Critique Ciné : L'Ennemi de la classe, jugement rebelle

Publié le 05 mars 2015 par Delromainzika @cabreakingnews

L’Ennemi de la classe // De Rok Bicek. Avec Igor Samobor, Natasa Barbara Gracner et Tjasa Zeleznik.


L’histoire de base de L’Ennemi de la classe est pourtant très simple mais elle est derrière très intelligente, permettant d’induire des questions sur la scolarité et la façon dont dit être pris un drame tel qu’un suicide. Mais c’est aussi un film sur les apparences. On dit toujours qu’il ne faut jamais se fier aux apparences et je pense que ce film parvient à décrire cette idée de façon très intelligente. Il remet en cause tout un tas de préceptes que l’on a pu voir s’élever au fil des années et notamment celui du système éducatif qui ne semble plus du tout en phase avec ce qui se passe actuellement dans la réalité, mais aussi la rébellion d’une jeunesse qui ne sait même pas vraiment pourquoi elle se bat mais qui se bat, celle de l’adolescent qui pense être au dessus de tout et avoir tout les droits, etc. L’Ennemi de la classe est donc bien plus subtile que la simplicité de son histoire ne le laissait transparaître. Et je dois avouer que cela me plaît énormément. La mise en scène de Rok Bicek est quant à elle très énergique. Il n’utilise pas les transitions puisqu’il colle les scènes en les enchaînant à sa façon. Je trouve que l’enchaînement des scènes afin de passer d’une heure à une autre est très intelligent. Cela donne une vraie fluidité au récit qui ne laisse jamais au spectateur le temps de respirer.

À l’arrivée de leur professeur principal remplaçant, une classe de sympathiques lycéens se trouve confrontée à une discipline accrue et à un enseignement plus austère. Ce professeur d’allemand concentre vite toutes les critiques. Les élèves mènent ouvertement la fronde. La tension monte, et quand une jeune fille de la classe se suicide, la responsabilité du professeur parait indiscutable aux yeux de ses camarades. L’escalade des provocations ne fait alors que commencer, laissant les autres enseignants dépassés par les événements et les élèves face à toutes leurs violentes contradictions.

Je ne connaissais pas Rok Bicek (logique vu que c’est son premier film mais je ne suis pas familiiarisé avec le cinéma slovène) mais c’est un metteur en scène particulièrement prometteur. Il donne une vraie personnalité à L’Ennemi de la classe mais pour que cela fonctionne, le réalisateur et scénariste du film s’est inspiré de quelque chose qui s’est réellement passé dans son propre lycée. En effet, son lycée a connu le suicide d’une jeune fille et le film prend cette base de départ afin de parler de tout un tas de choses. A commencer par le système scolaire qui ne sait pas du tout comment réagir face à ce genre d’évènements (on a donc des professeurs perdus, des élèves qui ne sont pas suivis, une proviseur qui préfère déléguer tout aux autres afin de ne pas avoir le mauvais rôle, etc.). C’est une critique qui a beaucoup d’intérêt, surtout que depuis quelques années le système éducatif est remis en cause par de nombreux pairs. Par ailleurs, c’est une critique de l’adolescence et de ces rebellions qui n’ont pas toujours de sens. Ils pensent tous se battre pour une vérité vraie, pour quelque chose alors que finalement ils ne se battent pour rien du tout.

Et le film retranscrit ça de façon très intelligente. L’Ennemi de la classe a autant d’impact également grâce au fait que c’est un huis-clos. On ne sort jamais de ce lycée et bien que cela aurait très rapidement pu être redondant, Rok Bicek parvient à donner un vrai rythme à son film. C’est même une histoire déjà vu et pourtant, L’Ennemi de la classe donne l’impression que l’on ne l’a jamais vu, que c’est nouveau. L’émotion quant à elle est enfermée dans une boîte que le film veut faire exploser chez le spectateur. Et cela fonctionne là aussi car l’émotion s’échappe à certains moments du film histoire de ne pas tomber dans le mélodrame mais aussi de ne pas tomber dans le film qui ne veut pas nous émouvoir. On pourrait cependant reprocher à L’Ennemi de la classe de ne pas vraiment donner de réponses et pourtant, elles sont plus ou moins là quand on réfléchit un peu et que l’on fait des déductions. Finalement, ce petit film slovène est donc une bonne surprise qui prouve que le bon cinéma peut aussi venir de petits pays dont on n’entend jamais parler mais qui ont une façon de voir les choses moins lisse que dans beaucoup de pays que l’on connaît.

Note : 7.5/10. En bref, en posant les bonnes questions, L’Ennemi de la classe parvient à devenir excellent.