Pour la première fois j’ai noirci les petites cases, celles qui vendent du rêve pour deux euros cinquante. Ca n’a pas manqué, quelques minutes après, je me suis prise à imaginer ce que serait ma vie si … Je ne crois pas que j’aimerais gagner la grosse somme, celle qui bouleverse la vie. Moi, je voudrais juste alléger la mienne. Effacer la ligne crédit, effacer la ligne soucis. Ecrire des lignes de voyages, de bleu de mer de sommets de montagnes de rires d’enfants qui résonnent dans les vallées. Des lignes de mes rêves enfermés dans un tiroir mais surtout étendre le champ de leurs possibles. Ouvrir la porte et même les fenêtres à leurs folies.
Je me poserais là et je les regarderais grandir, je les presserais un peu pour la forme mais plus parce qu’une autre vie loin d’eux m’attend chaque matin jusqu’au soir. Je verrais leur sourire quand je leur dirais qu’on va prendre l’avion pour la première fois. Je déteste l’avion mais ils semblent tellement impatients. On irait en Corse pour les vacances parce cela leur semble le bout du monde connu et le comble de l’exotisme. Bien sûr j’acquiescerais, je ne suis pas loin de penser la même chose.
L’avantage des rêves à taille humaine c’est qu’on peut y croire pour de bon – et travailler à en réaliser quelques-uns. L’argent ne fait pas le bonheur, mais deux euros cinquante le prix du rêve ça n’est pas grand-chose. Petit plaisir coupable à peu de frais. Peut-on acheter du temps supplémentaire et du rab de jours heureux ? Reste-t-on soi-même quand ce qui fait le sel de nos jours n’est plus?
En attendant je prie pour que rien ne change puisque cela me terrifie. Danseuse sur ses pointes, funambule sur son fil, patineuse en plein triple lutz, je retiens mon souffle avant que le tourbillon ne nous entraîne.