tuer un cerf...par amour

Publié le 06 mars 2015 par Dubruel

Mme Olga de Valençay

Avait jusque-là repoussé

Les supplications de M. Joseph de Francoeur.

Durant l'été, son admirateur,

L'avait poursuivie ardemment.

Il donnait maintenant

Pour elle des fêtes et des chasses

En son château de Bazas.

Francoeur était gros, petit, court de bras,

De jambes, de cou,

De nez, de tout.

Il vivait séparé de sa femme

Pour cause de faiblesse physique que Madame

Ne lui pardonnait pas.

Olga était grande, jeune et déterminée.

Elle n'avait encore rien accordé.

Joseph la harcelait de ses prières.

Olga lui répondait avec un clin d'œil :

-" Si je dois tomber, mon cher,

Ce ne sera pas avant la chute des feuilles. "

Fin octobre, à Bazas,

Joseph organisa une chasse.

Au moment du départ,

Olga le retint, non par hasard :

-" Si vous tuez un cerf,

J'aurais quelque chose pour vous, mon cher. "

D'une oreille, Joseph avait écouté

Cette parole tellement souhaitée

Et de l'autre, il suivait le chant des cors

Et la voix des chiens qu'on entendait encore.

-" Vous m'aimez, n'est-ce pas ? "

-" Cette question ne se pose pas. "

-" La chasse semble pourtant

Vous occuper plus que moi, en ce moment. "

-" Mais, vous vouliez que j'abatte un animal... "

-" J'y compte et vous le tuerez devant moi. "

Joseph embrassa Olga,

Piqua son cheval

Et s'élança.

Elle, cingla le flanc de sa jument.

Ils ont ainsi chevauché,

Côte à côte, un long moment.

Le tumulte de la chasse se rapprochait.

Devant eux, tout à coup, passa un cerf.

Ils le pourchassèrent.

Deux heures plus tard, l'animal gisait,

Au lieu-dit La Bassée.

Olga embrassa le baron :

-" Rentrons ! "

Ils revinrent au château

Et dinèrent tôt.

Elle lui donna un baiser :

-" Je suis lasse, je vais me reposer. "

Quelques minutes après,

Joseph grattait

À la porte de la chambre d'Olga.

Elle l'accueillit, le caressa

Et de son doigt

Lui montra le lit:

-" Je vais revenir. Attendez-moi. "

Alors Joseph se dévêtit

Et s'enfonça dans les draps.

Mais Olga ne revenait pas,

S'amusant sans doute à le faire languir.

Les membres de Joseph s'engourdirent

Peu à peu. Sa pensée s'assoupit

Puis fatigué par la chasse, il s'endormit.

Au matin,

Dans le poulailler voisin,

Un coq chanta.

Le soupirant se réveilla...

Dans un lit

Qu'il ne connaissait pas.

Il sentit contre lui

Un corps de femme et balbutia :

-" Quoi ? Qu'y a-t-il ? Je suis où ? "

Alors Olga, contrariée et fâchée,

Répondit avec le même ton hautain et glacé

Qu'elle utilisait avec son mari :

-"C'est un coq qui chante, mon ami,

Rendormez-vous ! "