Alors là, concrètement c’est difficile de faire un lien avec l’actualité. En général, j’essaie de relier mes articles à un petit événement, un fait divers ou un truc qui m’interpelle, m’agace, m’enjoue. Mais là, la perruque. Rien que de lire ces trois premières phrases, j’ai envie d’arrêter d’écrire (et vous de lire), mais en fait, c’est quand même une chouette histoire, celle de la perruque. Et c’est l’occasion pour moi de vous présenter Romain, l’illustrateur. J’crois pas qu’il porte de perruque au quotidien. Bref, voici son histoire avec ses codes et ses modes. La perruque a même été politisée. Oui. Son histoire commence sous l’Antiquité. Tous les liens en violet sont des images coolos, je te conseille vivement de cliquer.
L’Antiquité
L’Egypte
La civilisation la plus connue pour avoir porté des perruques, c’est l’Egypte. Les mecs et les meufs détestaient les poils et les cheveux, qui pour eux, sont symboles d’impureté. Pour des personnes très religieuses, l’impureté, c’est mal. Alors beaucoup d’entre eux se rasent les poils et les cheveux. En plus, ça évite les parasites, du genre les poux. Le problème, c’est qu’il fait chaud en Egypte. Genre, c’est pas un soleil timide façon le soleil parisien. Non non, il fait chaud sa mère, alors pour éviter les insolations, les Egyptiens portent des perruques.
Évidemment, c’est rarement du cheveu naturel puisque beaucoup se rase, mais bien souvent ce sont des plantes tressées, ou du crin, et parfois même en soie. Il en existait en cheveux naturels, pour les personnes qui avaient du fric, genre pharaons et leur famille. Cléopâtre avait le crane rasé. Les perruques étaient courtes, au niveau de la nuque. L’idée c’était pas de se la jouer avec des cheveux de Princesse, mais vraiment le coté pratique, tout en ayant un peu de style et d’allure. Pour celles et ceux qui gardaient leurs cheveux, ils leur arrivaient d’ajouter des postiches. Cette fois, c’est vraiment pour le coté joli que pour le coté pratique. Du coup, on donne tout ce qu’on a, des plumes d’autruches, des pierres précieuses, des fils d’or. Tout.
Pour maintenir les perruques ou postiches, les Égyptien-e-s utilisaient de la cire d’abeille.
La Grèce
En Grèce, ils rigolent pas trop avec les cheveux. Genre, faut vraiment pas plaisanter, les cheveux doivent être longs pour les femmes, courts pour les hommes, mais pour tout le monde, très bruns et bouclés. Les blonds existent, évidemment, mais c’est pas très classe. Parfois les hommes pouvaient porter des perruques, genre les mecs qui ont un statut important et qui ont un peu honte de leur calvitie. Il existe des perruques dites en nid d’abeille, et c’est un peu moche, regarde.
A Rome
Pareil, à Rome le cheveu est important, et si tu n’en as pas, c’est un peu la lose. En fait, la coiffure, tout comme le vêtement, indique le statut social. Jusqu’au IIIème siècle avant JC, les cheveux se portent longs pour les hommes, puis après, on fait appel à des barbiers. Caligula était chauve, et être chauve c’est être un loser, et surtout c’est signe de déclin, de diminution physique. Alors Caligula portait des perruques pour être respecté par son peuple. En revanche, César, lui, il assumait sa calvitie. Mais bon, en même temps, il couchait avec Cléopâtre qui portait la boule à zéro.
Les perruques étaient aussi portées par les femmes, comme ornement, on appelle ça « galerus », il fallait souvent des heures pour les mettre en place. Elles étaient faites de cheveux naturels, noirs venant d’esclaves d’orient, et blonds d’esclaves d’Allemagne ou nordiques.
Et puis… Rien.
Rien.
Rien.
Rien.
Genre les mecs, ils en ont eu assez, ils ont fait une pause de perruque pendant 1000ans. Evidemment, il y a une bonne raison. Evidemment, je la connais et je vous la donne. A la chute de l’Empire Romain d’Europe, c’est ce qu’on appelle l’époque médiévale. Le Moyen Age quoi. Et entre le Vème siècle et le XVème, l’Eglise catholique a posé son cul, ô combien imposant, sur toutes les pratiques de l’humain. Et l’Eglise, elle décide que Dieu t’a donné un corps, beau ou laid, et le transformer c’est un peu attenter à Dieu. Aussi, le maquillage est interdit. Les perruques aussi. Pour les hommes ou les femmes, peu importe. L’Eglise dit NON.
Au XIIème siècle, y’a d’ailleurs un mec, Bernard de Clairvaux qui pense que la perruque est une invention du diable et que les ornements sont indignes du christianisme. Aussi, pour être sûr d’être bien compris, il déclare à tous les chrétiens que s’ils portent des perruques, l’Esprit de Dieu ne pourra pas les atteindre. Oui, parce qu’il passe par le crane, l’Esprit de Dieu. Comme le Père-Noël par la cheminée. Enfin, « LA FEMME QUI PORTE UNE PERRUQUE COMMET UN PÉCHÉ MORTEL ». Bon, beh oké. On est en vacances de perruques pendant près de 1000 ans. Rendez-vous à la Renaissance.
