Le lecteur avait donc hâte de découvrir ce que le destin allait réserver à Moudy l’Africain, Alex le blanc et Samir l’Arabe. Malgré une histoire d’amour et des rêves d’évasion et d’avenir meilleur, on devine bien vite que l’espoir n’est pas de mise dans ce quartier sans lendemain et que la fatalité risque bien de venir les cueillir avant la fin du récit. Le dénouement ne réserve donc que peu de surprises, mais le lien que l’on a tissé avec ces jeunes au fil des pages rend le final encore plus tragique.
Je ne vais pas revenir sur l’efficacité du dessin noir et blanc d’Olivier Cinna, qui s’installe immédiatement au diapason de l’ambiance et dicte le rythme de lecture du début à la fin. S’il prend la majorité de la narration à son compte, je me demande si un peu plus de voix-off n’aurait pas permis de donner encore un peu plus de profondeur aux personnages, tout en distillant plus d’information sur le contexte du récit. Les dialogues sont certes incisifs et d’une grande justesse, mais faire reposer cette chronique sociale uniquement sur les dialogues et la force du dessin est un pari osé (et relevé avec un certain brio), mais qui empêche d’après-moi d’emmener le récit à un niveau supérieur. Les nombreuses planches muettes renforcent d’ailleurs cette impression de survoler quelque chose qui avait tellement plus de potentiel. Cela fait selon moi la différence entre un récit qui parvient à toucher le lecteur comme celui-ci et un qui le bouleverse et le marque à jamais.