Si pour le patient s’assurer personnellement pour la santé ou la retraite relève de la plus élémentaire sagesse (les caisses de la sécu sont vides et le système des retraites est une pyramide de Ponzi qui ne permet pas d’assurer aux futurs retraités qu’ils survivront dignement), il est en revanche beaucoup plus contestable que les assureurs ou les mutuelles proposent aux médecins d’entrer dans leur réseau.
Le payeur est le décideur. Un médecin ou un chirurgien qui accepterait de signer un contrat avec un réseau doit comprendre qu’il perdra sa liberté exactement comme il l’a perdue par la soumission à la sécurité sociale. S’il reste du libéralisme à cette profession, elle perdra toute indépendance en acceptant de se soumettre aux règles d’un assureur ou d’une mutuelle. Les mutuelles ne doivent pas obliger les médecins à s’affilier, mais peuvent garantir les remboursements quel que soit le médecin choisi par le patient.
Il y a des tractations qui se font en ce moment, malheureusement peu de médias grand public en révèlent la teneur.
La Sécurité Sociale étant moribonde, Marisol Touraine (aidée par ses prédécesseurs) a trouvé une solution auprès des mutuelles. Les mutuelles vont progressivement et insidieusement remplacer la Sécurité Sociale pour le remboursement des soins. En effet les mutuelles ont le droit de créer des réseaux de soins à partir du moment où la Sécurité Sociale prend en charge moins de 50% du remboursement. Il n’y a plus qu’à faire baisser la part de la Sécurité Sociale pour autoriser les mutuelles à créer leurs réseaux de soins.
Le patient n’y verra pas de différence. Avec le tiers payant généralisé, il ne déboursera plus rien, et il faudrait qu’il regarde le détail de la feuille qu’il recevra ensuite pour savoir qui a payé quoi et combien (combien de patients regardent la note de la pharmacie pour savoir combien coûte la boîte de médicaments ?). Et voilà la magie du tiers-payant généralisé : faire disparaître la proportion prise en charge par la Sécu et par la mutuelle, cette proportion cruciale pour légaliser les réseaux.
Qu’y gagnent les mutuelles ? Un marché énorme. En volume financier d’abord. Car si la Sécurité Sociale se désengage, les Français devront payer de plus en plus cher pour obtenir un remboursement correct de leurs soins (selon toute probabilité les cotisations à la Sécurité Sociale ne baisseront pas, tandis que pour avoir une couverture plus performante il faudra prendre auprès de sa mutuelle une option supplémentaire qui porte déjà le nom de « surcomplémentaire »)
Marché énorme aussi en nombre d’affiliés. Les salariés étant obligés d’adhérer à la mutuelle que leur impose leur entreprise, Marisol Touraine veille donc à ce que les mutuelles ne perdent pas le moindre client potentiel. Chaque Français sera ficelé à une mutuelle, en plus de l’être à la Sécu.
C’est une stratégie très finement élaborée, car si les règles de la concurrence européenne finissent un jour par s’appliquer en France, les assurances et les mutuelles devraient être mises en concurrence avec celles des autres pays européens. En imposant sa mutuelle pour tous les salariés, Marisol Touraine bloque donc d’ores et déjà toute possibilité d’ouverture du marché français de l’assurance privée en le saturant avec les mutuelles françaises qui peuvent afficher le sourire satisfait de celui qui a fait une bonne affaire.
C’est pourquoi il est capital de bien comprendre ce qui se profile avec les réseaux de soins : ils ont beau être gérés par des entreprises privées, ils sont néanmoins en collusion avec l’État qui leur a garanti un marché. Il ne s’agit pas d’une « dérégulation », ou d’une mise en concurrence d’assurances, il s’agit de placer les copains au bon endroit, la plupart des dirigeants de la Mutualité Française et des mutuelles en général ayant circulé dans les couloirs des ministères. [...]
http://www.contrepoints.org/2015/03/02/199685-attention-aux-reseaux-de-soins
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