Figuration narrative ?
Il y a quelques jours était évoqué dans ce blog le retour spectaculaire au premier plan des peintres de la Figuration Narrative sur la scène Française. Parmi les artistes cités, Hervé Télémaque occupait une place éminente avec son exposition actuelle au Centre Pompidou à Paris ainsi que sa future présentation au musée Cantini à Marseille en juin prochain. Ce n'est pas le moindre paradoxe de vérifier au Centre Pompidou combien l'appellation de Figuration narrative prête le flanc à la controverse. Présentée en juillet 1964 au Musée d’art moderne de la Ville de Paris, l'exposition "Mythologies quotidiennes" est organisée par le critique d’art Gérald Gassiot-Talabot et les peintres Bernard Rancillac et Hervé Télémaque.
Herve-Telemaque-Objets-usuels-pour-Vincent-van-Gogh-1970
Cette exposition considérée comme la première référence de ce qui allait devenir la Figuration narrative situe ainsi Hervé Télémaque comme un des fondateurs du mouvement. On peut aisément vérifier que nombre d'artistes présentés dans cette exposition ont ensuite développé une œuvre bien éloignée de la Figuration narrative. Le paradoxe le plus marquant est vraisemblablement qu' Hervé Télémaque lui-même ne se revendique pas comme un peintre narratif. Jean-Luc Chalumeau rappelle cette affirmation du peintre : "Il y a dans la narration comme dans le rébus une direction définitive, un parcours de A à B. J'ai toujours mis en avant un jeu fictionnel, fluctuant, pluraliste, sans pourtant autoriser la non implication, le 'chacun y lit son histoire'. Le tableau peut être un dialogue mais le regardeur n'est pas un créateur. Je suis le meneur de jeu. »
Une œuvre fictionnelle
Au-delà de la polémique historique reste la démarche d'un artiste et son itinéraire personnel. Dans l'entretien qu'il m'accordait il y a une vingtaine d'années, Hervé Télémaque expliquait comment, en 1962, vivant à New-York alors que le Pop-art dominait l'espace artistique, il se sentait en décalage avec ces artistes dont il estimait le manque de regard "politique". Télémaque, toujours à la recherche de son identité marquée par ses origines antillaises, exprimait le projet de se raconter et trouvait dans une peinture narrative un terrain favorable quand bien même lui-même définissait son œuvre comme "fictionnelle" plutôt que narrative.
Hervé Télémaque n'est pas à la recherche d'un art engagé dans le champ politique à la différence de ses compagnons de route de la Figuration narrative comme Bernard Rancillac, Erro ou Gérard Fromanger. Entre l'enquête autobiographique, la psychanalyse, le langage, le peintre souhaite que l'on prenne en compte ses propositions en les libérant des grilles culturelles acquises.
Plusieurs observateurs ont souligné récemment la présence répétitive dans les tableaux de Télémaque d'une canne blanche. On la retrouve notamment dans les toiles Passage
(1970) et Port-au-Prince, le fils prodigue
(1970) ou encore la sculpture en bronze Le Désert (1968-2005)
. Jean-Luc Chalumeau souligne : "Elle contient métaphoriquement tous les problèmes de la peinture : outre la locomotion le peintre indique la perception, car la peinture fait voir ce qui n'a pas été vu."
Au terme de l'entretien que m'avait accordé Télémaque, l'artiste signait son témoignage par ces mots : " Le plaisir métaphorique à sa naissance".
Photos: Encyclopédie audiovisuelle de l'art contemporain
Rétrospective Hervé Télémaque
Jusqu’au 18 mai 2015
Centre Pompidou
Place Georges-Pompidou – 75004 Paris