ce qui fait perdre à chacune d’entre elles leur spécificité. À l’opposé, si on s’éloigne trop des sentiers battus, l’Américain moyen ne retrouve pas ses codes de narration habituels et manifestement, n’aime pas être déstabilisé. Le meilleur exemple est celui de Gracepoint cet automne. Adaptation de la très médiatisée Broadchurch, Fox reprenait plan par plan ce succès anglais, poignant certes, mais beaucoup trop éloigné des succès policiers traditionnels comme les Law & Order, NCIS ou Criminal Minds. The Slap se situe entre ces deux extrêmes : on y retrouve une certaine simplification du scénario, mais en même temps un type de narration qui demande un peu plus de patience, à l’image des séries américaines câblées… et les audiences beaucoup moins fortes qui vont généralement avec.
Justement, The Slap a rassemblé 5,13 millions de téléspectateurs pour son premier épisode, près de 4 pour le second et 3,6 pour le troisième; des chiffres dérisoires comparés à ceux des émissions concurrentes. C’est à se demander si NBC n’aurait pas mieux fait de diffuser la version australienne, réduisant ainsi la facture. Encore faudrait-il un auditoire moyen curieux de nature et ouvert aux autres façons de raconter une histoire, ce qui n’est pas le cas pour le moment.