Lettre ouverte publiée sur le site marieclaire.fr
CARDINAL GIOVANNI BATTISTA RE : “LE VIOL EST MOINS GRAVE QUE L’AVORTEMENT”
DATE DE PUBLICATION : 05/03/2015 À 16:37 |
Lettre ouverte :
A vous, qui osez affirmer que le viol d’une petite fille de 9 ans, est “moins grave que l’avortement”, nous vous adressons cette lettre au nom de la liberté des femmes et du respect de l’enfance.
Nous vous écrivons aujourd’hui parce que vos propos sont scandaleux, insupportables, intolérables.
Rappelons les faits. En 2009, au Brésil, une petite fille de 9 ans est régulièrement violée par son beau-père. Elle tombe enceinte. De jumeaux. La loi brésilienne autorisant l’IVG en cas de viol ou de grave danger de santé (ce qui était doublement le cas pour cette enfant), elle se fait avorter à l’hôpital grâce à l’aide de sa mère, qui ignorait tout des faits et fuit le domicile conjugal pour sauver ses enfants. C’est alors que vous, archevêque de Recife, jugez bon d’excommunier cette petite fille, sa mère, et tout le corps médical ayant pratiqué l’IVG. Face à la polémique, le Vatican vous soutient, en la personne du cardinal Giovanni Battista Re.
Le beau-père, lui, le violeur, le criminel, n’a pas été excommunié. Et non. Parce que, comme vous l’avez dit à l’époque et comme vous l’avez répété hier, “le viol est moins grave que l’avortement”. Écoeurement. Stupéfaction. Nous rappelons que cet homme abusait de l’enfant depuis ses 6 ans, ainsi que de sa sœur aînée de 14 ans, de surcroît handicapée. Cet homme, selon vous, mérite de rester dans votre Eglise, mais pas cette petite fille abusée, meurtrie, torturée, ni ceux qui ont voulu l’aider. Mais messieurs, quel genre d’Eglise est votre Eglise…?
C’est cette même Eglise, bien sûr, qui condamne encore et toujours l’avortement, obstinément fermée à cette idée même au 21ème siècle. A Marie Claire, nous défendons au contraire ce droit car nous sommes féministes, et qu’être féministe, c’est lutter pour l’avortement libre et gratuit. Permettez nous à ce sujet de citer “l’Appel des 343”, texte historique français (1971) :“Les femmes sont celles de qui la condition est unique dans l’histoire : les êtres humains qui, dans les sociétés modernes, n’ont pas la libre disposition de leur corps. Jusqu’à présent, seuls les esclaves ont connu cette condition.” Cette petite fille était une esclave. Permettez-nous également de vous confier un scoop : le fait que l’avortement soit légal ou non dans un pays ne change que très peu le nombre d’IVG qui y est pratiqué. Car une femme qui a décidé d’avorter en trouvera toujours le moyen, quitte à mettre sa vie en péril.
Toutes les 9 minutes, dans le monde, une femme meurt d’un avortement clandestin. Aurait-on du ajouter au calvaire de cette petite fille violée le danger mortel d’un avortement illégal ? Expliquez-nous un peu, messieurs, quelle est cette Eglise, quel est ce Dieu qui garde en son estime un homme capable de violer un enfant, mais rejette l’enfant violée ? Expliquez-nous comment et pourquoi nous devrions croire que ce Dieu est “amour” ? Votre argument, je cite, est que "Il faut toujours protéger la vie”, et que “les jumeaux conçus étaient des personnes innocentes qui ne pouvaient être éliminées”.
Mais c’est cette petite fille, la vie, c’est cette petite fille, l’innocente ! Avez-vous eu 9 ans, cardinal ? Avez-vous, à défaut, déjà vu un(e) enfant de 9 ans ? Pouvez-vous imaginer ce qu’est réellement le viol d’un être si petit ? Vous représentez-vous concrètement le calvaire qu’a subi cette petite, la peur, la honte, la torture, la pénétration d’un sexe adulte, la douleur, la souffrance infinie, et ce dans l’univers clos de son foyer ? Probablement non, puisque, déjà en 2002, vous défendiez les cardinaux américains un peu trop cléments envers les pratiques pédophiles de l'Église catholique ... Et que vous avez même signé "la demande du Vatican aux évêques américains de revenir sur la décision d'appliquer désormais une tolérance zéro contre les religieux coupables d'abus sexuels".
Si c’est de cette Eglise là que ces personnes ont été excommuniées, nous considérons alors que c’est un honneur pour elles que de ne plus faire partie de cette communauté, car elle va à l’encontre de toutes les valeurs humanistes qui devraient régir la société.
Par Caroline Rochet