Chronique : « Cet été-là »
scénario de Jillian Tamaki, dessin de Mariko Tamaki
Public conseillé : Adultes et adolescents
Style : Chronique de vie
Paru aux éditions « Rue de Sèvres », le 14 mai 2014, 20 euros
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L’Histoire
Awago beach, c’est l’endroit où la jeune Rose, accompagnée de ses parents échoue chaque été, depuis… toujours.
Après être passé devant le fameuse élevage de dindes séchée, la voiture familiale tourne tranquillement dans une allée sablonneuse.
La famille Wallace se pose dans la maisonnée, en respirant le bon air marin.. puis chacun prend ses marques.
Double-salto sur son lit, et hop, Rose chevauche son vélo pour rejoindre Windy, sa grande amie, tandis que les parents s’installent…
Ce que j’en pense
Il y a des romans et des albums de BDs qui vous collent à la peau et vous marquent profondément. “Cet été-là” en fait parti. Découvert sur le tard par recommandation de blogueuses hystériques (je plaisante) qui encensaient la justesse et la sensibilité de l’album… je suis, moi aussi, tombé sous le charme de cette énorme pépite.
Pourtant, dans l’absolu, “Cet été-là” n’est que le énième roman graphique surfant sur l’intime.
A la façon d’un Craig Thomson (“Blanket”), les deux cousines Tamaki (Mariko au scénario et Jillian au dessin) nous embarquent dans une bulle précieuse, un moment volé, où tout semble vrai, juste et accessible. Véritable voyage immobile et mental dans la tête de Rose, ce pavé est un album sensible et juste comme j’en air rarement lu.
En compagnie de Rose, les auteures nous enferment dans un lieu et un temps unique : L’été au bord de la mer. Cette pré-adolescente longiligne et introvertie y retrouve, le temps des vacances, sa grande amie Windy (bien en chair et extravertie).
Entre les parents qui se font la gueule pour des raisons inconnues, les jeunes du coin qui fument, parlent sexe et avortement, les deux auteurs racontent un quotidien parfaitement banal et commun à beaucoup de lecteurs et lectrices. Pourtant, ce moment prend une tournure particulière dans la tête de Rose. Sur le seuil entre l’enfance et l’âge adulte, qu’elle perçoit.. avec ses difficultés et sa complexité, il est temps pour elle de grandir… Pas facile de franchir ce pas…
Par petites scènes simples et justes, Mariko et Jillian mettent en images, en sentiments, “le sensible” qui fait écho en chacun de nous… Sans chercher à réinventer la roue, elles explorent le récit du quotidien avec une véracité et une sensibilité très féminine (mais pas que). Peut-être est-ce ma part de féminité ? Qui sait ?J’ai été vraiment touché par les questions de la jeune Rose.
Contrairement à ce que je pouvais craindre, “Cet été-là” n’est pas seulement un “roman graphique pour jeunes femmes et jeunes adolescentes». En évoquant l’expérience universelle du passage à l’âge adulte, cet album a su me toucher profondément.
Le dessin
La narration est très linéaire, passant de scènes en scènes, organisées de façon chronologiques. Le dessin semi-réaliste de Jillian est tout en nuances. Véritable exercice de funambule, son trait élégant et discret trouve le parfait équilibre entre texte, émotions et figuration. Les compositions sont régulières, avec peu de cases par pages.
Ordre, simplicité et linéarité, sont quelquefois bousculées par des double-pages contemplatives (paysages, détails d’un éléments) qui nous font rentrer dans le monde intérieur de Rose…
La mise en couleur, elle aussi, d’une grande sobriété, est réalisée en bichromie de bleu, baignant “Cet été-là” dans une ambiance crépusculaire.
Pour résumer, Jillian et Mariko Tamaki nous offrent l’occasion, avec une élégance rare, de ressentir le temps d’un album, la réalité de la vie, comme elle est vécue par la jeune Rose. Quel brio !