Le XVIème siècle : en Angleterre
Il faut donc attendre le XVIème siècle pour voir réapparaître les perruques sur le devant de la scène. Mais attention, pas en France, non, en Angleterre. Et savez-vous pourquoi ? Le protestantisme s’impose dans le pays avec Henry VIII, et du coup on dégage les conneries de l’Église Catholique à grands coups de liberté dans le cul. De plus, il est désormais important de bien paraître, et on tente de lutter contre les problèmes d’hygiène. Faut dire que jusqu’au XVIème siècle, les mecs ils sont un peu crado, ils n’aiment pas trop l’eau, et leur principal rituel de toilette est de changer de fringues. Alors, là, ils se reprennent un peu en main. Mais doucement hein, pas de précipitation, pour l’instant, l’important c’est d’être beau. C’est pourquoi Élisabeth I d’Angleterre va répandre la mode de la perruque au sein de la cour anglaise en portant une perruque rousse. Élisabeth, c’est la fille d’Henry VIII.
Le XVIIème siècle : en France
Pour la France, il faut attendre presque la moitié du XVIIème siècle. En 1630, Louis XIII n’hésite pas à s’afficher avec des postiches sur sa crinière pour cacher sa calvitie. Petit clin d’œil à Caligula. Et vu que la cour du Roi, conne comme une barrique en ce qui concerne la mode, recopie les moindres faits et gestes de la famille royale, bin, naturellement tout le monde porte la perruque. Plus t’as de fric, plus ta perruque est cool, aussi, il existe une distinction par rang social en fonction de la perruque. Le vrai cheveu naturel est cher, alors, la cour fait créer des perruques immenses pour montrer son argent. Et c’est la mode des perruques longues et compliquées qui peuvent couvrir les épaules et même une grande partie du dos. En 1680, Louis XIV a 40 perruquiers à Versailles, ça va être leur heure de gloire.
Le XVIIIè : Le perruquier de Versailles
La mode pour les femmes, c’est le style « Fontange », j’ai écrit un article dessus il y a quelques temps. Un jour où elle se baladait en cheval avec Loulou XIV, elle s’est accrochée les cheveux à une branche, elle a tout remis tant bien que mal, mais le roi a kiffé, du coup, c’est devenu à la mode. Et c’est resté jusqu’en 1720. A partir de Louis XV, c’est terminé la fontange, c’est plutôt « tête de mouton » autrement appelée, tête de brebis. C’est plus rangé, plus simple, mais avec des grosses mèches sur la nuque. En théorie, ce sont pas des perruques, mais les meufs qui ont des cheveux pouraves y ont recours. Alors que pour les hommes, c’est grand luxe. Grandes boucles et cheveux longs. Et puis, ça va s’inverser.
En 1770, les perruques pour meufs vont être vraiment à la mode avec des coiffures artificielles de plus en plus hautes et de plus en plus compliquées. Certaines vont atteindre 80cm de hauteur. Par exemple, moi je mesure 1m57, bin avec 80cm sur la tête, mon centre de gravité n’est plus le même et je pense que je perds l’équilibre à chaque pas. Mais c’était quand même rare ce genre de perruques hautes. Pour les grandes occasions seulement. Surtout que le poids du bordel, ça crée des inflammations sur le front et au dessus des oreilles. Alors quand tu retrouves ta perruques classique de 20 ou 30cm, t’as l’air d’une idiote avec ton front irrité. Et personne ne veut avoir l’air d’une idiote.
Pour la couleur, c’est pastel (rose, violet clair ou gris bleuâtre) pour les femmes, blanches pour les hommes. On les poudre avec de la poudre de riz ou d’amidon. Lorsque les mecs ont du fric, les perruques sont en cheveux naturels, sinon c’est du poil de cheval ou de chèvre. J’espère qu’il n’y a pas l’odeur avec.
En vrai, au XVIIIème siècle, 80% de la population n’utilise pas de perruque, mais seuls les 20% de bourgeois et de la haute noblesse vont lancer une économie de malade avec les perruquiers. En plus, les chapeliers doivent s’adapter pour faire des créations qui se glissent sur les perruques et non plus sur le crane. Toute une histoire.
Et puis, c’est la Révolution et un paquet de têtes perruquées va passer par la case guillotine.
La Révolution
La perruque c’est la royauté, la cour et les privilèges, du coup, pendant la Révolution c’est un peu la chose à abattre. La mode est à la sobriété, et au naturel. Ça va pas se faire d’un coup, genre on voit souvent Bonaparte coiffé d’une perruque. Pareil pour Robespierre et Danton (mec le plus moche de l’histoire). En revanche Marat, lui, porte le cheveu naturel. Sous l’Empire, les hommes ne portent plus de perruque, et les femmes, rarement. C’est la fin de la perruque.
Il faut attendre 1960 pour voir réapparaître les perruques comme accessoire de mode, mais presque seulement pour les meufs. On voit aussi des perruques gadgets apparaître, elles retracent les coiffures des temps révolus, genre l’Égypte Antique, Louis XIV, les coupes à la garçonne, ou Charleston. Et puis aussi, aujourd’hui les perruques sont remboursées par la Sécurité Sociale, en cas de maladie. Ce n’est plus trop un jeu, du coup, elle ne font pas 50 cm de haut et ne sont pas bleutés, mais heureusement qu’elles sont là. Puis sinon, tu peux aussi te déguiser en Ronald, et ça c’est drôle. Enfin, j’sais pas. J’suis pas sûre.
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- Romain Tigé a illustré l’article, retrouve le ici –> legraphisteenarmure.com
- Histoire de la coiffure et des coiffeurs, 1996, Paul Gerbod.
- Observations politiques, morales, et surtout financières, sur l’origine de la perruque des dames de Paris, 1800 (gallica)
- Arrêt de Louis XIV contre les personnes non prouvu par le Roy pour travailler à la perruque, 1691 (gallica)